Résolution judiciaire contrat SaaS

La résolution judiciaire d’un contrat SaaS pour inexécution fautive : illustration de l’article 1217 du Code civil

Publié le : 15/07/2025 15 juillet juil. 07 2025

Par un jugement du 17 juin 2025, le Tribunal des activités économiques de Paris a prononcé la résolution de plusieurs contrats de prestation de services informatiques (SaaS) aux torts exclusifs du prestataire, sur le fondement de l’article 1217 du Code civil.

1. Contexte contractuel

Les relations contractuelles entre les deux sociétés portaient sur la fourniture de solutions logicielles destinées à l’exploitation d’une marketplace internationale, dans le cadre d’un modèle SaaS. L’ensemble des conventions visées incluait un contrat principal d’abonnement à une plateforme de marketplace, un contrat sur un environnement de test (« sandbox »), un contrat relatif à un module de gestion de catalogue, ainsi qu’un avenant prorogeant et modifiant certaines modalités financières.

À l’occasion de l’extension de ses activités, le client a entrepris une migration vers une nouvelle architecture technique fondée sur le logiciel Salesforce. À cette fin, le prestataire lui a proposé un connecteur censé faciliter la migration des données entre les outils.

2. Litige et moyens

La société cliente a rapidement signalé de graves dysfonctionnements du connecteur ainsi que l’absence de fonctionnalités multilingues du module MCM, pourtant présentées comme acquises en amont contractuel.

Ces manquements ont conduit le client à suspendre ses paiements, avant de notifier une résiliation des contrats en raison de l'inexécution contractuelle.
Assignée en paiement de plusieurs centaines de milliers d’euros de factures impayées, la société cliente a opposé en défense divers moyens :
 
  • À titre principal, la nullité des contrats pour dol (article 1137 du Code civil) ;
  • À titre subsidiaire, la résolution pour inexécution grave (articles 1219, 1224 et 1228) ;
  • À titre encore subsidiaire, la caducité des contrats pour disparition de l’objet commun (article 1186).

3. Appréciation du tribunal

Le tribunal a d’abord écarté l’existence d’un dol, faute de preuve suffisante quant à une dissimulation intentionnelle. Toutefois, il a relevé que :
 
  • Le prestataire n’avait pas livré un connecteur fonctionnel ni un module conforme aux attentes clairement exprimées par le client ;
  • Le logiciel livré ne permettait pas l’exploitation multilingue ni l'intégration effective avec Salesforce ;
  • Les prestations n’ont jamais pu être utilisées, comme le confirment les factures dépourvues de redevances variables liées au chiffre d’affaires ;
  • Le prestataire n’a pas proposé de solution alternative, malgré les sollicitations répétées du client.
Se fondant sur les articles 1219 et 1217 du Code civil, le tribunal a estimé que l’inexécution était suffisamment grave pour justifier la résolution des contrats, qui ont été déclarés résolus à effet rétroactif au 1er juin 2021.

4. Portée de la décision

Ce jugement illustre les conditions dans lesquelles un contrat SaaS peut être résolu judiciairement aux torts exclusifs du prestataire, lorsque celui-ci livre un produit inapte à l’usage contractuellement visé et omet de corriger les défaillances dans un délai raisonnable.

Le tribunal rappelle ainsi que :
 
  • Le défaut d’adéquation du logiciel aux besoins exprimés par le client peut constituer une inexécution grave, même en présence de clauses limitatives de responsabilité ;
  • Le devoir de coopération et d’assistance contractuelle, notamment dans les projets complexes de migration, est opposable au prestataire ;
  • Une clause contractuelle de résiliation n’interdit pas au juge de prononcer une résolution judiciaire selon les modalités de droit commun.

5. Dispositif

En conséquence, le tribunal a :
 
  • Prononcé la résolution rétroactive de l’ensemble des contrats SaaS en litige, y compris les avenants et modules accessoires ;
  • Débouté intégralement le prestataire de sa demande de paiement de plus de 700.000 € ;
  • Condamné ce dernier aux dépens et à payer une indemnité de 7.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Cet article n'engage que ses auteurs.

Auteurs

ADAM-CAUMEIL Judith
Avocat Associé
Adam-Caumeil, avocats franco-allemands
PARIS (75)
Voir l'auteur Contacter l'auteur Tous les articles de l'auteur Site de l'auteur
Julia CAUMEIL
Avocate Collaboratrice
Adam-Caumeil, avocats franco-allemands
PARIS (75)
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