Bail commercial : clause d'indexation réputée non écrite en son entier
Publié le :
03/02/2023
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La question de la nullité entière ou pas des clauses d’indexation des loyers est sujette à jurisprudence et à discussion.L’article L 112-1 du Code monétaire et financier prévoit qu’est réputée non écrite toute clause d'un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision.
On se souvient que la Cour de cassation, dans un arrêt de principe du 14 janvier 2016, avait affirmé que le propre d’une clause d’échelle mobile était de faire varier le loyer à la hausse comme à la baisse. Mais cette jurisprudence ne concerne pas à proprement parlé les dispositions de l’article L112-1 du code monétaire et financier
Elle a donc posé le principe selon lequel une clause d’indexation qui exclut la réciprocité de la variation et stipule que le loyer ne pouvait être révisé qu’à la hausse devait être réputée non écrite (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 14 janvier 2016, n° 14-24.681).
Dans une première valse-hésitation, la Cour de cassation avait laissé dans un premier temps les juges du fond trancher le point de savoir si la clause devait être réputée non écrite dans sa totalité ou simplement dans sa partie excluant la réciprocité.
Dans deux arrêts du 30 juin 2021 (n° 20-11.685 et n° 19-23.038), la Cour de cassation a affirmé désormais très clairement que seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée par la loi devait être réputée non écrite et non l’intégralité de la clause, quel que soit le caractère essentiel ou pas de la clause.
Peu à peu, la jurisprudence a affirmé que le caractère essentiel de la clause n’était plus un obstacle à son effacement partiel.
Dans un arrêt du 12 janvier 2022, la 3ème chambre de la Cour de cassation avait encore à se prononcer sur une clause d’indexation annuelle de loyer, en considérant que seule la stipulation prohibée devait être réputée non écrite et non la clause en son entier.
Elle a considéré que la distorsion ne ressortait pas des dispositions de l’article L 112-1 du Code monétaire et financier, mais contrevenait aux dispositions des articles spécifiques liés au statut des baux commerciaux, à savoir l’article L 145-39 du Code de commerce.
Le propre d’une clause d’échelle mobile étant de faire varier à la hausse et à la baisse, en écartant toute réciprocité de variation, ne crée pas la distorsion prohibée par l’article L 112-1 du Code monétaire et financier, mais fausse le jeu normal de l’indexation tel qu’il est prévu dans les articles L 145-38 et L 145-39 du Code de commerce.
Il est donc possible de conclure qu’une clause est réputée non écrite partiellement sur le fondement des articles L 145-38 et L 145-39 du Code de commerce lorsqu’elle exclut toute réciprocité dans la variation.
Dans quel cas une clause peut-elle être réputée non écrite en son entier ?
Dans quelle hypothèse peut-on retenir une distorsion prohibée par l’article L 112-1 du Code monétaire et financier entraînant la nullité de l’ensemble de la clause ?L’arrêt de la Cour de cassation du 4 janvier 2023 (Cour de cassation, chambre civile 3, 4 janvier 2023 n° 21-23.412) nous en donne une illustration.
La Cour de cassation est intervenue en l’espèce sur un pourvoi formé contre un arrêt rendu le 29 mars 2021 par la Cour d’appel de BORDEAUX, 4ème chambre civile.
Le bail prévoyait que le loyer serait révisé proportionnellement aux variations de l’indice du coût de la construction, la valeur de l’indice étant celle du 1er trimestre 1997 et la valeur de l’indice de révision étant celle de l’avant-dernier trimestre civil précédant la date de l’effet de la révision.
Les dispositions de l’article L 112-1 alinéa 2 du Code monétaire et financier sont claires :
« Doit être réputée non écrite toute clause d’indexation prévoyant la prise en compte d’une période de variation de l’indice supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision. »
Une clause est non écrite si elle entraîne une distorsion entre l’intervalle de variation indiciaire et la durée s’écoulant entre deux révisions.
En conservant comme indice de référence et de calcul celui du 1er trimestre 1997 pour toutes les années suivantes, la clause d’indexation devait être réputée non écrite car elle créait une distorsion prohibée par l’article L 112-1 du Code monétaire et financier.
C’est donc toute la clause d’indexation annuelle du bail qui doit être réputée comme non écrite.
La Cour de cassation approuve le caractère non écrit de la clause en son entier, sans donner sa préférence à un effacement partiel de la clause pour rétablir un équilibre et conserver une période de variation de l’indice égale à la durée qui s’est écoulée entre chaque révision.
En clair, pour réviser le bail au 1er octobre 2010, il convenait non pas de repartir de l’indice de référence de 1997, mais de celui de 2009.
Mais la Cour de cassation a considéré que la stipulation prohibée par l’article L 112-1 du Code monétaire et financier ne pouvait être retranchée de la clause d’indexation sans porter atteinte à la cohérence de celle-ci et lui était indivisible.
Du fait de son indivisibilité et de l’atteinte à la cohérence de celle-ci, il convenait de la réputer non écrite en son entier.
Cette jurisprudence peut être contestée, car elle rappelle, mais pour d’autres motifs, celle qui avait été inaugurée le 14 janvier 2016 lorsque la Cour de cassation avait estimé qu’une clause d’échelle mobile ne variant qu’à la hausse devait être annulée en son intégralité.
Il conviendra donc de vérifier si cette jurisprudence du 4 janvier 2023 n’évolue pas dans le temps comme celle évoquée en début de commentaire.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
MEDINA Jean-Luc
Avocat Associé
CDMF avocats , Membres du conseil d'administration
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