Les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires

Publié le : 11/12/2007 11 décembre déc. 12 2007

Les crises alimentaires traversées par l’Europe à la fin des années 1990, ont conduit les dirigeants européens à s’interroger sur les conséquences de l’alimentation sur la santé publique.

Cadre juridique du droit alimentaireI / CONTEXTE


En 2000, dans son livre blanc sur la sécurité alimentaire, la Commission européenne avait émis le souhait de proposer au consommateur un cadre juridique amélioré couvrant tous les aspects liés aux produits alimentaires, « de la ferme à la table ».

C’est avec l’adoption du Règlement n°178/2002 du 28 janvier 2002 que l’Europe a entendu mettre en place un véritable corpus juridique en droit alimentaire.

Ce premier texte, général, fixe un certain nombre de principes ayant vocation à irriguer l’ensemble du droit alimentaire, en Europe mais également dans chaque Etat membre.

Ce Règlement définit ainsi la notion de denrée alimentaire, en l’opposant à la seule autre notion pouvant exister, à savoir celle de médicament.

Le texte donne également la première définition juridique de la notion de principe de précaution.

Il créée en outre une Agence Européenne de Sécurité des Aliments, chargée d’assister la Commission européenne dans l’adoption des textes relatifs aux denrées alimentaires. Le souhait des gouvernants européens étant de se doter d’une analyse scientifique, internationale, récente et indépendante.

De cette base de travail a découlé un ensemble de textes plus spécifiques à certaines catégories de denrées alimentaires, dont notamment les compléments alimentaires avec l’adoption de la Directive 2002/46 du 10 juin 2002.
Après s’être attachée au contenu des assiettes, la Commission a souhaité également encadrer l’utilisation des allégations.

C’est ainsi qu’après trois années de négociation, le Règlement n°1924/2006 du 20 décembre 2006 relatif aux allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires a été adopté.

II / LE REGLEMENT 1924/2006

Ce nouveau règlement entend répondre à un triple objectif :
- harmoniser les législations nationales en matière d’allégations,
- favoriser la libre circulation des marchandises,
- et préserver un niveau de sécurité élevé pour le consommateur.

Le champ d’application du Règlement est particulièrement vaste : il concerne en effet l’ensemble des producteurs et importateurs de denrées alimentaires.

Il trouve à s’appliquer à l’ensemble des allégations portées sur l’étiquetage, la présentation ou la publicité de toutes les denrées alimentaires, qu’elles soient vendues en vrac ou conditionnées.

Il révolutionne la pratique existante, en France notamment, s’agissant des allégations portées sur les denrées. En effet et jusqu’à présent, l’industriel qui faisait mention d’une allégation ne devait pouvoir la justifier qu’à posteriori, en cas de contrôle de la DGCCRF.

Aujourd’hui, chaque allégation devra être étayée par des données scientifiques applicables à une denrée considérée et devra être soumise à autorisation préalable.

En principe, ce Règlement est applicable depuis le 1er juillet 2007.

Deux grandes catégories d’allégations sont concernées par le Règlement du 20 décembre 2006 : les allégations nutritionnelles et les allégations de santé.

Pour l’ensemble des allégations, le nouveau règlement fixe trois principes :
- les allégations ne doivent pas être fausses, ambiguës ou trompeuses,
- les allégations ne doivent pas affirmer qu’une alimentation équilibrée ne peut fournir des nutriments en quantité appropriée,
- les allégations ne peuvent pas se référer à la prévention ou au traitement d’une maladie.

Le Règlement indique également qu’en janvier 2009, sur proposition des Etats membres, après avis de l’AESA, la Commission devra adopter des « profils nutritionnels », dont la définition est incertaine.

A partir de 2011, l’ensemble des allégations devra être conforme aux profils ainsi déterminés.

