Bail d’habitation : le congé délivré par le bailleur à son locataire
Publié le :
24/08/2011
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Obligation est faite au bailleur qui donne congé à son locataire de le "justifier" soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de ses obligations.
Les principes de validité de la délivrance d'un congé donné par le bailleur
Concernant les contrats portant sur des locaux à usage d'habitation principale ou à usage mixte professionnel et d'habitation principale, l'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 fait obligation au bailleur qui donne congé à son locataire de le "justifier" soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de ses obligations.
Le bailleur ne peut donc donner congé que pour trois motifs limitativement prévus par la loi :
- la reprise pour habiter (A),
- La reprise pour vendre (B),
- La reprise pour motif légitime et sérieux (C).
Attention, le droit de donner congé par le bailleur est limité par la présence de certains locataires. Le législateur a en effet entendu protéger les locataires âgés aux revenus modestes en interdisant au bailleur de leur donner congé sauf s'il leur propose un relogement de remplacement (D).
A. - Congé pour habiter
Bien que l'article 15 n'envisage pas expressément une reprise pour habiter, parlant uniquement de la décision de "reprendre le logement", la doctrine et la jurisprudence ont admis qu'il s'agit d'une reprise pour habiter ou faire habiter.
La question s'est toutefois posée de savoir quel genre d'habitation était de nature à justifier la reprise. Plus précisément, la reprise pouvait-elle être exercée en vue d'établir une résidence secondaire pour le bailleur ou pour ses proches ? La Cour de cassation et une doctrine quasi unanime se sont prononcées pour la négative au nom du "droit au logement".
Pour éviter toute discussion sur ce point, le bailleur a tout intérêt à indiquer dans le congé qu'il effectue la reprise à titre de résidence principale.
Bien évidemment, la décision de reprendre, au sens et pour l'application de l'article 15 (L. n° 89-462, 6 juill. 1989) est réservée au bailleur personne physique. Elle ne peut en principe émaner d'un bailleur personne morale qui certes est en mesure de faire habiter le logement, mais ne peut pas l'habiter lui-même.
Ceci étant, par exception au principe qu'une personne morale ne peut donner congé pour habiter, l'article 13 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 dispose que l'article 15 peut être invoqué lorsque le bailleur est une société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu'au quatrième degré inclus, par la société au profit de l'un de ses associés.
L'article 15-I, alinéa 1, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, modifié sur ce point par la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 dispose que le bénéficiaire de la reprise ne peut être que :
• le bailleur ;
• son conjoint ;
• le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé. Il faut préciser que l'article 575-8, ajouté au Code civil par la loi du 15 novembre 1999, ayant précisé que le concubinage peut concerner des "personnes de sexe différent ou du même sexe", l'homosexualité des concubins "notoires" ne constitue pas un obstacle ;
• son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé ;
• ses ascendants, ses descendants (quels qu'ils soient : nés dans le mariage ou pas, adoptés) ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire.
Attention, la reprise ne peut être demandée au bénéfice d'un mineur non émancipé à la date du congé car il est domicilié chez ses père et mère en vertu de l'article 108-2 du Code civil .
Notons par ailleurs que la reprise ne peut bénéficier à l'ex-conjoint du bailleur, ni à son neveu sauf par application de l'article 13 de la loi du 6 juillet 1989, lorsqu'il est associé d'une SCI familiale.
Bien que l'article 15 ne l'exige pas expressément, il résulte du congé pour reprise une obligation d'habiter dans les lieux pour le bénéficiaire. Le texte n'apportant aucune précision sur le régime de la reprise, le logement du bénéficiaire doit pouvoir se faire à titre gratuit ou onéreux, par l'intermédiaire d'un bail conclu entre l'auteur du congé
Le bénéficiaire doit occuper les lieux à titre d'habitation principale, ce qui implique une "occupation effective".
La jurisprudence admet toutefois que le bailleur puisse invoquer une "cause légitime" pour ne pas occuper le logement comme par exemple :
• la détérioration de l'état de santé du bailleur ;
• sa séparation d'avec son épouse;
• le départ du concubin de la bénéficiaire de la reprise qui a entraîné des difficultés financières et la dépression de cette dernière ;
• la rupture des fiançailles de la bénéficiaire de la reprise etc..;
Forme et délai : Le congé justifié par la décision de reprendre le logement doit tout d'abord être notifié ou signifié au locataire dans les conditions de forme et de délai prévues à l'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.
Il doit, à peine de nullité, indiquer les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise. Il s'agit de la seule exigence de forme posée par la loi. A défaut, le congé encourt la nullité uniquement si la preuve d’un grief est rapportée par le preneur.
Dès lors que les conditions énumérées ci-dessus sont réunies, la reprise du logement est un motif péremptoire, justifiant le congé.
