
Droit équin : l'élevage de clones ou la fin de l'élevage ?
Publié le :
24/01/2025
24
janvier
janv.
01
2025
Le sacre d’un clone en qualité de champion du monde des 7 ans de concours complet au Mondial du Lion d’Angers le 20 octobre 2024 interpelle.En effet, deux clones du cheval CHILLI MORNING étaient engagés dans l’épreuve. Si le clone CHILLI MORNING IV gagne l’épreuve, son homologue le clone CHILLI MORNING II finit 6°.
Les deux clones, copie conforme l’un de l’autre, ont eu strictement la même note au dressage, même si leur résultat final diffère de quelques points.
Il s’agit de clones du cheval CHILLI MORNING multi médaillé sous la selle du britannique FOX PITT, précision faite qu’il existe un 3° clone, CHILI MORNING III, également performant.
Ce cheval champion du monde des 7 ans a suscité des réactions, des questions éthiques, juridiques et sportives.
Certains diront qu’après tout, si tous les cavaliers avaient le même cheval, ils partiraient avec les mêmes armes et y voient donc un avantage sur le plan sportif.
D’autres diront que le clonage permet d’améliorer la qualité de notre élevage :
- Si seuls les champions sont clonés, le risque de produire un cheval médiocre est réduit, de sorte qu’il y aurait un effet nécessairement positif sur l’élevage.
- Le clone d’un champion hongre peut présenter l’avantage de devenir étalon.
- Le clone d’un étalon décédé permettra également de conserver la lignée génétique.
- Une très bonne poulinière peut être clonée pour permettre de multiplier les produits de qualité.
Le clonage peut permettre également de sauver des espèces en voie de disparation, comme par exemple, le cheval de PRZEWALSKI dont il reste peu de spécimens.
Il peut encore s’agir de produire des animaux dédiés à la recherche, avec la réserve que le clone est un être vivant doué de sensibilité (article 515-14 du Code civil) et bénéficiant de toutes les dispositions protectrices du bien-être animal au même titre que n’importe quel cheval.
Enfin, le clonage peut être une solution pour tout propriétaire affecté par la perte d’un cheval en lui permettant par ce biais de faire revivre son animal indéfiniment !
Ce sont sans doute les raisons pour lesquelles le clonage semble connaitre un certain essor, même si le coût (de l’ordre de 200.000 euros) peut être un véritable frein.
Si dans un premier temps, le clonage était surtout utilisé dans la reproduction, il existe désormais de nombreux clones utilisés à des fins sportives.
Il est rappelé que la technique existe depuis 1996 pour le premier mammifère cloné, soit la célèbre brebis DOLLY, et depuis 2003 pour le premier cheval cloné (la pouliche HAFLINGER PROMETEA née en Italie).La pratique s’est développée en endurance, par exemple 13 clones du cheval PIERAZ ont été produits en 2009.
De célèbres chevaux auraient été clonés par une société française, tel que QUIDAM DE REVEL, CALVARO V et POETIN II RATINA Z.
Le marché du clonage est très développé également pour les chevaux de polo en Argentine et est parfaitement entré dans les mœurs. Ainsi, en 2018 un même joueur lors de l’open d’Argentine montait 7 juments clonées toutes issues de la même jument.
Il existe également un marché important les chevaux de race quater horse aux états unis.
La Chine a annoncé que la pratique du clonage de chevaux de sport sera développée car moins onéreuse que l’achat et l’importation d’un excellent cheval.
Les scientifiques sont même capables aujourd’hui d’obtenir de nouvelles caractéristiques du clone en combinant le clonage classique avec la technique CRISPR-Cas9, des ciseaux moléculaires qui permettent de supprimer une séquence d'ADN dans des cellules de l'animal qu'on veut cloner et de la remplacer par celle d'un autre sujet, ce qui permet d’améliorer ainsi la génétique du cheval cloné.
Cette manipulation génétique modifie la donne puisque le génome d’un clone sera connu à l’avance.
Si le clonage peut ainsi présenter certains avantages, ce qui est toutefois certain c’est que la diversité de l’élevage risque d’en pâtir ! Or, la diversité permet notamment de limiter les risques de consanguinité, d’améliorer la résistance des races et le développement des aptitudes.
La réglementation en matière de clonage de chevaux est loin d’être homogène et cohérente.
