Droit Constitutionnel de l'Urbanisme: la cession gratuite de terrain
Publié le :
01/10/2010
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Dans sa décision du 22 septembre 2010, le Conseil Constitutionnel a jugé le e/ de l’article L 332-6-1 du code de l’urbanisme contraire aux droits et libertés que la Constitution garantit en se fondant sur l’incompétence négative du législateur.
Cessions gratuites de terrains: décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2010
Le 25 juin 2010, la Cour de Cassation a saisi le Conseil Constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité à la constitution du e/ de l’article L 332-6-1 du code de l’urbanisme lequel permet à l’autorité administrative d’imposer, la cession gratuite de 10 % d’un terrain aux bénéficiaires d'autorisations portant sur la création de nouveaux bâtiments ou de nouvelles surfaces.
Cette QPC n’a pas été posée à l’occasion d’un litige pendant devant la juridiction administrative dont l’objet aurait précisément porté sur la contestation d’une telle cession gratuite mais dans le cadre de la fixation des indemnités d'expropriation d'un terrain dont une partie était soumise à cession gratuite au bénéfice du département du Val de Marne.
Dans sa décision n° 2010-33 QPC du 22 septembre 2010, le Conseil Constitutionnel a jugé le e/ de l’article L 332-6-1 du code de l’urbanisme contraire aux droits et libertés que la Constitution garantit en se fondant sur l’incompétence négative du législateur :
« Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes fondamentaux ... de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ... du régime de la propriété ... » ;
4.Considérant que le e du 2° de l'article L. 332-6-1 du code l'urbanisme permet aux communes d'imposer aux constructeurs, par une prescription incluse dans l'autorisation d'occupation du sol, la cession gratuite d'une partie de leur terrain ; qu'il attribue à la collectivité publique le plus large pouvoir d'appréciation sur l'application de cette disposition et ne définit pas les usages publics auxquels doivent être affectés les terrains ainsi cédés ; qu'aucune autre disposition législative n'institue les garanties permettant qu'il ne soit pas porté atteinte à l'article 17 de la Déclaration de 1789 ; que, par suite, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence ; qu'il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin d'examiner les griefs invoqués par la requérante, le e du 2° de l'article L. 332-6-1 du code l'urbanisme doit être déclaré contraire à la Constitution ;
5. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que la présente déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle peut être invoquée dans les instances en cours à cette date et dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles ».
Cette décision se fonde sur la combinaison de l’article 17 de la déclaration de 1789 et de l’article 34 de la constitution.
L’article 17 de la déclaration de 1789 rappelle les caractéristiques du droit de propriété.
Il s’agit d’un droit inviolable et sacré.
Il ne peut y être porté atteinte que sous deux conditions :
- L’existence d’un projet d’utilité publique reconnu comme tel par une déclaration d’utilité publique, soumise à enquête publique.
- Le versement préalable d’une juste indemnité.
L’article 34 de la constitution fixe, quant à lui, le domaine d’intervention de la loi.
Le Conseil Constitutionnel a censuré le e/ de l’article L 332-6-1 du code de l’urbanisme parce que le législateur a omis de prévoir la destination de la partie du terrain ainsi cédée gratuitement au profit de la collectivité.
En effet, seul l’article R 332-15 du code de l’urbanisme fixe cet usage en prévoyant « L'autorité qui délivre le permis de construire ou le permis d'aménager portant sur un lotissement ne peut exiger la cession gratuite de terrains qu'en vue de l'élargissement, du redressement ou de la création des voies publiques, et à la condition que les surfaces cédées ne représentent pas plus de 10 % de la surface du terrain faisant l'objet de la demande ».
Lorsqu’un domaine relève de la compétence du législateur, le Conseil Constitutionnel exige qu’il épuise sa compétence.
Il considère ainsi que le pouvoir législatif ne peut renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les conditions dans lesquelles il peut être porté atteinte au droit de propriété, et c’est en ce sens qu’une incompétence négative a été reconnue.
