
Clause de non-concurrence et rupture conventionnelle : la renonciation doit être impérativement antérieure à la date de rupture
Publié le :
01/03/2022
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Par un arrêt du 26 janvier 2022 (Cass. soc. 26 janvier 2022, n° 20-15.755), la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé qu'en matière de rupture conventionnelle, l'employeur, s'il entend renoncer à l'exécution de la clause de non-concurrence, doit le faire au plus tard à la date de rupture fixée par la convention, nonobstant toutes stipulations ou dispositions contraires.On rappellera que la clause de non-concurrence qui peut être prévue au contrat de travail et par laquelle le salarié se voit interdire de concurrencer son ancien employeur ou d’entrer au service d’entreprises concurrentes postérieurement à la rupture de son contrat de travail, voit sa validité subordonnée, notamment, à l’existence d’une contrepartie financière au paiement de laquelle l’employeur est tenu pendant toute la durée d’application de la clause.
L’employeur peut estimer, au moment de la rupture du contrat, qu’il est de l’intérêt de l’entreprise de ne pas maintenir la clause de non-concurrence afin de s’exonérer du paiement de cette contrepartie financière, notamment lorsque la liberté de travailler du salarié ne présente pas, finalement, une menace pour l’entreprise.
Bien que ne trouvant à s’appliquer qu’après la rupture du contrat, l’existence même d’une clause de non-concurrence, pendant la durée du contrat de travail, aura pu répondre à l’objectif de rétention du salarié dans l’entreprise, en limitant l’attention qu’il aurait pu porter aux opportunités auprès d’entreprises concurrentes. Mais sa mise en œuvre peut ne plus se justifier au moment du départ du salarié.
La liberté de l’employeur à cet égard reste toutefois encadrée. L'entreprise ne peut renoncer à la clause de non-concurrence que si cette faculté de renonciation est expressément prévue par le contrat de travail ou la convention collective. A défaut, il ne peut y renoncer, et se délier de l’obligation de payer la contrepartie financière, qu’avec l’accord du salarié.
Dans l’hypothèse où cette faculté de renonciation est prévue, la temporalité de la renonciation est un point de vigilance important.
Dans l’affaire à l’origine de la décision du 26 janvier 2022, la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail prévoyait, d'une part, qu'elle s'appliquerait pour une durée d'une année à compter de la rupture effective du contrat de travail, et d'autre part, que l'employeur aurait la faculté de se libérer de la contrepartie financière de cette clause en renonçant au bénéfice de cette dernière, par décision notifiée au salarié à tout moment durant le préavis ou dans un délai maximum d'un mois à compter de la fin du préavis (ou en l'absence de préavis, de la notification du licenciement).
Le contrat de travail a été rompu dans le cadre d’une rupture conventionnelle, hypothèse non prévue par la clause.
La question du devenir de la clause de non-concurrence n’a été traitée ni au moment de la conclusion de la convention de rupture, ni avant la date de rupture effective du contrat.
Quelque mois après à la rupture effective du contrat de travail, la salariée réclame ainsi auprès de son employeur le paiement de la contrepartie financière à la clause de non concurrence, ce à quoi l’employeur lui répond qu’elle avait été relevée de son obligation de non-concurrence depuis son départ.
La Cour d’appel saisie de l’affaire a estimé ne devoir faire que partiellement droit aux demandes de la salarié, en lui allouant le bénéfice de la contrepartie financière mais seulement pour la période courant de la date de la rupture du contrat jusqu’à la date de la réponse de l’entreprise à partir de laquelle la salariée était informée de la renonciation de son employeur à la clause de non-concurrence.
La Cour de cassation censure logiquement ce raisonnement.
En l’état d’une renonciation tardive, l’employeur reste débiteur de la totalité de la contrepartie financière à la clause de non concurrence due pour toute la durée prévue au contrat.
La Cour de cassation fait ici application de principes déjà dégagés dans des décisions antérieures, qu’elle prend soin de rappeler dans sa décision, rendue dans des hypothèses de dispense du salarié de son préavis[1] ou encore de rupture du contrat de travail par adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle[2].
Au même titre que pour les autres cas de rupture du contrat de travail, la vérification de l’existence d’une clause de non-concurrence dans la perspective d’une rupture conventionnelle du contrat, qu’elle soit à l’initiative de l’entreprise ou du salarié, doit évidemment faire partie de la check-list de la direction.
On ne saurait trop recommander de régler le sujet dans la convention de rupture elle-même, en mentionnant clairement, si tel est le cas, que l’entreprise renonce à l’application de la clause, se libérant ainsi de l’obligation de payer la contrepartie financière. La convention de rupture sera l’occasion de recueillir l’accord du salarié, si la faculté de renonciation n’est prévue ni par le contrat ni par la convention collective.
Dans l’hypothèse où ce sujet ne serait pas traité dans la convention de rupture (notamment pour éviter un possible sujet de crispation) la renonciation unilatérale de l’employeur, si elle est prévue par le contrat ou la convention collective, devra être impérativement notifiée au salarié avant la date de rupture prévue dans la convention. Pour éviter que ce sujet, s’il n’a pas été abordé, ne conduise le salarié à revenir sur le consentement qu’il a donné à la rupture de son contrat de travail, nous recommandons d’effectuer cette notification postérieurement à l’expiration du délai de rétractation.
La solution aurait-elle été différente si la clause de non-concurrence avait prévu l’hypothèse de la rupture conventionnelle et la faculté pour l’employeur de se délier postérieurement à la date de la rupture du contrat de travail prévue dans la convention de rupture ? Rien n’est moins sûr ! La Cour de cassation affirme en effet que sa solution s’impose, même en cas de stipulation ou disposition contraire.
La justification de cette solution est contenue dans l’arrêt lui-même : pour la Cour de cassation le salarié ne peut être laissé dans l’incertitude quant à l’étendue de sa liberté de travailler.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

Nicolas DRUJON d'ASTROS
Avocat Associé
SCP DRUJON d'ASTROS & ASSOCIES
AIX-EN-PROVENCE (13)
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