Dérogation à l’obligation de branchement à l’Assainissement Collectif – Pas de raccordement à tout prix
Publié le :
23/12/2015
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L’obligation de raccordement au réseau public d’assainissement s’efface lorsque le coût du branchement est considéré comme disproportionné.Les participations publiques exigibles au titre de l’assainissement collectif
L’aménagement d’un réseau public d’assainissement collectif, ou l’extension d’un réseau existant, voit se confronter deux logiques financières distinctes : d’une part, la collectivité doit trouver les instruments financiers lui permettant d’assurer le financement de travaux coûteux ; d’autre part, le propriétaire raccordé s’interroge face aux coûts mis à sa charge, qui, cumulés, aboutissent souvent à dépasser le prix d’un assainissement autonome.
Ces deux logiques, correspondant à des intérêts divergents, ont conduit le Code de la Santé Publique à organiser un système dans lequel chaque partie des travaux fait l’objet d’un financement distinct. Trois types de travaux sont ainsi identifiés :
- Le réseau public correspond à la canalisation principale. La charge de son financement revient exclusivement à la collectivité qui peut en imputer le coût aux usagers à travers un Impôt, la Participation pour le Financement de l’Assainissement Collectif (Article L.1331-7 du Code de la Santé Publique) ;
- Le branchement public correspond à la partie du raccordement reliant le réseau public à la propriété privée de l’usager raccordé (y compris le tabouret). Ce branchement peut être réalisé soit par le propriétaire raccordé, soit par la collectivité, auquel cas celle-ci peut être amenée à rembourser les frais exposés (Article L.1331-2 du Code de la Santé Publique).
- Le branchement privé correspond à la partie du raccordement située sur la propriété privée et reliant les installations internes à la limite du domaine public. S’agissant de travaux sur propriété privée, réalisés dans l’intérêt exclusif du propriétaire, seul ce dernier peut être amené à en assumer la charge (Article L.1331-4 du Code de la Santé Publique).
Si le Code de la Santé Publique permet de mettre à la charge des propriétaires raccordés une partie du coût des travaux réalisés par la collectivité, ce même code a précisément encadré les montants concernés. Schématiquement, les sommes exigibles doivent répondre aux principes suivants :
- La Participation pour le Financement de l’Assainissement Collectif n’est exigible que des propriétaires ne bénéficiant pas d’un assainissement autonome conforme et ne peut excéder 80 % du coût d’un tel dispositif.
- Pour sa part, la participation au branchement public ne peut excéder le coût réellement supporté par la collectivité, à savoir le coût de la canalisation reliant le réseau public à la limite de propriété ;
- Le cumul des deux participations ne doit pas dépasser 80 %du coût d’un assainissement autonome.
Ces deux participations ont déjà donné lieu à deux précédents articles exposant les principes applicables et les limites à ce que les collectivités peuvent exiger (Article sur la participation aux frais de branchement ; Article sur la PAC et la participation aux frais de branchement).
Le cadre juridique de la partie privée du branchement et la possibilité de déroger à l’obligation de raccordement
La charge financière du branchement privé
En premier lieu, au-delà des principes encadrant les deux participations qui peuvent être exigées par les collectivités dans le cadre de travaux d’extension d’un réseau public d’assainissement, l’article L.1331-4 du Code de la Santé Publique régit la situation du branchement privé.
Aux termes de cet article, « Les ouvrages nécessaires pour amener les eaux usées à la partie publique du branchement sont à la charge exclusive des propriétaires. » Cette disposition prévoit ainsi un financement des travaux de la partie privée exclusivement par l’usager raccordé.
Le branchement privé correspondant à la canalisation reliant le domaine public aux installations individuelles du propriétaire, les coûts de tels travaux peuvent rapidement devenir très importants (pompe de relevage, longue distance liée à un chemin privé) et peser sur le budget du propriétaire raccordé.
L’obligation de réaliser les travaux de raccordement dans un délai de deux ans
Face à un coût pouvant être élevé, un propriétaire raccordé peut être tenté de retarder la réalisation des travaux de branchement privé, voire même de ne jamais les réaliser.