A. LES ALLEGATIONS NUTRITIONNELLES

Selon le Règlement, une allégation nutritionnelle se définit comme :

« toute allégation qui affirme, suggère ou implique qu'une denrée alimentaire possède des propriétés nutritionnelles bénéfiques particulières de par:

a) l'énergie (valeur calorique) qu'elle:
i) fournit,
ii) fournit à un degré moindre ou plus élevé, ou
iii) ne fournit pas, et/ou

b) les nutriments ou autres substances qu'elle:
i) contient,
ii) contient en proportion moindre ou plus élevée, ou
iii) ne contient pas;

Le Règlement contient, en son annexe, une liste positive d’allégations qui peuvent être utilisées sans autorisation, sous réserve de respecter les conditions d’utilisations associées, le cas échéant.
A titre d’exemple, on peut citer :

SANS MATIÈRES GRASSES
Une allégation selon laquelle une denrée alimentaire ne contient pas de matières grasses, ou toute autre allégation susceptible d'avoir le même sens pour le consommateur, ne peut être faite que si le produit ne contient pas plus de 0,5 g de matières grasses par 100 g ou par 100 ml. Cependant, les allégations du type "à X % sans matières grasses" sont interdites.

SANS SUCRES
Une allégation selon laquelle une denrée alimentaire ne contient pas de sucres, ou toute autre allégation susceptible d'avoir le même sens pour le consommateur, ne peut être faite que si le produit ne contient pas plus de 0,5 g de sucres par 100 g ou par 100 ml.

SOURCE DE [NOM DES VITAMINES] ET/OU [NOM DES MINÉRAUX]
Une allégation selon laquelle une denrée alimentaire est une source de vitamines et/ou de minéraux, ou toute autre allégation susceptible d'avoir le même sens pour le consommateur, ne peut être faite que si le produit contient au moins la quantité significative définie à l'annexe de la directive 90/496/CEE ou une quantité prévue au titre de dérogations accordées conformément à l'article 6 du règlement (CE) no 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 concernant l'adjonction de vitamines, de minéraux et de certaines autres substances aux denrées alimentaires

ALLÉGÉ/LIGHT
Une allégation selon laquelle un produit est "allégé" ou "light", ou toute autre allégation susceptible d'avoir le même sens pour le consommateur, doit remplir les mêmes conditions que celles applicables aux termes "réduit en"; elle doit aussi être accompagnée d'une indication de la ou les caractéristiques entraînant l'allégement de la denrée alimentaire.


Cette liste n’est pas définitive et est susceptible d’être modifiée et complétée par l’AESA en fonction des demandes qui lui seront présentées.

Afin de permettre aux industriels de mettre leurs produits en conformité avec la nouvelle réglementation, il est prévu une période transitoire jusqu’en 2010 pour les allégations nutritionnelles employées avant le 1er janvier 2006.

B. LES ALLEGATIONS DE SANTE

Le Règlement définit cette catégorie comme :

« toute allégation qui affirme, suggère ou implique l'existence d'une relation entre, d'une part, une catégorie de denrées alimentaires, une denrée alimentaire ou l'un de ses composants et, d'autre part, la santé »

Ainsi sont désormais admises les allégations relatives à la réduction d’un risque de maladie, soit « toute allégation de santé qui affirme, suggère ou implique que la consommation d'une catégorie de denrées alimentaires, d'une denrée alimentaire ou de l'un de ses composants réduit sensiblement un facteur de risque de développement d'une maladie humaine » et les allégations relatives à la réduction de la sensation de faim.

En revanche, demeurent interdites les allégations :
- suggérant que la santé peut être affectée si l’aliment n’est pas consommé,
- se référant à la quantité ou au taux de perte de poids,
- se référant à des recommandations émises par les médecins.

L’étiquetage et la publicité de denrées alimentaires se prévalant des allégations de santé, outre l’étiquetage nutritionnel, devront faire référence aux mentions suivantes :
- importance d’une alimentation variée et équilibrée,
- quantité de la denrée et mode de consommation,
- avertissement à l’attention des personnes qui ne devraient pas consommer la denrée,
- avertissement en cas de consommation excessive.

Deux types d’allégations de santé sont répertoriées par le Règlement.

1. Les allégations de santé relatives à la réduction d’un risque de maladie ou se rapportant au développement et à la santé infantiles

Pour ces allégations, une procédure d’autorisation obligatoire devra être suivie par le producteur préalablement à la mise sur le marché du produit.

Concrètement, il lui appartient d’adresser une demande auprès de l’autorité nationale compétente, pour la France, a priori, la DGCCRF. Cette demande devra être étayée par des données scientifiques démontrant les effets de la consommation de la denrée sur la réduction d’un risque de maladie ou se rapportant au développement et à la santé infantiles.

