Bail d'habitation

Résiliation du bail pour agressions perpétrées par le fils du locataire

Publié le : 08/02/2021 08 février févr. 02 2021

L’article 1726 du Code Civil et l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989 imposent au locataire d’un immeuble d’habitation d’user paisiblement des lieux loués. Cette obligation pèse sur le locataire principal qui doit répondre de ses manquements mais aussi des manquements de ceux qu’il héberge sous son toit, au risque d’une possible résiliation du bail et de devoir quitter les lieux.

Qu’entend-on par usage paisible des lieux loués ?

Traditionnellement, l’obligation d’usage paisible des lieux loués s’entend d’user des lieux comme le propriétaire en userait lui-même et d’apporter à l’immeuble le soin nécessaire comme le ferait le propriétaire. Il s’agit aussi de respecter le voisinage et ne pas commettre de trouble.

Les illustrations quotidiennes d’éventuels manquements sont nombreuses dans la vie des immeubles : tapages et fêtes nocturnes répétées, élevages d’animaux sur des terrasses, chants de coqs…. Bien souvent, ces situations trouvent à se solutionner amiablement. 

Lorsque les faits sont plus graves, la justice peut être saisie, le bailleur sollicitant la résiliation du bail. Les faits présentés en justice, sont laissés à l’appréciation souveraine des juges du fond.

La Cour de Cassation était saisie récemment d’une situation grave et complexe, et devait se prononcer sur une demande de résiliation du bail fondée sur le manquement à l’usage paisible des lieux loués. 

En 2011, le fils enfant mineur d’une locataire, vivant à son domicile, dans des lieux loués, exerçait des violences à l’égard des agents du bailleur. A la suite de ces faits ayant donné lieu à une condamnation pénale, la locataire était relogée avec son fils dans un appartement situé dans une autre ville. 

En 2014, ce même fils de la locataire, devenu majeur, toujours domicilié chez sa mère, dans des lieux loués appartenant au même bailleur, commettait de nouvelles violences, avec arme, en l’occurrence des pierres, et ce, en état de récidive légale, sur des employés du bailleur dans l’exercice de leurs fonctions ; le fils était alors condamné à une lourde peine d’emprisonnement assortie partiellement d’un sursis avec mise à l’épreuve.

L’OPAC propriétaire assigne la mère, unique locataire en résiliation du bail pour manquement à l’usage paisible des lieux. 

Le Tribunal, puis la Cour d’Appel prononcent la résiliation du bail. 

La Cour de Cassation, est saisie de l’affaire par la locataire qui oppose que le juge n’a le pouvoir de prononcer la résiliation d’un contrat que :

- s’il y a inexécution totale ou partielle d’une des obligations que ce contrat stipule ; 
- la résiliation d’un bail d’habitation pour manquement à l’obligation d’usage paisible des lieux loués ne peut être prononcée que si est établie l’existence d’un lien entre les troubles constatés et un manquement à l’obligation, pour le preneur, d’user paisiblement de la chose louée et de ses accessoires ; 

La locataire argue que les actes de violence de son fils ont été perpétrés, le 19 novembre 2014, en dehors des lieux donnés à bail ou de leurs accessoires ; elle reproche à la cour d’appel, de ne pas avoir justifié que les actes de violence dont elle fait état auraient causé un trouble quelconque dans les lieux donnés à bail ainsi que dans l’immeuble et même dans la commune où ils se trouvent, et qu’elle aurait ainsi violé les articles 1184 ancien et 1240 actuel du code civil, ensemble les articles 1729 du même code et 7 b) de la loi du 6 juillet 1989. 

La Cour de Cassation, sur le fondement des dispositions de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989 et 1729 du code civil, rappelle que :

- Le locataire est tenu d’user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location ;
- Que cet usage sans trouble implique spécialement que le locataire n’ait pas un comportement agressif envers son bailleur ou ses préposés
- Qu'en droit, le preneur est responsable civilement des agissements des occupants de son chef, qu’ils soient majeurs ou mineurs.
- Que l’absence de respect de cette obligation peut entraîner une résiliation judiciaire du bail

Dans son arrêt du 17 décembre 2020 (Arrêt n°942 du 17 décembre 2020 - n°18-24.823 - Cour de cassation - Troisième chambre civile), la cour de cassation, mentionne que les violences commises par le fils de la locataire à l’égard des agents du bailleur sont attentatoires à l’obligation d’usage paisible des lieux loués

Elle confirme ainsi que les faits de l’espèce sont d’une particulière gravité pour avoir été réitérés quelques mois après la décision de condamnation pénale et concernent la même personne, coupable de faits similaires à l’égard d’agents du bailleur, ce qui justifie la sanction de la résiliation du bail.

En outre, pour la Cour de Cassation, peu importe le lieu où aient été commises ces agressions puisque les victimes sont des agents du bailleur. Ainsi, la notion d’usage paisible des lieux loués s’entend plus largement que l’utilisation normale à apporter à un immeuble, elle s’étend au respect et à l’intégrité physique du bailleur et de ses agents même à l’extérieur des lieux loués.


Cet article n'engage que son auteur.
 

Auteur

Barbara DEVERNAY
Commissaire de justice associée
SAS AXCYAN CUVILLON DEVERNAY TROCME VICONGNE
ARRAS (62)
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