Bail commercial, locaux à usage industriel et droit de préférence
Publié le :
29/09/2023
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Par un arrêt rendu le 29 juin 2023, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer sur l’étendue de l’article L.145-46-1 du Code de commerce, qui instaure le droit de préférence du preneur d’un bail commercial, en cas de vente des murs.Ledit droit de préférence connait des exceptions lorsqu’il s’agit : (i) d’une vente unique d’un ensemble de locaux commerciaux, (ii) d’une vente unique de plusieurs locaux loués à des locataires différents, (iii) d’une vente globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux et (iv) d’une vente d’un local à son conjoint, à son ascendant ou descendant ou à ceux de son conjoint ; mais il ne s’agit pas de la problématique dans l’arrêt en question.
Dans son arrêt du 29 juin 2023, la Cour de cassation rappelle que les locaux à usage industriel sont exclus du champ d’application de l’article L.145-46-1 du Code de commerce ; il n’y a donc pas de droit de préférence pour le preneur d’un local à usage industriel.
Cette décision n’est pas une nouveauté, l’article L.145-46-1 du Code de commerce étant clair sur son champ d’application : ces dispositions s’appliquent au propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal.
L’article L.145-46-1 du Code de commerce, qui est d’ordre public, instaure un réel avantage au preneur.
Il est donc compréhensible qu’un preneur d’un local commercial tente de se prévaloir de l’article L.145-46-1 du Code de commerce, ce d’autant plus que la définition d’un local à usage industriel n’est pas stipulée dans les textes.
C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation s’est positionnée sur la définition d’un local à usage industriel, dans son arrêt du 29 juin 2023.
La Cour de cassation n’avait, jusqu’alors, pas encore eu l’occasion de se prononcer sur la notion de local à usage industriel.
Ainsi, est à usage industriel « tout local principalement affecté à l’exercice d’une activité qui concourt directement à la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre est prépondérant » (Cass. 3ème civ., 29 juin 2023 : RG n°22-16.034).
La Cour d’appel d’Orléans, dont la décision faisait l’objet du pourvoi, avait tranché en ce sens, dans son arrêt du 10 mars 2022, en retenant que, pour exclure l’application de l’article L. 145-46.1 du Code de commerce que :
- L’activité principale de fabrication de parpaings était une activité industrielle.
- Suite à un amendement du rapporteur de la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, les termes « local à usage commercial ou artisanal » avaient été ajoutés à l’article L. 145-46-1 du Code de commerce ; cet amendement visait donc à exclure les locaux industriels, lesquels n’ont donc pas vocation à entrer dans le champ du droit de préférence (CA Orléans, 10 mars 2022 : RG n°20/01235).
La Cour de cassation a déclaré irrecevable la question prioritaire de constitutionnalité, par un arrêt du 17 novembre 2022, puis s’est prononcée sur la notion de local à usage industriel (Cass. 3ème civ., 17 nov. 2022 : RG n°22-16.034 ; Cass. 3ème civ., 29 juin 2023 : RG n°22-16.034).
L’arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 2023, publié au Bulletin, est très détaillé sur la caractérisation de l’usage industriel, afin de permettre de déterminer les locaux à usage industriel, lesquels sont donc exclus de l’application de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce.
Une question peut se poser, pourquoi ne pas avoir prévu ce droit de préférence pour les locaux à usage industriel alors qu’il est prévu pour les locaux à usage artisanal ?
Le droit de préférence s’applique également pour les locaux à usage de bureaux, dès lors que le bail conclu est un bail commercial, et ce alors même que l’article L. 145-46-1 du Code de commerce ne fait pas référence aux locaux à usage de bureaux (CA Paris, 1er janv. 2021 : RG n°20/00194).
Malgré l’exclusion des locaux à usage industriel de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce, il reste, bien entendu, possible de prévoir contractuellement un droit de préférence au profit du preneur ayant une activité industrielle.
Cette possibilité de le stipuler contractuellement ne sera possible que si le bailleur accepte de le prévoir.
Il faudrait, lors de la négociation d’un bail commercial à usage industriel, que le futur preneur s’interroge sur son intention d’acquérir les murs, dans l’hypothèse d’une vente par le futur bailleur, pour l’intégrer dans sa négociation avec le bailleur.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
De CHAZAL Agathe
Avocate Collaboratrice
CORNET, VINCENT, SEGUREL PARIS
PARIS (75)
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