Bail commercial clause résolutoire inferieurs un mois

Bail commercial et validité de la clause résolutoire inférieure à un mois

Publié le : 15/12/2025 15 décembre déc. 12 2025

Il n’existe aucune obligation légale d’insérer une clause résolutoire dans un bail commercial. Les baux bien rédigés comportent bien évidemment cette clause.  Aucun texte du code de commerce pourtant n’impose d’inclure une clause résolutoire dans un bail commercial. 
L’article L.145-41 ne crée aucune obligation.

En revanche, le fonctionnement de la clause si elle existe est d’ordre public 

L’arrêt rendu par la troisième chambre civile le 6 novembre 2025 (Cour de cassation 3ème civile 6 novembre 2025, n° 23-21.334) apporte une nouvelle précision importante sur l’application dans le temps de la loi Pinel du 18 juin 2014, en particulier de sa réforme de l’article L.145-15 du code de commerce, qui substitue au régime de la nullité celui du « réputé non écrit » pour les clauses qui contredisent les dispositions protectrices du statut des baux commerciaux.

La question posée est la suivante : une clause résolutoire prévoyant un délai d’un mois réduit (15 jours), insérée dans un bail commercial, doit-elle être réputée non écrite alors même que le commandement délivré pour la mettre en jeu est antérieur à la loi Pinel ?
Plus précisément : l’irrégularité du délai s’apprécie-t-elle à la date du commandement ou à celle de l’instance ?


La Cour casse l’arrêt d’appel et affirme que la validité de la clause se juge à la lumière de la loi nouvelle dès lors que les effets de la résiliation ne sont pas définitivement réalisés. Cette solution, rigoureuse, renforce encore le caractère impératif des règles du statut et sécurise la protection du locataire.

Au cas d’espèce des bailleurs ont délivré en 2013 un commandement visant à mettre en œuvre une clause résolutoire stipulant un délai de 15 jours en cas d’infraction contractuelle.

Le texte de l’article L145-41 prévoit un délai d’un mois.

La locataire a sollicité ensuite le renouvellement du bail, refusé sans indemnité. Elle a assigné en 2015 les bailleurs en paiement de l’indemnité d’éviction. Les bailleurs, par demande reconventionnelle, ont demandé la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire.

La Cour d’appel de LYON retient la validité de la clause sur la base du droit antérieur à la loi Pinel, considérant que le commandement étant antérieur à 2014, la nouvelle sanction du réputé non écrit ne s’applique pas. Elle constate donc la résiliation et refuse l’indemnité d’éviction.

L’arrêt pose une question d’articulation entre :

L’article 2 du code civil (application dans le temps de la loi nouvelle), l’article L.145-41, qui impose un délai d’un mois pour l’acquisition de la clause résolutoire et l’article L.145-15, modifié par la loi Pinel, qui prévoit la sanction du réputé non écrit pour toute clause contredisant les règles d’ordre public du statut.

La difficulté est claire :
 
  • la clause et le commandement sont antérieurs à 2014 ;
  • mais l’instance, et donc l’appréciation de la validité de la clause, est postérieure.

La question est donc : 

Le juge doit-il apprécier la validité de la clause selon la loi ancienne ou la loi Pinel ?


La Cour casse la décision d’appel en affirmant trois points essentiels :

1. La loi nouvelle régit les effets légaux non définitivement réalisés (art. 2 C. civ.)

Tant que la résiliation n’est pas définitivement acquise ou jugée, la situation juridique reste « en cours ».
Or, en 2015, l’acquisition de la clause résolutoire faisait précisément l’objet de l’instance.

2. Une clause résolutoire prévoyant un délai inférieur à un mois est contraire à l’ordre public

L’article L.145-41 impose un délai minimal d’un mois dans le commandement.
Toute stipulation dérogeant à cette exigence « a pour effet de faire échec aux dispositions d’ordre public ».

3. La sanction applicable est celle du « réputé non écrit », dès lors que le bail était en cours au 18 juin 2014

La Cour affirme clairement :
 
  • si le bail était en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi Pinel,
  • la clause irrégulière doit être réputée non écrite,
  • même si le commandement est antérieur.

Ainsi, la Cour d’appel ne pouvait retenir la validité de la clause ni constater l’acquisition de la résiliation.

La Cour confirme le caractère d’ordre public renforcé des règles du statut.

La Cour poursuit la logique déjà engagée depuis 2016 : les règles de l’article L.145-41, protectrices du locataire, sont d’ordre public absolu.

L’objectif est clair : empêcher tout bailleur d’anticiper un régime plus favorable en insérant des clauses de délai réduit.

La sanction du « réputé non écrit » est beaucoup plus sévère que l’ancienne nullité :
 
  • elle s’applique sans condition de grief,
  • elle empêche toute acquisition de la clause, même rétroactive,
  • elle rend le commandement totalement inopérant.

Avant la loi Pinel du 18 Juin 2014, la nullité n’était pas automatique : le juge avait un pouvoir d’appréciation.

Depuis la réforme, le juge n’apprécie plus : la clause irrégulière est réputée non écrite.

Pratiquement, cela signifie que tout commandement délivré au visa d’une clause irrégulière tombe, même s’il date de plusieurs années.

Cet arrêt impose aux bailleurs une vigilance accrue :
 
  • toute clause résolutoire stipulant un délai inférieur à un mois est inopérante, même pour des actes anciens ;
  • la date du commandement est indifférente ;
  • seule compte la date à laquelle la validité de la clause est discutée en justice.

Les bailleurs doivent donc revérifier leurs baux, y compris anciens, avant de délivrer un commandement.

Cet arrêt illustre une nouvelle fois le renforcement de la protection du locataire commercial par la loi Pinel et par la jurisprudence.

En jugeant que la sanction du « réputé non écrit » s’applique dès lors que l’instance est postérieure à 2014, la Cour neutralise les stratégies consistant à se prévaloir de commandements délivrés avant la loi.

La solution est claire : tant qu’une clause résolutoire irrégulière produit encore des effets discutés en justice, elle tombe sous le régime de la loi Pinel, et doit être réputée non écrite.


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

MEDINA Jean-Luc
Avocat Associé
CDMF avocats , Membres du conseil d'administration, Arbitres
GRENOBLE (38)
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