Cautionnement : Consentement du conjoint de la caution en cas de séparation de biens ?
Par un arrêt du 19 janvier 2022 (Cour de cassation, 1ère Chambre, pourvoi n°20-20.467) la Cour de cassation précise quel est le patrimoine dont il faut tenir compte pour apprécier la disproportion d’un cautionnement. La disproportion du cautionnement mobilise depuis plusieurs années la jurisprudence et notamment la Cour de cassation. La Cour de cassation poursuit son travail et nous apporte une nouvelle précision sur cette épineuse question.
Les faits étaient très classiques.
Une personne se porte caution auprès d’une banque à hauteur de 139.750 € pour garantir le remboursement d’un prêt consenti à une société.
La Société est placée en liquidation judiciaire. La banque actionne la caution pour recouvrer les sommes dues au titre du prêt.
La Caution conteste les demandes de la banque en invoquant une disproportion de son engagement.
Rappelons sommairement qu’un cautionnement s’il était disproportionné aux biens et revenus de la caution était susceptible d’être sanctionné. Le créancier perdait alors sont droit d’agir contre la caution. cette sanction a été récemment aménagée par la récente réforme du droit des sûretés.
La question soulevée était de savoir si l’on devait prendre un bien immobilier détenu conjointement avec son épouse.
En effet, la caution était mariée sous le régime de la séparation de bien. Un bien immobilier avait été acheté par la caution en indivision avec son épouse.
Le conjoint doit consentir au cautionnement pour que les biens communs puissent être appréhendés par le créancier. Or, dans cette affaire le conjoint n’avait pas consenti au cautionnement donné à la banque.
Quel était l’effet de cette absence de validation du cautionnement par le conjoint ?
La Cour d’appel de Colmar (22 juin 2020) a jugé que l’absence de consentement du conjoint au cautionnement interdisait dès lors de prendre en compte le bien immobilier indivis pour apprécier si le cautionnement était disproportionné.
La banque a formé un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation a pris une position inverse à celle de la Cour d’appel.
Pour la Cour de cassation, la Cour d’appel a violé les règles applicables en matière de disproportion.
Pour dire les engagements de la caution manifestement disproportionnés à ses biens et revenus et rejeter les demandes de la banque, l’arrêt retient que la caution a acquis en indivision avec son épouse une maison, qui constitue un bien « commun » n’entrant pas dans son patrimoine dès lors qu’elle est mariée sous le régime de la séparation de biens et que l’épouse n’a pas donné son accord au cautionnement.
La solution de la Cour de cassation est parfaitement légitime.
Le régime de la séparation de biens fait qu’il n’existe pas de communauté entre les époux.
Aucun patrimoine n’est commun.
Un appartement acheté en indivision à 50/50 par un couple est un bien propre à hauteur de 50% du mari et un bien propre à hauteur de 50% pour l’épouse.
Le consentement ou non du conjoint au cautionnement impacte les biens communs. Faute de bien commun, cette disposition ne doit pas avoir donc d’effet en cas de séparation de bien.
La Cour de cassation adopte donc un raisonnement parfaitement conforme au régime de la séparation de bien.
Dans ce cas, la Cour d’appel aurait donc du prendre en compte la quote-part détenue par la caution du bien immobilier.
Le consentement du conjoint devient donc moins essentiel en cas de séparation de bien qu’avec d’autres régimes matrimoniaux faisant naître une communauté.
Cet arrêt confirme encore tout l’intérêt pour le créancier ou le banquier de s’enquérir du régime matrimonial de la caution, car ce régime sera déterminant à plusieurs titres.
Même si l’impact du défaut d’accord du conjoint est moindre en cas de séparation de bien, par sécurité on ne peut que conseiller au créancier de demander l’autorisation du conjoint pour éviter ce type de débats.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
VIBERT Olivier
Historique
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