Mandats CSE

Incompatibilité de principe entre le mandat de membre élu au CSE et celui de représentant syndical auprès du CSE

Publié le : 03/10/2019 03 octobre oct. 10 2019

Par un arrêt du 11 septembre 2019 (pourvoi n°18-23.764) destiné à être publié au bulletin d’information de la Cour de cassation, la Chambre sociale a été amenée à se prononcer sur la persistance, ou non, de l’incompatibilité entre le mandat de membre élu au Comité Social et Economique (CSE) et celui de représentant syndical auprès dudit comité.
La problématique est la suivante : l’évolution de l’organisation de la représentation du personnel justifie-t-elle toujours le principe du non-cumul entre le mandat de membre élu au CSE et celui de représentant syndical auprès dudit comité, notamment, au regard de l’article L.2314-1 nouveau du Code du travail privant le membre suppléant du CSE de la possibilité d’assister aux réunions du Comité, en présence du titulaire ?
 
La problématique n’est pas nouvelle.
 
A plusieurs reprises, la Cour de Cassation avait affirmé l’incompatibilité de principe entre les deux mandats : « Attendu cependant que le même salarié ne peut siéger simultanément dans le même comité d'établissement en qualité à la fois de membre élu et de représentant syndical auprès de celui-ci, les pouvoirs attribués par la loi à l'une et à l'autre de ces fonctions étant différents ; que dès lors, en statuant comme il l'a fait, alors que le GAN avait, dans ses conclusions, fait valoir que les fonctions de l'intéressée comme représentant syndical au comité d'établissement et membre élu auprès de ce même comité étaient incompatibles, le Tribunal, qui ne pouvait statuer sans inviter Mme X... à opter pour l'un des deux mandats, a violé le texte susvisé ; » (Cass. Soc. 17 juillet 1990 n° 89-60729 ; voir également Cass.Soc. 25 octobre 1995, 94-60.562 et Cass.Soc. 18 juillet 2000, n°98-42.625).
 
Cette position constante de la Cour de cassation s’explique par le fait que les fonctions de représentant syndical et de membre élu au comité d’entreprise sont distinctes : les deux sont convoqués aux réunions du comité d’entreprise et reçoivent les mêmes informations (ordre du jour, documents transmis aux élus).

Cependant, le représentant syndical est mandataire de son syndicat auprès du comité d’entreprise : il a pour rôle de faire connaître la position de son syndicat sur la question examinée par le comité en usant de son droit de prendre la parole librement. Il n’a qu’une voix consultative.

En revanche, le membre élu du comité d’entreprise est mandaté par les salariés. Il peut, certes, être porteur d’une étiquette syndicale, mais il représente les salariés au comité d’entreprise et prend part au vote à ce titre ; il a donc une voix délibérative.
 
Le principe avait été confirmé, dans le nouveau contexte organisationnel de la représentation du personnel, par plusieurs juridictions du fond saisies de la problématique.
 
Ainsi, dans le jugement soumis à la Cour de cassation, le Tribunal d’instance de La Roche sur Yon, relevait que « les pouvoirs attribués au membre élu et au représentant syndical au CSE étant différents, l’un ayant une voix délibérative et l’autre voix consultative, ces fonctions sont incompatibles et le même salarié ne peut siéger simultanément en ces qualités au Conseil Social et Economique ».
 
La solution est logique et méritait d’être approuvée par la Cour de cassation.
 
Il convient de constater, d’une part, que dans un contexte de multiplication des réformes affectant la représentation du personnel, l’institution du représentant syndical fait preuve d’une stabilité parfaite.
 
 
Quant aux représentants élus du personnel, si les institutions ont subi de profonds bouleversements, ceux-ci ne justifient pas de revenir sur l’incompatibilité de principe entre les deux mandats :
 
  • Le CSE exerce notamment les attributions de l’ancien comité d’entreprise. Certes la jurisprudence de la Cour de cassation avait été rendue sous l’empire du droit du comité d’entreprise et d’établissement, mais les pouvoirs attribués aux membres du CSE et aux représentants syndicaux demeurent distincts. La position jurisprudentielle contestée par les syndicats reste pertinente et fondée.
 
