Renforcement de la protection des personnes et de la dignité humaine

Renforcement de la protection des personnes et de la dignité humaine

Publié le : 03/09/2013 03 septembre sept. 09 2013

Le droit pénal français renforce sa législation relative à la lutte contre la traite des êtres humains, le travail forcé et la réduction en servitude, l’esclavage, les agressions sexuelles et les disparitions forcées.

Les apports de la loi n° 2013-711 du 5 août 2013Essentiellement, la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 introduit en droit français les dispositions de divers textes européens et adapte le droit pénal français aux obligations résultant de divers engagements internationaux souscrit par la France.

S’agissant de la protection des personnes, le droit pénal français renforce ainsi sa législation relative à la lutte contre la traite des êtres humains (I.), le travail forcé et la réduction en servitude (II.), l’esclavage (III.), les agressions sexuelles (IV.) et les disparitions forcées (V.).


i. Les nouvelles dispositions de lutte contre la traite des êtres humains.
Sur ce sujet, la nouvelle loi 2013-711 transpose les dispositions de la Directive Européenne n° 2011/36/UE du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains.

Principalement, la nouvelle loi n° 2013-711 modifie notamment la définition du délit, la liste des circonstances aggravantes et les peines applicables.

Désormais, et selon l’article 225-4-1 du Code pénal la traite des êtres humains est définie comme « le fait de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l’héberger ou de l’accueillir à des fins d'exploitation dans l’une des circonstances suivantes :
1° soit avec l’emploi de menace, de contrainte, de violence ou de manœuvre dolosive visant la victime, sa famille ou une personne en relation habituelle avec la victime ;
2° soit par un ascendant légitime, naturel ou adoptif de cette personne ou par une personne qui a autorité sur elle ou abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;
3° soit par abus d’une situation de vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, apparente ou connue de son auteur ;
4° soit en échange ou par l’octroi d’une rémunération ou de tout autre avantage ou d’une promesse de rémunération ou d’avantage.
».

Le même article précise également que « l’exploitation […] est le fait de mettre la victime à sa disposition ou à la disposition d’un tiers, même non identifié, afin soit de permettre la commission contre la victime des infractions de proxénétisme, d’agression ou d’atteintes sexuelles, de réduction en esclavage, de soumission à du travail ou à des services forcés, de réduction en servitude, de prélèvement de l’un de ses organes, d’exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d’hébergement contraires à sa dignité, soit de contraindre la victime à commettre tout crime ou délit. ».

L’article 225-1 prévoit aussi que « la traite des êtres humains à l’égard d’un mineur est constituée même si elle n’est commise dans aucune des circonstances prévues aux 1° à 4° » précités.

S’agissant des peines, les articles 225-4-1 et 225-4-2, prévoient que :
 
  • lorsqu’il est commis à l’encontre de victimes adultes, le délit de traite des êtres humains est puni de 7 ans d’emprisonnement et de 150.000 € d’amende ou, en cas de circonstances aggravantes (définies par l’article 225-4-2), de 10 ans d’emprisonnement et de 1.500.000 € d’amende ;
  • lorsqu’il est commis à l’encontre de victimes mineures, le délit de traite des êtres humains est puni de 10 ans d’emprisonnement et de 1.500.000 € d’amende ou, en cas de circonstances aggravantes (définies par l’article 225-4-2), de 15 ans de réclusion criminelle et de 1.500.000 € d’amende.
Il est également à noter que le législateur a souhaité donner le champ le plus large possible à cette nouvelle législation et, à cet égard, a introduit un nouvel article 225-4-8 qui prévoit que « lorsque les infractions [de traite des êtres humains] sont commises hors du territoire de la République par un Français, la loi française est applicable ».


ii. Les nouvelles dispositions de lutte contre le travail forcé et la réduction en servitude.
Là également, la nouvelle loi 2013-711 transpose les dispositions de la Directive Européenne n° 2011/36/UE du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains.

