
Les AGA ne se transmettent pas nécessairement en cas de modification de la situation juridique de l’employeur
Publié le :
18/08/2025
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La Chambre sociale de la Cour de cassation par l’arrêt du 18 juin 2025 (FS-B n°23-19.748) précise la nature juridique des attributions d’actions gratuites, ci-après AGA dont le régime juridique relève par nature du droit des sociétés, en son article L 225-197-1 et du droit social en tant qu’accessoire au contrat de travail.Pour rappel, le mécanisme de l’attribution d’actions gratuites aux salariés se décompose en deux phases : le salarié bénéficiaire n’acquiert définitivement les actions qu’à l’issue du période d’acquisition d’un an courant à compter de la date de l’assemblée générale ayant adopté le plan d’actions gratuites, suivie d’une période de conservation d’une durée minimum d’un an, au terme de laquelle le salarié peut disposer des actions attribuées.
Les faits étaient les suivants :
Les salariés d’une société française contrôlée par une société holding américaine ont bénéficié d’un plan d’actions gratuites mis en place par la société mère pour les salariés des sociétés filiales étrangères.Suite à une réorganisation des activités du groupe au niveau mondial, la branche d’activité de recherche développement des logiciels de la société filiale employant les salariés est cédée à une société tierce ; les contrats de travail des salariés sont donc transférés à un tiers, alors que la période d’acquisition des actions gratuites n’est pas encore échue.
Les salariés transférés engagent la responsabilité contractuelle de leur ancien employeur, la société filiale du groupe étranger ayant transféré leur contrat de travail et lui font grief de ne pas leur avoir permis de satisfaire à leur obligation de présence dans l’entreprise pour obtenir l’attribution des actions gratuites.
Les salariés faisaient valoir que la condition de présence était réputée accomplie lorsque c’est le débiteur (l’employeur) obligé sous cette condition, qui a empêché l’accomplissement de cette condition et que la perte de chance d’avoir reçu les actions gratuites devait être indemnisée dès lors que le transfert de leur contrat de travail à un tiers était le fait de leur employeur. La Cour confirme l’arrêt de la Cour d’appel les ayant débouté de leurs demandes.
La contribution de l’arrêt à la clarification du régime des AGA
La Cour, par obiter dictum, contribue à préciser le régime juridique des actions gratuites relevant à la fois en tant que valeur mobilière du droit des sociétés (article L 225-197-1) et du droit social en cas de transfert du contrat de travail à un nouvel employeur (article L 1224-1).Après avoir rappelé les conditions d’acquisition des actions gratuites fixées par l’article L 225-197- 1 du Code de commerce, la Cour énonce que la distribution d’actions gratuites ne constitue pas la contrepartie d’un travail et n’a donc pas la nature juridique d’une rémunération ; en conséquence, l’article L 1224-1 du code du travail posant le principe de la poursuite du contrat de travail en cas de modification dans la situation juridique de l’employeur et de son transfert de plein droit au nouvel employeur, ne peut s’appliquer au cas d’espèce.
Dès lors le salarié qui n’a pu, du fait du transfert légal de son contrat de travail, intervenu avant le terme de la période d’acquisition, se voir attribuer de manière définitive des actions gratuites, ne peut revendiquer aucune indemnisation pour la perte de chance d’avoir pu les acquérir, sauf fraude de l’employeur.
Pour juger que la distribution d’actions gratuites constitue un avantage distinct du contrat de travail, la Cour fait sien l’avis de l’avocate générale rappelant que « ce n’est pas pour rien que cet avantage est réglementé par le code de commerce ». Puis la Cour relève que le plan d’attribution d’actions gratuites de la société mère de droit américain de travail, prévoyait expressément que « si votre emploi auprès de la société s’achève pour quelque raison que ce soit (y compris en cas de cessation d’activité, volontairement ou involontairement, sauf en cas de décès, de handicap ou de retraite, tous les RSU, Restricted Stocks Units, qui n'ont pas été acquis, seront annulées à la date de la fin de contrat ».
Ce faisant, la qualification d’avantage distinct du contrat de travail est cohérente avec le régime fiscal et social dérogatoire applicables aux actions gratuites.
Pour le praticien, rédacteur des plans d’attributions gratuites, souvent émises par l’une des sociétés du groupe au profit des salariés des sociétés sœurs, cet arrêt invite à préciser les conséquences du transfert du contrat de travail sur l’attribution des actions gratuites au salarié en cours d’acquisition, à identifier clairement la société débitrice de l’obligation d’émission des actions gratuites et à veiller à l’information préalable des salariés sur la condition de l’obligation de présence dans l’entreprise jusqu’à la date d’acquisition des actions gratuites, afin de leur rendre opposable la clause de présence.
Incidemment, par cet arrêt, la compétence du conseil des prud’hommes pour connaître des contentieux des plans d’attributions gratuites entre les employeurs et les salariés est confirmée, ce qui devrait contribuer à éliminer les incidents de compétence régulièrement soulevés dans ce type de contentieux.
Cf. Décision confirmée :CA Toulouse Ch.04 Section 01 Chambre sociale 18.02.2022 n°20/01800.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

Corinne PILLET
Avocate Associée
IFL-AVOCATS, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
PARIS (75)
Historique
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