Pour éviter tout risque de non-raccordement, lequel rendrait sans objet le réseau public, l’article L.1331-1 du Code de la Santé Publique a introduit un délai maximal de branchement, lequel est fixé à « deux ans à compter de la mise en service du réseau public de collecte. » A la suite de la construction et de l’entrée en service d’un réseau public d’assainissement, chaque propriétaire dispose ainsi d’un délai de deux années pour se raccorder.
Le délai ainsi fixé est d’autant plus impératif que le Code de la Santé Publique a prévu deux mécanismes contraignant :
- L'article L 1331-8 du CSP prévoit l’application au propriétaire d’un immeuble non raccordé, d’une pénalité. Cette pénalité correspond a minima « à la redevance qu'il aurait payée au service public d'assainissement si son immeuble avait été raccordé » et, a maxima, au double de cette somme.
- L'article L 1331-6 du CSP prévoit la possibilité pour la collectivité, après mise en demeure, de procéder d’office et aux frais du propriétaire, à la réalisation des travaux.
La faculté, trop peu utilisée, de dérogation à l’obligation de raccordement
Si l’article L.1331-1 du Code de la Santé Publique instaure une obligation de raccordement, ce même article prévoit également la faculté pour le Maire d’accorder des dérogations.
Le champ d’application de ces dérogations a été encadré par l’arrêté interministériel du 19 juillet 1960 qui prévoit qu’une exonération à l’obligation de raccordement aux égouts peut être délivrée lorsque le branchement ne présente aucun intérêt (immeuble frappé d’une interdiction d’habiter, immeuble insalubre, immeuble voué à la démolition).
Ce même arrêté prévoit également qu’une exonération peut être délivrée aux « immeubles difficilement raccordables, dès lors qu'ils sont équipés d'une installation d'assainissement autonome […] conforme. »
Il résulte de ces dispositions, d’une part, que l’obligation de raccordement ainsi instituée ne concerne que les immeubles pour lesquels le branchement ne présente pas une difficulté excessive ([ CAA Nantes, 27 février 2015, n°13NT00422).
A l’inverse, cette obligation s’efface lorsque l’immeuble est à la fois « difficilement raccordable » et équipé d’une installation d’assainissement autonome aux normes.
D’autre part, le caractère difficilement raccordable d’un immeuble est évident lorsqu’il s’agit d’une impossibilité matérielle. A cette impossibilité matérielle, la jurisprudence a toutefois assimilé l’hypothèse dans laquelle le branchement privé est difficilement réalisable à un coût raisonnable ([ CAA Paris, 23 novembre 1999, n°97PA02807).
Aux termes des décisions juridictionnelles disponibles, cette condition est remplie lorsque le coût des travaux de branchement restant à la charge des propriétaires excède une somme comprise entre 8.000 € et 10.000 € (par exemple : CAA Bordeaux, 30 décembre 2010, n°10BX00707 pour des travaux évalués à 8.000 € TTC ; CAA Lyon, 30 novembre 2010, n°10LY00416 pour un coût estimé à 12.709 € ; CAA Nantes, 12 novembre 2010, n°09NT01885 pour un coût de 15.000 €).
Dans son appréciation du coût raisonnable, le juge administratif intègre à la fois le montant évalué des travaux mais également le montant prévisible des subventions, seule la somme imputée, in fine, au propriétaire pouvant être retenue pour évaluer l’existence ou non d’un coût raisonnable.
Une telle situation est loin d’être rare et s’observe de façon privilégiée dans les impasses privées pour lesquelles les branchements privés peuvent être très étendus et coûteux (Rép. Min. n°1148S, JO Sénat, 16 février 2011, p.1362).
Cette hypothèse, comme la situation où d’importants travaux privés (pompe de relevage, longue distance) sont nécessaires au raccordement, doit conduire les propriétaires concernés à solliciter la dérogation prévue à l’article L.1331-1 du CSP et à ne pas s’engager des travaux dont le coût excède manifestement l’objectif de traitement des eaux usées domestiques.
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Ces développements démontrent, une nouvelle fois, tout comme s’agissant de la PFAC et de la participation au branchement public, que les sujétions imposées aux propriétaires raccordés ne sont illimitées.
Le cadre juridique d’implantation d’un nouveau réseau public d’assainissement ne permet pas, en effet, d’imposer aux usagers des coûts disproportionnés.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © Graphies.thèque - Fotolia.com
Auteur
Adrien COLAS
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