Le e / de l’article L 332-6-1 est donc reconnu contraire à la constitution car il ne prévoit pas les mesures permettant qu’il ne soit pas porté atteinte à l’article 17 de la déclaration de 1789.
Dans sa décision n° 2010-5 QPC, 18 juin 2010, SNC Kimberly Clark, le Conseil Constitutionnel a eu à se prononcer pour la première fois sur le moyen tiré de l’incompétence négative du législateur.
Il a encadré cette possibilité : « la méconnaissance du législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ».
Il convient donc, avant d'examiner une éventuelle incompétence négative du législateur, de s'assurer qu'est bien en cause un droit ou une liberté que la Constitution garantit (il est ici recommandé de se référer au CD que le Conseil Constitutionnel a adressé à chacun d’entre nous en 2009).
La déclaration d’inconstitutionnalité ainsi prononcée a pris effet à compter du 23 septembre 2010.
Le e/de l’article L 332-6-1 du code de l’urbanisme est abrogé et non pas annulé.
Le Conseil Constitutionnel précise que sa décision peut être invoquée dans les instances en cours à cette date et dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles.
Par cette incise, et dans un souci de sécurité juridique, il précise ainsi que les effets des cessions gratuites, qui ne font pas l’objet de contentieux en cours, ne sont pas remis en cause.
Rappelons toutefois qu’aux termes de l’article L 332-30 du code de l’urbanisme « Les taxes et contributions de toute nature qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions des articles L. 311-4 et L. 332-6 sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût de prestations fournies sont sujettes à répétition. L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l'obtention des prestations indûment exigées.
Les acquéreurs successifs de biens ayant fait l'objet des actes mentionnés à l'article L. 332-28 ou situés dans une zone d'aménagement concerté ou dans une zone couverte par une convention de projet urbain partenarial peuvent également exercer l'action en répétition prévue à l'alinéa précédent. Pour ces personnes, l'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter de l'inscription sur le registre prévu à l'article L. 332-29 attestant que le dernier versement a été opéré ou la prestation obtenue ».
Les juridictions administratives auront donc à apprécier si une cession gratuite imposée par un permis de construire accordé avant le 23 septembre 2010 mais pour laquelle une action en répétition aura été introduite après cette date pourrait se voir remise en cause sur le fondement de cette QPC.
Le contentieux des participations financières relève du plein contentieux (CE 3 novembre 1995 N° 126.446, N° 126.447).
Et l’une des caractéristiques du recours de plein contentieux tient au fait que le juge doit se prononcer en fonction des considérations de droit et de faits existants à la date à laquelle il se prononce (CE Avis du 6 avril 2007 N° 293238 ).
Il n’est donc pas exclu qu’apparaisse un important contentieux d’action en répétition et qu’il puisse prospérer, si l’action a bien été introduite dans les délais prévus à l’article précité.
Par application de l’article 16-1 de la loi du 12 avril 2000, l’article R 332-15 du code de l’urbanisme devrait, quant-à lui, être abrogé et en tout état de cause ne plus être appliqué.
Cette disposition réglementaire est intervenue dans un domaine réservé à la loi par l'article 34 de la Constitution et a donc été prise par une autorité incompétente (CE 9 février 2000 N° 192271) :
« Considérant que, selon l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux "du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales" ; qu'en instituant, par l'article 173 du décret du 27 décembre 1985, un régime d'insaisissabilité des sommes reçues par le liquidateur dans l'exercice de ses fonctions au nom de l'entreprise mise en liquidation et déposées à la Caisse des dépôts et consignations, l'autorité réglementaire est intervenue dans une matière réservée au législateur ; que, par suite, ces dispositions sont entachées d'illégalité ».
L'article L 318-3 du code de l'urbanisme jugé conforme à la constitutionVoir l'article suivant d'Isabel LEON: L'article L 318-3 du code de l'urbanisme est conforme à la constitution.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
LEON Isabel
Avocate
CORNET, VINCENT, SEGUREL NANTES
NANTES (44)
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