Attention, le juge dispose du pouvoir de contrôler la réalité du congé, autrement dit de vérifier que le congé n'est pas frauduleux. Le contrôle se fera le plus souvent a posteriori, c'est-à-dire après que le congé aura produit effet que le locataire sera en mesure d'établir les intentions réelles du bailleur. Les décisions sont nombreuses en ce sens.
La plupart du temps, la fraude résulte des éléments suivants :
• les lieux n'ont pas été occupés suite au départ du locataire ou trop tardivement, sans que le bailleur puisse se prévaloir d'un motif légitime l'ayant empêché d'y habiter ou d'y habiter immédiatement;
• les lieux sont reloués ou mis en vente après le départ du locataire.
Le congé annulé pour fraude permettra au locataire de demander des dommages-intérêts pour le préjudice causé qui est bien souvent matériel : frais et perturbations diverses causés par le déménagement, difficulté de trouver un logement équivalent, loyer plus élevé ...
B. - Congé pour vendre le logement
Contrairement au droit de reprise pour habiter qui n'appartient qu'au bailleur personne physique, le congé pour vendre peut être notifié par tout bailleur, qu'il soit une personne physique ou une personne morale.
Par suite du caractère péremptoire que revêt la décision de vendre le logement, le bailleur n'a pas à justifier cette décision, notamment en faisant état de circonstances économiques ou familiales graves.
Il est également libre de vendre au prix qu'il souhaite, le locataire n'étant pas fondé à demander la nomination d'un expert pour rechercher la valeur marchande du logement.
La liberté du bailleur de vendre son logement est toutefois tempérée par la reconnaissance d'un droit de préemption au profit du locataire (L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 15-II).
C. - Congé pour motif légitime et sérieux
L'article 15-I de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 retient comme pouvant justifier le congé donné par le bailleur au locataire le "motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant".
Contrairement au congé pour habiter ou pour vendre, le motif légitime et sérieux n'est pas une raison péremptoire pour mettre fin au bail. Les juges du fond disposent alors d'un pouvoir souverain pour apprécier à la fois le sérieux du motif, c'est-à-dire sa réalité et sa légitimité. Ce contrôle intervient le plus souvent a priori, alors que le locataire encore dans les lieux refuse de les quitter en contestant le motif invoqué par le bailleur. C'est pourquoi ce dernier doit indiquer très précisément dans le congé la raison qui le conduit à mettre fin au bail car faute de justifications suffisantes, le juge sera conduit à annuler le congé.
Les principaux motifs réels et sérieux sont les suivants :
1° Comportement fautif du locataire
Le comportement fautif du locataire peut constituer un motif légitime et sérieux même s'il a cessé au jour de la délivrance du congé.
Ont été notamment considérés par les tribunaux comme un motif légitime et sérieux :
• le défaut répété de paiement des loyers aux échéances convenues;
• la cession du bail ou la sous location sans autorisation;
• la violation de l'obligation de jouissance paisible, comme une agression physique de la part du locataire sur la personne du bailleur;
• l'exercice d'une activité dans les locaux loués en violation d'une clause du bail stipulant une location à usage exclusivement d'habitation et également des dispositions légales y autorisant la domiciliation d'une entreprise. Etc..
2° Motif légitime et sérieux indépendant de toute faute du locataire
Même si le locataire ne commet aucune faute, le bailleur peut faire état de raisons personnelles pour refuser le renouvellement du bail. Celles-ci peuvent être des plus diverses et leur bien-fondé sera apprécié par les juges.
La raison la plus souvent invoquée par le bailleur est relative à des travaux que ce dernier entend effectuer dans les lieux loués. Il peut s'agir de travaux de démolition, de restructuration, de rénovation, de réhabilitation.
La jurisprudence est très abondante sur ce motif et elle est venue apporter les précisions suivantes :
• les travaux doivent nécessiter le départ du locataire.
• peu importe que ces travaux ne soient pas indispensables car le propriétaire est en droit de rechercher la rentabilité de son bien, en le rénovant intégralement;
• le bailleur doit prouver son intention réelle d'exécuter les travaux afin de permettre au tribunal d'apprécier leur ampleur et leur portée. S'il n'est pas tenu de décrire en détail dans le congé les travaux projetés, il doit être en mesure de rapporter la preuve, par des documents précis (plans, permis de construire et de démolir, décision d'assemblée générale autorisant les travaux....) de la réalité de ses intentions.
Attention, un simple projet de restructuration n'est pas suffisant pour justifier un congédiement.
