Canicule et travail

Un nouveau cadre juridique pour la protection des travailleurs face aux risques liés à la chaleur

Publié le : 07/07/2025 07 juillet juil. 07 2025

Le réchauffement climatique et la multiplication des épisodes caniculaires ont conduit le législateur français à renforcer la protection des travailleurs face aux risques liés à la chaleur. Le Décret n° 2025-482 du 27 mai 2025, publié au Journal officiel de la République française, vient établir un cadre juridique spécifique pour répondre à cette problématique croissante.

Cet article propose une analyse détaillée de ce nouveau texte et de ses implications pour les employeurs et les travailleurs.

1. Contexte et objectifs du décret

Face à l'augmentation des épisodes de chaleur intense et leurs conséquences sur la santé et la sécurité des travailleurs, ce décret s'inscrit dans une démarche préventive. Il vise à définir clairement les obligations des employeurs en matière de protection de leurs salariés contre les risques liés à la chaleur, tout en prévoyant des mécanismes d'indemnisation spécifiques pour certains secteurs particulièrement exposés.

2. Définition des épisodes de chaleur intense

Le décret s'appuie sur le dispositif de vigilance "canicule" de Météo-France pour définir les épisodes de chaleur intense. Le texte définit l'épisode de chaleur intense mentionné à l'article R. 4463-1 du code du travail sur la base du dispositif de vigilance dénommé "canicule" de Météo-France. Les bulletins de suivi des niveaux de vigilance météorologique permettent ainsi de prévenir et d'anticiper les vagues de chaleur susceptibles de porter atteinte à la santé et la sécurité des travailleurs.

3. Dispositif d'indemnisation pour le secteur du BTP

Une des innovations majeures de ce texte concerne le secteur du bâtiment et des travaux publics.

En application de l'article D. 5424-7-1 du code du travail, les périodes de canicule définies au 3° de l'article 2 de l'arrêté du 27 mai 2025 constituent des conditions atmosphériques au sens de l'article L. 5424-8 du même code, ouvrant droit au bénéfice de l'indemnisation des arrêts de travail en raison des intempéries dans les entreprises du bâtiment et des travaux publics.

Cette disposition reconnaît ainsi explicitement les épisodes caniculaires comme des "intempéries" pouvant justifier l'arrêt temporaire des travaux.

4. Délais de mise en conformité

Le décret prévoit un calendrier échelonné pour la mise en œuvre des nouvelles obligations :

Les employeurs et les travailleurs indépendants mentionnés dans le décret disposent d'un délai d'un mois à compter de sa publication pour se mettre en conformité avec ses dispositions.

Toutefois, ce délai est prolongé pour certaines mesures spécifiques, notamment celles prévues à l'article 3, au 2° de l'article 4 et aux 1°, 4° et 5° de l'article 6, pour lesquelles le délai court à compter de la publication de l'arrêté prévu à l'article R. 4463-1 du code du travail.

Parallèlement, l'arrêté du 27 mai 2025 relatif à la détermination des seuils de vigilance pour canicule entre en vigueur un mois après sa publication. Cette coordination des délais témoigne de la volonté du législateur d'assurer une mise en œuvre cohérente et progressive de ce nouveau dispositif de protection.

5. Autorités compétentes et exécution

L'exécution du décret relève de la compétence de plusieurs ministères, reflétant ainsi la dimension transversale de cette problématique :

La ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et la ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi, sont chargées, chacune en ce qui la concerne, de l'exécution du présent décret.

6. Impact pratique pour les employeurs

Ce décret implique pour les employeurs :

1. L'obligation d'évaluer les risques liés à la chaleur dans le document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP)

2. La mise en place de mesures de prévention adaptées en fonction des niveaux d'alerte émis par Météo-France

3. L'aménagement potentiel des horaires de travail lors des épisodes de forte chaleur

4. La formation et l'information des salariés sur les risques liés à la chaleur et les mesures de prévention associées

5. Pour le secteur du BTP, la possibilité de déclencher des arrêts de travail indemnisés lors des périodes caniculaires officiellement reconnues

Conclusion

Le Décret n° 2025-482 du 27 mai 2025 constitue une avancée significative dans la protection des travailleurs face aux risques liés à la chaleur. En s'appuyant sur des critères objectifs établis par Météo-France, il offre un cadre juridique clair permettant aux employeurs d'anticiper et de gérer les épisodes caniculaires.

La reconnaissance officielle des périodes de canicule comme motif d'arrêt de travail indemnisable pour le secteur du BTP marque également une évolution importante dans la prise en compte des risques climatiques dans le droit du travail.

Ce texte s'inscrit dans une tendance plus large d'adaptation du droit social aux enjeux du changement climatique. Sa mise en œuvre effective nécessitera une appropriation rapide par les employeurs, qui disposent d'un délai relativement court pour se mettre en conformité avec ses principales dispositions.

Les entreprises devront donc rapidement intégrer ces nouvelles obligations dans leur politique de prévention des risques professionnels, tout en restant attentives aux éventuelles précisions qui pourraient être apportées par voie de circulaires ou d'instructions ministérielles dans les prochains mois.


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

ADAM-CAUMEIL Judith
Avocat Associé
Adam-Caumeil, avocats franco-allemands
PARIS (75)
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