Afin de renforcer les dispositions sanctionnant les conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité de la personne, la nouvelle loi n° 2013-711 créé deux nouvelles infractions de travail forcé et de réduction en servitude.

Ainsi, selon le nouvel article 225-14-1 du Code pénal, le travail forcé est défini comme « le fait, par la violence ou la menace, de contraindre une personne à effectuer un travail sans rétribution ou en échange d’une rétribution manifestement sans rapport avec l’importance du travail accompli. ».

La réduction en servitude est, quant à elle, définie par le nouvel article 225-14-2 du Code pénal comme « le fait de faire subir, de manière habituelle, l’infraction [de travail forcé] à une personne dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur. ».

Ces deux nouvelles infractions sont respectivement punies de 10 ans d’emprisonnement et de 300.000 € d’amende (travail forcé) et de 7 ans d’emprisonnement et de 200.000 € d’amende (réduction en servitude).

Au surplus, la nouvelle rédaction l’article 225-15 du Code pénal prévoit également l’aggravation des peines :
 
  • lorsque le délit de travail forcé est commis à l’égard de plusieurs personnes ou d’un mineur (dans ce cas, 10 ans d’emprisonnement et 300.000 € d’amende) ou alors à l’égard de plusieurs personnes dont un ou plusieurs mineurs (dans ce cas, 15 ans de réclusion criminelle et 400.000 € d’amende) ;
  • lorsque le délit de réduction en servitude est commis à l’égard de plusieurs personnes ou d’un mineur (dans ce cas, 15 ans de réclusion criminelle et 400.000 € d’amende) ou alors à l’égard de plusieurs personnes dont un ou plusieurs mineurs (dans ce cas, 20 ans de réclusion criminelle et 500.000 € d’amende).




iii. Les nouvelles dispositions de lutte contre l’esclavage.
La France ayant été condamnée à deux reprises par la CEDH pour ne pas avoir mis en place « un cadre législatif et administratif permettant de lutter efficacement contre la servitude et le travail forcé » (CEDH 26 juillet 2005 n° 73316/01 et CEDH 11 octobre 2012 n° 67724/09), la nouvelle loi n° 2013-711 met donc en conformité la règlementation française avec les exigences européennes en créant dans le Code pénal une nouvelle section dénommée « de la réduction en esclavage et de l’exploitation de personnes réduites en esclavage ».

Plus précisément, la réduction en esclavage est définie comme « le fait d’exercer à l’encontre d’une personne l’un des attributs du droit de propriété » (nouvel article 224-1 A du Code pénal) et l’ exploitation d’une personne réduite en esclavage est définie comme « le fait de commettre à l’encontre d’une personne dont la réduction en esclavage est apparente ou connue de l’auteur une agression sexuelle, de la séquestrer ou de la soumettre à du travail forcé ou du service forcé » (nouvel article 224-1 B du Code pénal).

S’agissant des peines, tant la réduction en esclavage d’une personne que l’exploitation d’une personne réduite en esclavage sont punies de 20 années de réclusion criminelle, assorties d’une période de sûreté.

Enfin, le nouvel article 224-1 prévoit que les délits de réduction en esclavage et d’exploitation d’une personne réduite en esclavage sont criminalisés et punis de 30 années de réclusion criminelle (assorties d’une période de sûreté) « lorsqu’ils sont commis :
1° à l’égard d’un mineur ;
2° à l’égard d’une personne dont la vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse est apparente ou connue de l’auteur ;
3° par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par une personne qui a autorité sur la victime ou abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;
4° par une personne appelée à participer, par ses fonctions, à la lutte contre l’esclavage ou au maintien de l’ordre public ;
5° lorsque le crime est précédé ou accompagné de tortures ou d’actes de barbarie.
».


iv. Les nouvelles dispositions de lutte contre les agressions sexuelles.
À cet égard, la nouvelle loi n° 2013-711 transpose les dispositions de la Directive Européenne n° 2011/93/UE du 13 décembre 2011 relative à la lutte contre les abus sexuels.