C’est ce que considérait le Tribunal d’instance de Cherbourg (18 décembre 2018 RG n°11-18-000784) qui, se référait « à l’esprit du législateur s’agissant de la création du comité sociale et économique » « afin de déterminer la pérennité d’une telle position ». La réponse était claire : « Désignés pour siéger au sein du comité social et économique, les représentants syndicaux n’en sont pas membres au même degré que le chef d’entreprise ou les représentants du personnel. Les attributions d’un représentant syndical auprès du comité social et économique ne sauraient se confondre avec celles des membres élus dudit comité, ayant uniquement pour rôle d’exprimer la position du syndicat qui l’a désigné sur l’ensemble des sujets inscrits à l’ordre du jour. Sa voix est uniquement consultative. Le membre élu au comité sociale et économique, a certes, une émanation syndicale, mais représente l’ensemble des salariés de l’établissement, et a ainsi une voix délibérative. »
 
La Cour de cassation confirme : « Mais attendu qu'un salarié ne peut siéger simultanément dans le même comité social et économique en qualité à la fois de membre élu, titulaire ou suppléant et de représentant syndical auprès de celui-ci, dès lors qu'il ne peut, au sein d'une même instance et dans le même temps, exercer les fonctions délibératives qui sont les siennes en sa qualité d'élu, et les fonctions consultatives liées à son mandat de représentant syndical lorsqu'il est désigné par une organisation syndicale ».
 
  • Les nouvelles règles de fonctionnement du CSE n’ont pas d’incidence décisive sur l’effectivité du mandat de représentant syndical, contrairement à ce qui était soulevé par les syndicats dans chacune des affaires.
 
Ce sont bien les fonctions en elles-mêmes qui sont incompatibles, ce qui exclut toute discussion sur les modalités mêmes de leur exercice. Cette incompatibilité concerne tant le membre titulaire que le membre suppléant du CSE.
 
Suivre l’argumentaire syndical conduirait à considérer qu’en fonction de la présence, ou non, du membre titulaire en réunion de CSE, la personne doublement mandatée pourrait y participer soit comme représentant syndical, en présence du titulaire, soit comme membre suppléant au CSE en l’absence du titulaire.
 
Outre l’absence de fondement juridique, ceci n’aurait aucun sens pratique. D’autant qu’il est rappelé que la présence des membres suppléants aux réunions du CSE peut être organisée par la négociation.
 
L’argument a été écarté par le Tribunal d’instance de Lorient : « Il ne peut être considéré, comme l’invoque le syndicat CFDT SERVICES du Morbihan, que le fait de ne pas pouvoir siéger en présence du titulaire et de pouvoir siéger alternativement comme suppléant et représentante syndicale selon les besoins, suffit à écarter la justification du principe de non cumul entre les deux fonctions, dès lors que le remplacement du titulaire peut intervenir de manière aléatoire et qu’en toute hypothèse celle-ci repose sur une incompatibilité de nature entre les deux fonctions ».

Le Tribunal soulignait également : « Cette incompatibilité reposant sur les compétences d’attribution de chacun des fonctions et sur la distinction entre voix délibérative et voix consultative conserve sa pleine justification et ce notamment, à titre d’illustration, que les suppléants peuvent être désignés comme membres des différentes commissions telles que la commission économique ou la commission santé sécurité et conditions de travail ».
 
Un salarié membre élu du CSE ne peut donc pas cumuler avec ces fonctions celles de représentant syndical audit comité.
 
La Cour de cassation a approuvé la solution retenue par les Tribunaux de La Roche sur Yon et de Lorient consistant à inviter le salarié doublement mandaté à opter entre son mandat d’élu au CSE et son mandat de représentant syndical auprès du comité. A défaut de choix, c’est le mandat de représentant syndical auprès du comité qui sera privé d’effet : « qu'il en résulte qu'en enjoignant à la salariée, élue membre suppléant du comité social et économique, d'opter entre cette fonction et celle de représentant syndical à ce même comité, et à défaut, en déclarant nulle cette désignation, le tribunal d'instance a statué à bon droit ».
 
 
 
Cass.Soc. 11 septembre 2019, n°18-23.764
Tribunal d’instance de LA ROCHE SUR YON 12 octobre 2018
Tribunal d’instance de LORIENT 20 novembre 2018 RG n°11-18-001343
Tribunal d’instance de CHERBOURG 18 décembre 2018 RG n°11-18-000784


Cet article n'engage que ses auteurs.
 

Auteurs

BERTHOME Anne-Gaelle
Avocate Collaboratrice
CORNET, VINCENT, SEGUREL NANTES
NANTES (44)
Voir l'auteur Contacter l'auteur Tous les articles de l'auteur Site de l'auteur
TARDIVEL Laurence
Avocate Associée
CORNET, VINCENT, SEGUREL NANTES
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