Droit préemption et vente immeuble avec un local commercial

Droit de préemption et vente d’un immeuble avec un seul local commercial

Publié le : 20/08/2025 20 août août 08 2025

Le droit de préemption du locataire d’un bail commercial, aussi appelé droit de préférence, est défini et encadré par l’article L.145-46-1 du Code de commerce aux termes duquel lorsque le propriétaire d’un local commercial envisage de vendre celui-ci, il doit le proposer en priorité à son locataire.
Cet article a été instauré par la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 dite « loi Pinel » dans le but de permettre au preneur de poursuivre son activité dans de meilleures conditions économiques, et de favoriser le maintien de petites entreprises dans des zones soumises à une forte pression immobilière.

Cependant, afin de préserver le droit de propriété du bailleur, quelques exceptions au droit de préemption du locataire sont prévues au dernier alinéa de l’article L.145-46-1 du Code de commerce. 

En particulier, ce droit de préférence ne s’applique pas en cas de cession globale d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux

Dans deux arrêts du 19 juin 2025, la question s’est posée de savoir si cette exception visait également la cession globale d'un immeuble comprenant un seul local commercial :
Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 19 juin 2025, n°23-19.292, et n°23-17.604.

Dans ces deux affaires, un bailleur avait vendu un ensemble immobilier ne comprenant qu’un seul local commercial, et le preneur dudit local avait alors assigné bailleur et acquéreur en nullité de la vente pour violation de son droit de préemption

Les requérants ont avancé qu’une cession de cette nature ne figurait pas parmi les exceptions au droit de préemption du locataire de l’article L.145-46-1 du Code de commerce.

La Cour de cassation n’est pas de cet avis et apporte la même réponse dans ces deux arrêts : l’exception au droit de préférence de cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux trouve à s’appliquer même si l’immeuble ne comprend qu’un seul local commercial.

Par ces décisions, la Cour de cassation précise qu’en cas d’une vente globale d’un immeuble comprenant un local commercial, le locataire dudit local :

- ne dispose pas de droit de préférence sur le local commercial : le droit de préemption du locataire ne saurait imposer au bailleur un fractionnement de son bien pour le céder à des personnes distinctes.

- ne dispose pas de droit de préférence sur l’ensemble de l’immeuble : il importe peu que le locataire soit disposé à acquérir l’ensemble de l’immeuble car il ne bénéficie pas d’un droit d’acquérir en priorité au-delà de l’assiette du bail.

En outre, dans sa décision n°23-19.292, la Haute juridiction souligne que l’exception de cession globale d’un immeuble comprenant « des locaux commerciaux » est prévue pour la catégorie générique des locaux commerciaux.

Défavorables aux locataires commerciaux, ces décisions ne sont toutefois pas surprenantes puisqu’elles ne font que rappeler l’intention du rédacteur de l’article L.145-46-1 du Code de commerce. 

En effet, lors de l’élaboration de ce texte, la question de savoir si les exceptions prévues dans cet article s’appliquaient à la vente globale d’un immeuble ne comprenant qu’un seul local commercial avait été posée au gouvernement à 4 reprises.

Le gouvernement avait alors répondu :

- qu’en employant le pluriel, le législateur a entendu viser la catégorie générique des locaux commerciaux et non exclure la dérogation en cas de cession d’un seul local ;

- qu’imposer un droit de préférence sur la vente du local commercial lors d’une cession globale impliquerait de contraindre le propriétaire à vendre ce local indépendamment du reste, ce qui constituerait une atteinte à son droit de propriété ;

- que permettre au locataire d’exercer son droit de préférence sur l’ensemble immobilier vendu consisterait à une extension de ce droit limité par la loi au seul local commercial où il exerce son activité.

En dépit de ces difficultés d’interprétation de l’article L.145-46-1 du Code de commerce, le législateur n’a pas jugé opportun d’en modifier les termes pour écarter toute ambiguïté.

Par ces deux arrêts, la Cour de cassation s’est donc chargée de préciser les contours de cet article, en confirmant que la présence d’un seul local commercial dans un immeuble en vente suffit à écarter le droit de préférence du preneur de ce local.


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Camille HERROU
Avocate
CORNET, VINCENT, SEGUREL BORDEAUX
BORDEAUX (33)
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