Pour rappel, le délit d’agression sexuelle est déjà défini par l’article 222-22 du Code pénal selon lequel « constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise. ».

La nouvelle loi n° 2013-711 affine cette définition en créant un nouvel article 222-22-2 qui prévoit, d’une part, que « constitue également une agression sexuelle le fait de contraindre une personne par la violence, la menace ou la surprise à subir une atteinte sexuelle de la part d’un tiers » et, d’autre, part, que la tentative est punissable dans les mêmes conditions que le délit en lui-même.

S’agissant des peines, celles-ci sont déjà définies aux articles aux articles 223-2230 du Code pénal et varient en fonction de ce qu’il s’agit ou non d’un viol.

Au surplus, la nouvelle loi n° 2013-711 augmente le quantum de la peine des agressions sexuelles autres que le viol sur les mineurs de 15 ans, les faisant passer de 7 ans d’emprisonnement et 100.000 € d’amende (ancien article 222-29 du Code pénal) à 10 ans d’emprisonnement et 150.000 € d’amende (nouvel article 222-29-1 du Code pénal).

Enfin, sur le même thème, la nouvelle loi n° 2013-711 adapte le droit français à la Convention du Conseil de l’Europe du 11 mai 2011 sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, et à cet égard créé deux nouvelles infractions :
 
  • le nouvel article 222-14-4 du Code pénal qui énonce que « le fait, dans le but de contraindre une personne à contracter un mariage ou à conclure une union à l'étranger, d’user à son égard de manœuvres dolosives afin de la déterminer à quitter le territoire de la République est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende. » ;
  • le nouvel article 227-24-1 du Code pénal qui énonce que « le fait de faire à un mineur des offres ou des promesses ou de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques, ou d'user contre lui de pressions ou de contraintes de toute nature, afin qu'il se soumette à une mutilation sexuelle est puni, lorsque cette mutilation n'a pas été réalisée, de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende. ».


v. Les nouvelles dispositions de lutte contre les disparitions forcées.
En la matière, la nouvelle loi n° 2012-711 adapte le droit français aux dispositions de la Convention Internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, adoptée à New-York le 20 décembre 2006.

À cet effet, la nouvelle loi n° 2012-711 créé dans le Code pénal un nouveau chapitre intitulé « des atteintes à la personne constituées par les disparitions forcées ».

Plus particulièrement, le nouvel article 221-12 du Code pénal énonce que « constitue une disparition forcée l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté d’une personne, dans des conditions la soustrayant à la protection de la loi, par un ou plusieurs agents de l’Etat ou par une personne ou un groupe de personnes agissant avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement des autorités de l’Etat, lorsque ces agissements sont suivis de sa disparition et accompagnés soit du déni de la reconnaissance de la privation de liberté, soit de la dissimulation du sort qui lui a été réservé ou de l’endroit où elle se trouve. ».

À ceci s’ajoute également le nouvel article 221-13 du Code pénal qui répute « comme complice d’un crime de disparition forcée […] commis par des subordonnés placés sous son autorité et son contrôle effectifs le supérieur qui savait, ou a délibérément négligé de tenir compte d’informations qui indiquaient clairement que ses subordonnés commettaient ou allaient commettre un crime de disparition forcée et qui n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l’exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d'enquête et de poursuites, alors que ce crime était lié à des activités relevant de sa responsabilité et de son contrôle effectifs. ».

S’agissant des peines, la disparition forcée est punie de la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période sûreté (nouvel article 221-12 du Code pénal) et des peines complémentaires prévues aux nouveaux articles 221-14 à 221-17 sont également encourues.

Enfin, le nouvel article 221-18 prévoit que « l’action publique […] ainsi que les peines prononcées se prescrivent par trente ans. ».





Cet article n'engage que son auteur.

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