L'urgence imputable au pouvoir adjudicateur permet de recourir au contrat de partenariat
Publié le :
05/11/2010
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Un contrat de partenariat ne peut être conclu que lorsque le projet envisagé présente une particulière complexité ou revêt un caractère urgent. Cette dernière condition a donné lieu à un lourd contentieux clôturé par l’arrêt du CE du 23 juillet.
Arrêt du Collège de Villemandeur et le recours à un contrat de partenariat
Parce qu’il constitue un contrat dérogatoire au droit commun de la commande publique, un contrat de partenariat ne peut être conclu que lorsque le projet envisagé présente une particulière complexité ou revêt un caractère urgent. Cette dernière condition a donné lieu à un lourd contentieux clôturé par l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 23 juillet 2010 (1).
Etait en cause la construction par le Département du Loiret d’un collège et de son internat sur la Commune de Villemandeur, décidée en 1999, pour une mise en service prévue en 2002. Les difficultés d’acquisition du terrain puis l’échec successif de deux procédures d’appel d’offres, conduisit le Département à résilier le marché de maîtrise d’œuvre lié à ce projet.
Pour faire face à cet important retard, et aux difficultés de gestion impliquées par le sureffectif dans le collège voisin, le Département décida, de recourir à la formule du contrat de partenariat, attribué à la société FIP-AUXIFIP. Un recours fût formé contre cette décision
Le Tribunal administratif d’Orléans (2) annula cette délibération au motif que la condition d’urgence n’était pas remplie en l’espèce. En effet, l’atteinte au service public ne présentant pas un caractère suffisamment grave, limitant encore ainsi les conditions de recours au contrat de partenariat.
La Cour Administrative d’appel de Nantes (3) adopta une appréciation plus souple de cette condition d’urgence, elle admit que le principe du recours au contrat de partenariat « se trouvait justifié par la nécessité de rattraper un retard particulièrement grave, préjudiciable à l’intérêt général et affectant le bon fonctionnement du service public de l’enseignement ».
Saisi en cassation, le Conseil d’Etat valide cette interprétation plus compréhensive, en précisant, après un contrôle approfondi de la réalité de cette situation d’urgence, que le fait que le retard ait été imputable au département était sans incidence sur l’appréciation de ce critère. La Haute Assemblée rejette également les arguments du pourvoi selon lesquels la situation du Département ne présentait pas une particulière gravité, pouvant être résolue par le recours aux instruments classiques de la commande publique.
- Une solution non transposable aux autres aspects de la commande publique
L’urgence justifiant le recours à un contrat de partenariat, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 17 juin 2004, peut donc valablement être imputable au pouvoir adjudicateur, ce qui fait figure d’exception en droit de la commande publique. Une telle solution n’allait pas de soi.
En effet, le juge, et notamment le juge communautaire, fait traditionnellement application de la maxime selon laquelle « nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes ». Il empêche ainsi de tirer profit d’un acte illicite dont on est responsable (4).
A titre d’exemple, l’article 35 II du Code des marchés publics limite la possibilité, pour les pouvoirs adjudicateurs, de recourir au marché négocié à l’existence d’une urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles. Le texte précise d’ailleurs qu’elles ne doivent pas être de son fait. Il va de soi, que la solution dégagée par cet arrêt ne revient pas sur la prohibition du recours au marché négocié en cas d’urgence imputable au pouvoir adjudicateur.
L’arrêt du Conseil d’Etat ne doit donc pas être interprété comme dérogeant à ces disposition particulières, et ne doit donc être limité qu’à l’interprétation de l’urgence dans le strict cadre des cas d’ouverture du contrat de partenariat tels que définis dans l’Ordonnance du 17 juin 2004.
De même, le présent arrêt ne peut être analysé comme octroyant une « prime à la carence » du pouvoir adjudicateur. C’est à dire, si les circonstances qui lui sont imputables justifient le recours à la formule du contrat de partenariat, elles ne lui permettent cependant pas de réduire la durée de la procédure d’appel d’offres consécutive. En effet, l’article L. 1414-8 III du CGCT mentionne expressément que l’urgence ici exigée ne doit pas résulter du fait de la personne publique.
Enfin, l’article L.1414-5 du CGCT prévoit que lorsque le motif du recours au contrat de partenariat retenu est l’urgence, la procédure d’appel d’offre s’impose. Or, contrairement au dialogue compétitif, cette procédure fige les offres des candidats. Elle est donc peu adaptée à l’esprit de ce type de contrat. En effet, l’équation entre les besoins et la capacité budgétaire de la collectivité d’une part, et la proposition technique, financière et juridique des opérateurs candidats d’autre part, reste difficile à établir, d’où la grande utilité d’un dialogue, proscrit en appel d’offres.
- Une solution renforcée par la réforme de 2008
La loi du 28 juillet 2008 est venue entre temps préciser cette condition d’urgence, comme étant la situation dans laquelle « il s'agit de rattraper un retard préjudiciable à l'intérêt général affectant la réalisation d'équipements collectifs ou l'exercice d'une mission de service public, ou de faire face à une situation imprévisible ».
Dans sa décision du 24 juillet 2008, le Conseil constitutionnel a validé cette nouvelle condition d’éligibilité liée à l’urgence. Il précise qu’elle devait s’entendre comme résultant « objectivement, dans un secteur ou une zone géographique déterminés, de la nécessité de rattraper un retard particulièrement grave, préjudiciable à l’intérêt général et affectant la réalisation d’équipements collectifs ou l’exercice d’une mission de service public ».
Ainsi, même dans le cadre de cette nouvelle définition de l’urgence, la carence d’un pouvoir adjudicateur ne lui soustrait pas la possibilité de recourir au contrat de partenariat sur ce motif. L’important est qu’une situation objective préjudiciable à l’intérêt général ou au service public soit constatée.
En conclusion, cette solution apporte une plus grande sécurité juridique aux contrats de partenariat en améliorant la lisibilité des conditions permettant d’y recourir. Mais les acheteurs publics doivent garder à l’esprit que la solution ainsi dégagée ne leur permettra pas d’invoquer l’urgence dont ils sont à l’origine, dans la mise en œuvre des procédures de passation des contrats publics.
Index:
(1) CE 23 juillet 2010, Syndicat national des entreprises de second œuvre du bâtiment, n°326544
(2) TA Orléans, 29 avril 2008, Lenoir et Syndicat national des entreprises du Second œuvre du bâtiment, n°0604132 et 0604140
(3) CAA Nantes, 23 janvier 2009, Département du Loiret, n°08NT01579, Dr. Adm. 2009, comm. 38, obs. J.F. Villain
(4) CJCE, 14 sept. 2004, aff. C-385/02, Comm. c/ Italie : Rec. CJCE 2004, I, p. 8121.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © Paylessimages - Fotolia.com
Auteur
MARCHAND Frédéric
Avocat Associé
CORNET, VINCENT, SEGUREL NANTES
NANTES (44)
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