Tansfert de siège social dans un autre pays membre de l'UE

Tansfert de siège social dans un autre pays membre de l'UE

Publié le : 22/12/2017 22 décembre déc. 12 2017

L’arrêt rendu par la Cour de Justice de l’Union Européenne le 25 octobre 2017 à propos du  transfert de siège social d’une société de droit polonais au Luxembourg, sans transfert du lieu de direction des affaires, précise la position de la jurisprudence de la Cour concernant deux questions relatives à la liberté d’établissement (1) et la liquidation de la société par le juge de l’ Etat d’origine une fois de le transfert de siège social réalisé.(2)

Les questions posées à la Cour par le juge polonais se situent dans le contexte suivant :

Le litige au principal met en cause une société établie en Pologne, « Polbud », dont les associés ont décidé de transférer le siège social au Luxembourg. Selon la demande de la question préjudicielle, cette résolution ne faisait pas mention d'un transfert du lieu de la direction des affaires de Polbud ni du lieu de l'exercice effectif de l'activité économique de cette société. L'ouverture de la procédure de liquidation de Polbud a été inscrite au registre du commerce polonais en 2011 et un liquidateur a été désigné.

En 2013, le siège social de Polbud a été transféré au Luxembourg et la société est devenue de droit luxembourgeois. Le tribunal d'enregistrement polonais a cependant refusé la demande de radiation du registre du commerce polonais formulée par Polbud.
 

1- Sur la liberté d’établissement 

Au préalable, rappelons que dans le droit de l’Union Européenne, la liberté d’établissement prévue aux articles 49 et 54 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE), garantit à tout ressortissant de l’un des Etats membres de l’Union Européenne de participer de manière stable et continue à la vie d’un ou plusieurs Etats membres autres que son pays d’origine.

En droit français, l’article L 225-97 du Code de commerce autorise, pour la société anonyme, le changement de nationalité de la société sur simple décision de l’assemblée générale extraordinaire, si le pays d’accueil a conclu avec la France une convention spéciale permettant d’acquérir sa nationalité et de transférer son siège social sur son territoire en conservant à la société sa personnalité juridique.

En l’espèce, concernant l’applicabilité des articles 49 et 54 du TFUE, le juge polonais considérait que le transfert d’une siège statutaire d’une société constituée en vertu du droit d’un Etat membre vers le territoire d’une autre Etat membre, aux fins de sa transformation en une société relevant du droit de cet autre Etat membre, sans déplacement du siège réel de ladite société, échappait à l’application des règles relatives à la liberté d’établissement.

La Cour a écarté cet argument en relevant que l’absence d’activité économique effective  au Luxembourg ne constitue pas un obstacle à la liberté d’établissement.

La Cour considère en effet qu’en l’absence d’uniformisation du droit de l’union Européenne, la définition juridique du lien de rattachement déterminant le droit applicable à la société relève de la compétence de chaque Etat membre.

En conséquence, la société Polbud, parce qu’elle est constituée e conformité avec le droit polonais et ayant son siège social statutaire, son administration centrale ou son principal établissement à l’intérieur de l’Union, peut, en principe, se prévaloir du droit d’établissement dans un autre Etat membre  et doit pouvoir se transformer en une société relevant du droit d’un autre Etat membre pour autant qu’il est satisfait aux conditions définies par la législation de cet autre Etat membre.

Il convient donc de prendre en compte le critère retenu par l’Etat d’accueil pour admettre le rattachement d’une société dans son ordre juridique.
 

2- Sur la liquidation de la société dans son Etat d’origine

La question préjudicielle a conduit la Cour à statuer sur la compatibilité avec le principe de la liberté d’établissement de la législation de l’Etat d’origine, la règle de l’Etat polonais qui subordonne le transfert du siège social statutaire d’une société de droit polonais vers le territoire d’un autre Etat membre aux fins de sa transformation en une société relevant du droit de l’Etat d’accueil, à la liquidation de la première société.

La Cour juge que la législation polonaise, en imposant la liquidation de la société, ayant pour conséquence la disparition de la personnalité morale et les conséquences fiscales attachées à sa disparition, va au-delà de ce qui est nécessaire dans la mesure où elle ne tient pas compte du risque réel d’atteinte aux intérêts des créancier, des associés minoritaires ou des salariés et dans mesure où elle ne permet pas d’opter pour des solutions moins restrictives que la liquidation. 

La Cour, sans entrer dans le débat de l’abus de droit, privilégie ainsi la liberté d’établissement, ce qui peut tendre à favoriser les dérives du forum shopping.

La nécessité de l’harmonisation entre les Etats membres de l’Union Européenne, des règles de transfert de siège social, qui constitue, avec la notion de contrôle, le critère de détermination de la nationalité de la société, revêt une acuité particulière eu égard aux conséquences que les acteurs économiques ne vont pas manquer de tirer de cet arrêt.


Cet article n'engage que son auteur.


Crédit photo : © jpgon - Fotolia.com

 

Auteur

Corinne PILLET
Avocate Associée
IFL-AVOCATS, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
PARIS (75)
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