D - Protection des locataires âgés aux ressources limitées
En application de l'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le droit de donner congé du bailleur est limité lorsque son locataire âgé. Aux termes de cet article, “le bailleur ne peut s'opposer au renouvellement du contrat en donnant congé dans les conditions définies au paragraphe I ci-dessus à l'égard de tout locataire âgé de plus de soixante-dix ans et dont les ressources sont inférieures à une fois et demie le montant annuel du salaire minimum de croissance, sans qu'un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités lui soit offert” dans certaines limites géographiques.
Cette protection légale joue quelque soit le type de congé notifié par le bailleur et donc, même dans le cas où celui-ci est justifié par un motif légitime et sérieux, plus précisément par l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant.
Précisons que la loi indique que la protection des locataires âgés cesse lorsque le bailleur personne physique est lui-même âgé ou si ses ressources sont limitées. Le second alinéa du paragraphe III de l'article 15 précise en effet: Toutefois, les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables lorsque le bailleur est une personne physique, âgée de plus de soixante ans ou si ses ressources annuelles sont inférieures à une fois et demie le montant annuel du salaire minimum de croissance. Ces deux conditions sont alternatives : il suffit que le bailleur satisfasse à l'une ou à l'autre.
En dehors de cette exception, le logement à offrir par le bailleur pour permettre de donner congé doit correspondre aux besoins et aux possibilités du locataire et se trouver dans les limites géographiques prévues à l'article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948, selon lequel le logement doit être situé :
o dans le même arrondissement ou les arrondissements limitrophes ou les communes limitrophes de l'arrondissement où se trouve le local, objet de la reprise, si celui-ci est situé dans une commune divisée en arrondissements ;
o dans le même canton ou dans les cantons limitrophes de ce canton inclus dans la même commune ou dans les communes limitrophes de ce canton si la commune est divisée en cantons ;
o dans les autres cas, sur le territoire de la même commune ou d'une commune limitrophe, sans pouvoir être éloigné de plus de 5 kilomètres.
Concernant les modalités de l'offre de relogement, l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 n'apporte aucune précision sur ce point et la question s'est posée de savoir à quel moment le bailleur doit faire une proposition de relogement : simultanément au congé ou postérieurement et jusqu'à quand ?
Un arrêt rendu le par la 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation le 2 juin 2010 indique désormais clairement que l'article 15-III de la loi du 6 juillet 1989 n'oblige pas le bailleur à présenter au locataire protégé une offre de relogement en même temps qu'il lui délivre le congé, et il faut et suffit que l'offre de relogement soit faite pendant le délai de préavis (Cass. 3e civ., 2 juin 2010, n° 09-66.698 : JurisData n° 2010-007858).
Cette décision donne une portée pratique non négligeable du point de vue du bailleur lorsqu'il donne congé à un preneur âgé.
Dans cette affaire, un couple de propriétaires a délivré congé à sa locataire afin de reprendre le logement. Cependant, s'agissant d'une locataire âgée de plus de soixante-dix ans et dont les ressources sont inférieures à une fois et demie le SMIC, l'article 15-III de la loi du 6 juillet 1989 fait obligation au bailleur de lui proposer un logement équivalent. Ce qui fut fait, non pas lors de la délivrance du congé, mais pendant la durée du préavis. Toutefois, le preneur, malgré les diverses offres de relogement proposées, se maintint dans les lieux à l'expiration du bail, arguant de la nullité du congé présenté. Les bailleurs l'ont donc assignée aux fins d'obtenir son expulsion. La locataire, quant à elle, contestait le bien-fondé du congé en raison de la tardiveté de la proposition de relogement qui, selon elle, aurait dû intervenir concomitamment à la délivrance du congé. Le problème juridique qui se posait donc, pour la première fois en ces termes, à la Cour de cassation, était de savoir si l'offre de relogement délivrée par un bailleur au profit d'un preneur âgé de plus de soixante-dix ans et dont les ressources sont une fois et demie inférieures au SMIC devait avoir lieu nécessairement au même moment que le congé ou si le bailleur disposait du long délai de préavis de six mois pour la présenter. De manière claire et indiscutable, la Cour de cassation juge que « l'article 15-III de la loi du 6 juillet 1989 n'oblige pas le bailleur à présenter au locataire protégé une offre de relogement en même temps qu'il lui délivre le congé et qu'il faut et suffit que l'offre de relogement soit faite pendant la période de préavis ».
Rompant avec la jurisprudence contraire de certaines juridictions du fond dont le principal souci était la protection des intérêts du preneur, la Cour de cassation tend à rétablir, dans le silence de la loi, quelque avantage au profit du bailleur, puisque si l'offre de relogement est désormais facultative lors de la délivrance du congé, elle devient obligatoire pendant la période du préavis.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © herreneck - Fotolia.com
Auteur
ANTOINE Alain
Avocat Associé
Alain ANTOINE
SAINT-PAUL (974)
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