En France, le clonage de chevaux n’est pas par principe interdit, contrairement au clonage humain strictement prohibé (article L 2151- et suivant du Code de la santé publique).Toutefois, le 8 septembre 2015, le Parlement européen a adopté une résolution interdisant la mise sur le marché et l'importation d'animaux clonés, et d'embryons clonés, de descendants d'animaux clonés, de produits germinaux d'animaux clonés ou de leurs descendants, de denrées issues d'animaux clonés ou de leurs descendants destinées à l'alimentation humaine ou animale.
En d’autres termes, nous ne mangeons pas en Europe de viande issue d'animaux clonés.
Dans le cadre de la production animale biologique, la réglementation européenne interdit également le recours au clonage animal (Règlement 2018/848).
Sur le plan sportif, les chevaux clonés sont interdits de participer aux courses de galop et de trot en France :
Dans le cadre des courses au galop : l’article 62 II du Code des courses au galop précise :
« Aucun produit résultant d’insémination artificielle, transfert ou transplantation d’embryon, clonage ou toute autre forme de manipulation génétique ne peut être admis à courir dans les courses régies par le présent Code ».
Pour les courses au trot, l’article 7 VI du Code de course au trot dispose que :
« Aucun cheval né d’une technique de reproduction par clonage ne peut être admis à prendre part à une épreuve régie par le présent Code ».
Dans les sports équestres, la FFE (Fédération française d’équitation) n’a pour le moment prévu aucune disposition sur le sujet dans les règlements de compétition mais une réflexion est envisagée sur le sujet.
La FEI (Fédération équestre internationale) avait, en 2007, interdit la participation des clones aux compétitions internationales.
Finalement, la FEI est revenue sur sa décision et a annoncé dans un communiqué le 18 juin 2012 qu’elle n’interdisait plus la participation des clones ou de leur descendance dans ses compétitions.
Il reste que les stud book n’acceptent pas tous d’enregistrer les clones et leur descendance et que chacun suit ses propres règles.
C’est ainsi que les stud books de chevaux de sport Zangersheider et AES (Anglo European Stud-book) acceptent d’enregistrer des clones et leur descendance.
En revanche, les stud books de races plus traditionnelles telles que le Selle Français, le Holsteiner, le Pur Sang et le Quarter Horse n’acceptent pas l’enregistrement de clones.
Selon l’IFCE :
« Dans le moyen terme, il faudrait que les stud books interdisant les clones sur leurs registres reprennent ce dialogue afin de réglementer plutôt que d’interdire le clonage et éviter la fuite des meilleures génétiques vers les stud books qui acceptent d’enregistrer les clones et surtout leur descendance ». (Fiche equipedia : L'insertion des clones dans l'élevage équin : attentes et enseignements du marché).
En effet, il est sans doute temps de règlementer la pratique du clonage au risque à terme de perdre la diversité de l’élevage et la richesse de son patrimoine génétique.
Il reste que des questions juridiques nouvelles se posent :
Par exemple qui peut prendre la décision de cloner un cheval, notamment dans le cadre d’une indivision ? à qui appartient le cheval cloné ? est-ce un fruit au sens juridique ?La Cour d’appel d’Angers, dans un arrêt rendu le 31 janvier 2023 (n°10/01189), s’est interrogée sur les questions autour du clonage de l’étalon KANNAN.
La Cour a rappelé que, suivant l'article 544 du Code civil, la propriété d'une chose comprend virtuellement celle des objets qu'elle est susceptible de produire, soit spontanément, soit à l'aide du travail de l'Homme, ainsi que celle des émoluments pécuniaires qu'on peut en retirer.
Ainsi, selon la Cour, le clone est considéré comme un fruit industriel et reste acquis au propriétaire du bien à l’origine du fruit.
En conséquence, la Cour a ordonné la restitution du clone KANNAI au propriétaire de KANNAN au jour de la naissance, ce bien que le clone soit détenu par un tiers et enregistré auprès de l’IFCE au nom de ce tiers.
Outre les questions autour de la propriété qui se posent, des questions relatives au bien-être animal sont aussi prégnantes alors que les risques que la gestation n’arrive pas à terme et que le poulain présente des pathologies semblent accrus.
N’est-il pas contraire au bien-être animal d’utiliser des techniques de reproduction exposant les poulinières et les poulains à des risques plus importants ?
En conclusion, les évolutions scientifiques amènent la société à se poser des questions éthiques et le Législateur des questions juridiques. Le clonage des chevaux est l’un des sujets qui mérite l’attention du Législateur et des instances sportives et ce peut être avant que CHILLI MORNING IV ne participe aux JO de LA !
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

BEUCHER Sophie
Avocate
LEXCAP ANGERS
ANGERS (49)
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