Covid-19 : comment organiser la surveillance des patients et des personnes âgées dépendantes ?
Publié le :
24/04/2020
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En cette période actuelle, les gestionnaires d’établissements médicaux ou médico-sociaux et les professionnels de santé y intervenant, sont contraints de réorganiser le service pour faire face à l’état d’urgence sanitaire.
La surveillance des patients et également des personnes âgées dépendantes devient, dans un tel contexte, un enjeu majeur de la gestion de ces établissements et services. Les gestionnaires sont contraints de développer de nouveaux moyens de surveillance, notamment dématérialisés.
Or, ces équipements quels qu’ils soient et qui permettent la captation et l’enregistrement d’images, doivent être maniés avec précaution. Certains systèmes de type vidéosurveillance, permettent l’enregistrement des images et la possibilité, par l’intermédiaire d’une application smartphone, de visionner en direct les prises de vue.
L’utilisation de ce type d’équipement prend tout son sens, lorsque des résidents relèvent de la gestion par exemple d’un accueillant familial, dans une structure de type, maison d’accueil.
Tout d’abord, les chambres des personnes accueillies ne constituent pas un lieu ouvert au public, comme le seraient les abords d’un établissement médical ou médico-social, au sens des dispositions des articles L. 251-1 à L. 255-1 du code de la sécurité intérieure, relatifs à l’usage de la vidéosurveillance.
Aux abords ouverts au public, accessibles à toute personne, ces dispositions s’appliquent et les installations de caméras vidéo sont soumises à autorisations préalables, délivrées par le représentant de l’État dans le département.
La chambre d’une personne accueillie constitue un lieu non ouvert au public et l’installation d’un système vidéo doit répondre aux dispositions du règlement général pour la protection des données (RGPD), règlement européen n° 2016/679, entré en vigueur le 25 mai 2018.
Ainsi, cette installation doit respecter les prescriptions de l’article 13 relatif aux « informations à fournir lorsque des données à caractère personnel sont collectées auprès de la personne concernée » et de l’article 14, relatif aux « informations à fournir lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été collectées auprès de la personne concernée ».
En l’espèce, la personne concernée est le patient ou le résident et les données à caractère personnel qui ne sont pas recueillies auprès de la personne concernée, ont trait aux intervenants de l’établissement et aux visites de l’accueilli ou du résident.
L’établissement doit donc informer l’ensemble des usagers, les agents et les visiteurs, de l’utilisation de ces systèmes de vidéosurveillance, notamment par un message d’information affiché dans les locaux accessibles au public.
Un tel dispositif doit également faire l’objet d’une note d’information relative à la gestion des données personnelles et aux droits des personnes, dans le règlement intérieur de l’établissement.
Cette note d’information doit être transmise à l’ensemble du personnel, sous forme de note de service.
En effet, en application des dispositions de l’article L. 1222-4 du code du travail, les agents qui ont droit au respect de leur vie privée, doivent être informés de la mise en œuvre de ce système de vidéosurveillance. Les instances représentatives du personnel doivent également être consultées avant la mise en place de ce dispositif.
Les résidents ou les accueillis doivent être en mesure de délivrer un consentement. Dans le cas contraire, un tel dispositif serait illégal et caractériserait ainsi une atteinte à la vie du patient ou du résident et des autres agents intervenant dans l’établissement, notamment dans l’éventualité où un agent aurait pris l’initiative personnelle de l’installation d’un tel équipement, par exemple de type babyphone.
Les visiteurs occasionnels, notamment les familles, doivent être également informés de l’existence de vidéosurveillance et cette information doit leur être accessible. En l’absence de ces informations, l’atteinte à la vie privée est caractérisée, au sens des dispositions de l’article 9 du Code civil.
Ces obligations, constituent un socle minimal et doivent être complétées, afin de sécuriser l’ensemble du dispositif, lorsque les images sont enregistrées et consultables à distance.
En l’absence de respect de ces conditions, les personnes concernées par le dispositif ne peuvent être considérées comme ayant manifesté un consentement éclairé.
En second lieu, l’article L. 311-3 du code de l’action sociale et des familles, dispose que :
« L'exercice des droits et libertés individuels est garanti à toute personne prise en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, lui sont assurés :
1° Le respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité, de sa sécurité et de son droit à aller et venir librement ;
2° Sous réserve des pouvoirs reconnus à l'autorité judiciaire et des nécessités liées à la protection des mineurs en danger et des majeurs protégés, le libre choix entre les prestations adaptées qui lui sont offertes soit dans le cadre d'un service à son domicile, soit dans le cadre d'une admission au sein d'un établissement spécialisé ;
3° Une prise en charge et un accompagnement individualisé de qualité favorisant son développement, son autonomie et son insertion, adaptés à son âge et à ses besoins, respectant son consentement éclairé qui doit systématiquement être recherché lorsque la personne est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. A défaut, le consentement de son représentant légal doit être recherché ;
4° La confidentialité des informations la concernant ;
5° L'accès à toute information ou document relatif à sa prise en charge, sauf dispositions législatives contraires ;
6° Une information sur ses droits fondamentaux et les protections particulières légales et contractuelles dont elle bénéficie, ainsi que sur les voies de recours à sa disposition ;
7° La participation directe ou avec l'aide de son représentant légal à la conception et à la mise en œuvre du projet d'accueil et d'accompagnement qui la concerne ».
