
L'action en requalification du bail dérogatoire en bail commercial est-elle soumise à prescription ?
Publié le :
15/09/2025
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L’arrêt du 19 juin 2025 (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 19 juin 2025, n° 24-22.125) concerne des relations contractuelles entre un bailleur et un locataire qui ont débuté en 2006 selon un bail commercial dérogatoire de courte durée.A l’échéance de ce contrat 5 mois plus tard, le locataire est resté dans les lieux et a été laissé en possession, le bailleur émettant des quittances de loyer jusqu’au 31 décembre 2016, soit 10 années plus tard, date à partir de laquelle il a facturé des indemnités d’occupation.
En 2017, soit près de 11 années à avoir occupé les lieux, le locataire a assigné en bailleur en constatation de l’existence d’un bail soumis au statut des baux commerciaux née du fait de son maintien en possession à l’issue du bail dérogatoire du 30 septembre 2006.
Cet arrêt fait suite à un autre arrêt de la Cour de cassation et à un renvoi devant la Cour d’appel de TOULOUSE.
La Cour de cassation, dans son arrêt du 25 mai 2023 sur le même dossier, a considéré que le constat de l’existence d’un bail commercial statutaire née du maintien en possession du preneur à l’issue d’un bail dérogatoire résultait du seul effet de l’article L 145-5 du Code de commerce et n’était pas soumis à prescription.
La première Cour d’appel saisie (Cour d’appel de PAU) avait estimé que le délai de prescription pour pouvoir obtenir une requalification débutait à compter du premier contrat ayant été contracté entre les parties qui, en l’espèce, datait du 14 juin 2004, de sorte que la prescription devait intervenir au 14 juin 2009.
La Cour de cassation, dans son arrêt du 25 mai 2023 n° 21-23.007, estime que cette requalification résulte automatiquement d’un texte et n’est pas soumise à prescription.
Ainsi, le bailleur a tenté une question prioritaire de constitutionnalité, prétendant que cette situation était une atteinte au principe de sécurité juridique et une atteinte au droit de propriété, tous deux protégés par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et par l’article 2 de cette même déclaration.
La Cour de cassation qui joue un rôle de filtre a considéré dans l’arrêt commenté que ces deux principes n’étaient pas violés par l’absence de constatation de prescription et qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
Ainsi, elle confirme que l’action en requalification d’un bail dérogatoire en bail commercial n’est pas soumise à prescription et résulte simplement du texte de l’article L 145-5 du Code de commerce.
En effet, la demande de requalification d’un bail dérogatoire en bail commercial n’est pas une action en exécution d’un droit qui se prescrit, mais une demande de constatation d’une situation juridique prévue par la loi.
C’est une jurisprudence ancienne qui ne fait qu’être confirmée.
L’arrêt de la Cour de cassation commenté démontre simplement que cette absence de prescription n’est pas contraire à nos grands principes et notamment à la constitution française.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

MEDINA Jean-Luc
Avocat Associé
CDMF avocats , Membres du conseil d'administration, Arbitres
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