Les bateaux du Luxembourg : comment exploiter un fonds de commerce sur le domaine public ?

Les bateaux du Luxembourg : comment exploiter un fonds de commerce sur le domaine public ?

Publié le : 25/09/2018 25 septembre sept. 09 2018

La Cour de cassation le 5 avril 2018 a rendu un arrêt sous le numéro 17-10466 dont la lecture ne peut qu'interpeller les praticiens de la domanialité publique.

La Cour de cassation vient considérer, au cas particulier qui lui est donné, qu'il n'existe pas de fonds de commerce sur le domaine public en question.

Il s'agit d'une activité extrêmement connue des petits parisiens à savoir l'exploitation d'une activité de location de bateaux dans le bassin du jardin du Luxembourg.

Chacun connaît cette image traditionnelle des petits parisiens louant leurs bateaux aux couleurs variées pour les faire flotter au gré du vent dans le grand bassin du jardin du Luxembourg.

Le précédent exploitant, ayant vendu son fonds de commerce, assigne en paiement de son prix le repreneur.

La Cour de cassation dans l'arrêt en question, vient considérer que le vendeur ne justifiait pas de l'existence d'une clientèle propre au visa de divers motifs.

La Cour de cassation considère notamment que l'exploitant ne pouvait exercer son activité que pendant les horaires d'ouverture du jardin et s'en trouvait privé en cas de fermeture.

Elle ajoute que ses clients ne constituaient pas une clientèle autonome, indépendante de la situation de son activité, et qu'il bénéficiait de surcroît de l'attractivité exercée par le site du jardin.

Une telle argumentation concerne des milliers de situations particulières d'exploitation d'un fonds de commerce sur une dépendance du domaine public !

Que l'on évoque une base de loisirs, la présence dans un musée ou dans un site remarquable, les exploitants et les collectivités ont du souci à se faire à la lecture de cette décision...

Ce souci est d'autant plus prégnant pour les praticiens du Domaine Public que la position adoptée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, si elle ne surprend pas, s'éloigne cependant très singulièrement de l'analyse portée par le Conseil d'État.

Le conseil d'État, postérieurement à l'édiction de la loi Pinel du 18 juin 2014 qui a modifié le code général de la propriété des personnes publiques en la matière, introduisant l'article L 2124-32-1, est venu maintenir l'interdiction de principe de constituer un fonds de commerce sur le domaine public lorsque le titre est accordé avant l'entrée en vigueur de la loi (Conseil d'Etat 24 novembre 2014 n°352402)

Le texte de l'article "litigieux" est le suivant :

"Un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve de l'existence d'une clientèle propre."

De ce texte laconique, les deux juridictions suprêmes n'ont pas la même lecture...

L'arrêt de la Cour de cassation du 5 avril 2018 interroge quant à la question de l'existence d'un fonds de commerce sur le domaine public dans l'hypothèse où le titre a été dévolu avant l'introduction de la loi Pinel.

Ainsi, il existe donc une difficulté importante entre l'analyse portée par la Cour de cassation sur les modalités de l'article L 2124 – 32 – 1 du code général de la propriété des personnes publiques et l'analyse portée par le conseil d'État sur cette même disposition.
D'un côté, la Cour de cassation considère qu'il peut exister un fonds de commerce sur une dépendance du domaine public avant l'introduction de la loi alors que le conseil d'État a une lecture strictement contraire.

Cela étant, il y a peut-être un mode possible d'accord entre les deux hautes juridictions quand aux conditions qui permettent de considérer l'existence d'une clientèle propre.

Toute la question est de savoir s'il existe une clientèle autonome voire même s'il peut exister une clientèle autonome sur le domaine public.

Dès lors que, dans un parc par exemple, les gardiens de ce parc, fonctionnaires municipaux, ouvrent et ferment à des heures dites, l'exploitant d'une brasserie, d'un bar, voire même un simple vendeur de glace peut-il justifier de l'existence d'une clientèle propre à l'intérieur de ce parc lorsqu'il n'en maîtrise pas les horaires d'ouverture ?

C'est ce que semble admettre la Cour de cassation en ce qui concerne plus particulièrement les bateaux du Luxembourg, estimant qu'il n'existe pas de clientèle propre à l'exploitant des petits voiliers.

Comment justifier de l'existence d'une clientèle propre, autonome, et non pas de la simple fréquentation par des usagers du domaine public ?

Plus que jamais, l'analyse au cas par cas des modalités d'occupation du domaine, de manière très pratique, va permettre de justifier de l'existence d'un fonds de commerce et des modalités de valorisation du domaine.

L'enjeu est de taille.

Car c'est bien la question liée à la valorisation du domaine, et donc à la fixation de la redevance dont je rappelle qu'elle doit tenir compte des avantages de toute nature procurée à l'occupant, qui est en jeu (cf l'article L 21253 du cgppp).

Et l'exploitant, s'il n'est pas maître d'une clientèle par définition inexistante, ne retire pas beaucoup d'avantages et ne verse une redevance que de manière presque symbolique…

Il faut au contraire, en prenant en compte ce qui a été jugé, définir dans les conventions d'occupation du domaine public les conditions d'identification d'une clientèle propre, et donc d'une redevance qui soit en corrélation avec les avantages ainsi procurés.

L'assistance d'un avocat spécialisé est plus que jamais indispensable.


Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © neirfy - Fotolia.com
 

Auteur

DROUINEAU Thomas
Avocat
DROUINEAU 1927 - Poitiers
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