Plus généralement, la demande inclut les éléments suivants:
a) le nom et l'adresse du demandeur;
b) le nutriment ou la substance autre, ou la denrée alimentaire ou la catégorie de denrées alimentaires, qui fera l'objet de l'allégation de santé et ses caractéristiques particulières;
c) une copie des études, y compris des études indépendantes ayant fait l'objet d'une évaluation par les pairs, s'il en existe, qui ont été réalisées au sujet de l'allégation de santé et toute autre documentation disponible prouvant que l'allégation de santé répond aux critères définis dans le présent règlement;
d) s'il y a lieu, une indication des informations qui devraient être considérées comme relevant de la propriété exclusive du demandeur, accompagnée d'une justification vérifiable;
e) une copie d'autres études scientifiques pertinentes pour l'allégation de santé concernée;
f) une proposition de libellé de l'allégation de santé faisant l'objet de la demande d'autorisation, y compris, le cas échéant, les conditions spécifiques d'utilisation;
g) un résumé de la demande.

La DGCCRF devra accuser réception du dossier dans un délai de 14 jours et transmettre la demande à l’AESA.

L'AESA rend son avis dans un délai de cinq mois suivant la date de réception d'une demande valable.

Pour élaborer son avis, l'Agence vérifie :
a) si l'allégation de santé se fonde sur des preuves scientifiques;
b) si le libellé de l'allégation de santé répond aux critères énoncés dans le présent règlement.

Elle transmet alors à la Commission, aux États membres et au demandeur son avis accompagné d'un rapport contenant une évaluation de l'allégation de santé et exposant les motifs de son avis ainsi que les informations sur lesquelles l'avis est fondé.

Dans les deux mois qui suivent la réception de l'avis de l’AESA, la Commission soumet à un comité un projet de décision sur les listes des allégations de santé autorisées et l’autorise, le cas échéant.

Les données scientifiques et toute autre information afférente à la demande ne pourront pas, par principe, être utilisées au profit d’un demandeur ultérieur pendant 5 ans.

Cette disposition semble toutefois mal s’articuler avec la volonté de transparence qui réside dans le Règlement et qui impose aux autorités (AESA, Commission) de publier l’ensemble des données en leur possession…

Cette disposition pose également le problème plus général de l’efficacité d’un tel système : on peut raisonnablement s’interroger sur l’opportunité pour un industriel d’engager des frais importants pour mener des études scientifiques, qui pourront être reprises par ses concurrents…

S’agissant de ces allégations, aucune disposition transitoire n’a été prévue, de sorte que le Règlement s’applique en principe depuis le 1er juillet 2007.

Toutefois, il était prévu que l’AESA fournisse aux demandeurs et aux industriels des lignes directrices pour présenter et établir les demandes d’autorisation. Cependant, seul un document d’orientation, en cours de discussion, a fait l’objet d’une publication par l’AESA le 16 mai 2007.


2. Les allégations de santé autres que celles faisant référence à la réduction d’un risque de maladie ou se rapportant au développement et à la santé infantiles.

Il était prévu, avant la fin octobre 2007, que les producteurs et importateurs de denrées alimentaires fassent parvenir à la DGCCRF les allégations qu’ils utilisent ou souhaitent utiliser.

Selon une procédure similaire à celle décrite au 1., la Commission avalisera, le cas échéant, l’emploi de ses allégations.

Ces allégations, dites fonctionnelles, seront établies à partir des données scientifiques généralement acceptées et feront l’objet d’une liste positive au plus tard le 31 janvier 2010. Les allégations prévues dans cette liste pourront être utilisées, sans autorisation préalable.

Toutefois et dans l’attente de son adoption, les responsables de la première mise sur le marché d’une denrée alimentaire doivent continuer de respecter les dispositions nationales existantes, tout en appliquant les règles générales du Règlement.


De manière générale, il convient de préciser que les denrées alimentaires mises sur le marché ou étiquetées avant le 1er juillet 2007, peuvent continuer à être commercialisées jusqu’à leur date de péremption et, au plus tard, jusqu'au 31 juillet 2009.

AuteursPatrick BEUCHER et Flavien MEUNIER

Cabinet BDH, Membre EUROJURIS.





Cet article n'engage que son auteur.

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