Dans sa décision MSP-2016-148 du 7 juin 2016, relative à un dispositif de vidéosurveillance au sein d’une maison d’accueil spécialisé, le défenseur des droits considérait que :
« Il est à noter, à titre comparatif, que l’emploi de la vidéosurveillance en milieu hospitalier, bien que courant, ne concerne généralement que les parties communes des établissements, tels les couloirs, les issues de secours, l’accueil, le quai de livraison, l’entrée principale et les accès aux zones sensibles (maternité et pharmacie par exemple). En revanche, le fait de filmer un patient dans sa chambre pour des raisons de sécurité se heurte aux restrictions légales et n’est pas autorisé sans son consentement ».
Ainsi, quand bien même un système de vidéosurveillance aurait été installé pour avoir la possibilité de surveiller dans la nuit, les éventuelles situations d’urgence de la personne accueillie ou d’un patient, ce dispositif ne peut être légalement mis en place, sans le consentement de ces derniers.
Or, le recueil du consentement obtenu à la suite de la délivrance d’une information éclairé, peut se heurter à l’état de santé du patient ou du résident. Le défenseur des droits ajoutait dans la décision précitée :
« Enfin le dernier alinéa de l’article 226-1 du code pénal établit une présomption de consentement de la personne si les actes susceptibles de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui ont été accomplis au vu et au su des intéressés, ce qui implique que la personne soit en mesure de s’y opposer en raison de sa compréhension de la situation. Tel ne peut être le cas d’un mineur ou d’un majeur protégé ou encore d’une personne majeure momentanément privée de ses facultés par maladie, accident ou par quelque autre cause. Ainsi, selon le cas, le consentement de l’intéressé, du titulaire de l’autorité parentale ou du tuteur doit être obligatoirement sollicité. En l’absence de telles autorisations préalables, il ne saurait être fait usage de la vidéosurveillance pour filmer un résident à son insu ».
L’installation d’un tel dispositif, ainsi que le fait de le laisser en usage, relève de de la qualification du délit, défini à l’article 226-1 du code pénal, qui dispose que :
« Est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui :
1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;
2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé.
Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé ».
Enfin, le défenseur des droits, adoptait le dispositif suivant de sa décision précitée du 7 juin 2016 :
« Au vu de ce qui précède, le Défenseur des droits recommande à la direction de la maison d’accueil spécialisée, de cesser toute activité de vidéosurveillance non conforme à la loi, d’adopter pour l’avenir toutes mesures propres à satisfaire aux exigences légales, notamment en sollicitant les autorisations requises, en informant les personnes concernées et en adoptant un usage de la vidéosurveillance raisonné et respectueux de la vie privée.
Le Défenseur des droits demande à la direction de la maison d’accueil spécialisée, de lui rendre compte des suites données à ces recommandations dans un délai impératif de deux mois à compter de la notification de la présente décision, sans préjudice le cas échéant, d’une transmission au procureur de la République.
Le Défenseur des droits recommande à la Ministre des Affaires sociales et de la Santé de rappeler les exigences légales relatives aux dispositifs de vidéosurveillance aux établissements sanitaires et médico-sociaux ».
Il est donc en effet indispensable de mettre en œuvre un matériel de vidéosurveillance, quel qu’il soit, en s’entourant des précautions nécessaires à sa régularité juridique.
La période actuelle d’état d’urgence sanitaire, même si elle génère de nouveaux besoins en termes de surveillance des patients ou des résidents, ne permet néanmoins pas aux établissements de santé, de s’affranchir des règles essentielles protégeant les libertés fondamentales.
En effet, de tels dispositifs de vidéo-surveillance des chambres, installés dans les établissements médicaux ou médicaux sociaux, en dehors de tout cadre légal, ne permettent pas d’assurer le respect du secret médical, ni la dignité des patients ou des résidents, ni le droit à la vie privée des autres usagers et du personnel de ces établissements.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
Thomas PORCHET
Avocat
1927 AVOCATS - Poitiers, 1927 AVOCATS - La-Roche-Sur-Yon, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
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