
Conflits d’intérêts entre la société et son représentant légal : un mandataire ad hoc doit être désigné
Publié le :
19/01/2023
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La Cour de cassation a rendu en date du 9 novembre 2022 (n°20-19.077) une décision de principe au visa de l’article R.223-32 du Code de commerce faisant de la simple faculté pour le tribunal de désigner un mandataire ad hoc en cas de conflit d’intérêt entre une société et ses représentants légaux une obligation, dans le cadre d’une action sociale ut singuli.L’associé d’une Société forme une action sociale ut singuli contre sa coassociée-gérante, ainsi qu’à l’encontre la Société elle-même en réparation du préjudice que la société et lui-même ont prétendument subi du fait des agissements de la première.
La Cour d’appel écarte la fin de non-recevoir soulevée par l’appelante tirée du moyen du défaut de régularité de la représentation de la société à l’instance et énonce que l’absence de désignation d’un mandataire ad hoc n’est pas une condition de recevabilité de l’action.
Qu’en outre, la gérante n’ayant elle-même formulé aucune demande à l’encontre de la société, aucun conflit d’intérêt n’était constaté.
Aux termes de l’article R.223-32 du Code de commerce, « le tribunal ne peut statuer sur l’action ut singuli que si la société a été régulièrement mise en cause par l’intermédiaire de ses représentants légaux » (alinéa 1er). « Le tribunal peut désigner un mandataire ad hoc pour représenter la société dans l’instance, lorsqu’il existe un conflit d’intérêt entre celle-ci et ses représentants légaux » (alinéa 2).
Pour casser l’arrêt rendu par la Cour d’appel, la Cour expose le raisonnement suivant :
L’une des conditions essentielles de recevabilité de l’action ut singuli est la représentation régulière de la société à l’instance par l’intermédiaire de ses représentants légaux.
D’abord, la Haute juridiction constate l’existence d’un conflit d’intérêt entre la société et sa représentante légale résultant de la double assignation de la gérante, à titre personnel et dans le cadre de ses fonctions, faisant obstacle à la représentation régulière de la société à l’instance, ce que la Cour d’appel aurait dû déduire.
Il en résulte que le tribunal ne pouvait statuer, la représentation de la société n’étant pas régulière (Art.R.223-32 alinéa 1er du Code de commerce).
Par conséquent, le tribunal aurait dû exercer sa faculté de désignation d’un mandataire ad hoc, le cas échéant d’office, sans qu’il soit nécessaire d’être saisi spécifiquement de cette demande par la représentante légale de la société.
La Cour de cassation se saisit d’une opportunité pour compléter sa jurisprudence du 18 septembre 2019 (Cass. com., 18 sept. 2019, n° 17-25.757) en matière d’action ut singuli pour formuler une décision directive et riche d’enseignements : elle tire de la lettre de l’article R.223-32 de Code de commerce la désignation d’un mandataire ad hoc comme préalable à la recevabilité de l’action ut singuli après examen du conflit d’intérêt entre la société et son représentant légal.
Elle invite ainsi, d’une part, les juridictions du fond à examiner attentivement l’existence d’un conflit d’intérêt entre la société et ses représentants légaux, et d’autre part, le cas échéant à exercer leur faculté de désignation d’un mandataire ad hoc, sans attendre d’être saisies de cette demande par les représentants légaux de la société.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
Sefana FOURCROY
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