L'état d'urgence sanitaire : que dit la loi du 23 mars 2020 ?
Publié le :
25/03/2020
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La grave crise sanitaire causée par le pathogène et contagieux coronavirus covid-19 aura remis tous nos codes et modes sociaux en cause, bousculant les élections municipales au point d’entraîner le report du second tour avec une hypothétique tenue en juin prochain.Ce nouveau dispositif a été préconisé par le Conseil d’Etat dans son avis n° 399873 rendu par sa commission permanente le 18 mars 2020 sur le projet de loi d’urgence pour faire à l’épidémie de Covid-19 :
« Le Conseil d’Etat souscrit à l’objectif du Gouvernement visant à donner un cadre juridique spécifique aux mesures de police administrative nécessaires en cas de catastrophe sanitaire, notamment d’épidémie. En effet, si la théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles a pu fonder le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant règlementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus Covid-19 pris par le Premier ministre sur le fondement de ses pouvoirs de police générale et si l’article L. 3131-1 du code de la santé publique a donné leur base juridique aux mesures prises par le ministre de la santé, comme son arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus, l’existence d’une catastrophe sanitaire rend utile un régime particulier de l’état d’urgence pour disposer d’un cadre organisé et clair d’intervention en pareille hypothèse. »
Le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a été enregistré à la présidence du Sénat le 18 mars 2020. La commission des lois a adopté, sur le remarquable rapport de son président Philippe Bas, ce projet de loi en apportant plusieurs amendements. Trois amendements visaient à mieux encadrer l’état d’urgence sanitaire en listant les pouvoirs pouvant être mise en œuvre par le Gouvernement, à donner un caractère limité et temporaire à ce dispositif et à renforcer les pouvoirs de contrôle du Parlement afin de suivre l’application des mesures et de contrôler les conséquences sanitaires de l’épidémie de covid-19. Le Sénat a adopté en première lecture ce projet de loi le 19 mars 2020, après engagement de la procédure accélérée par le Gouvernement.
L’Assemblée Nationale a été saisie le 20 mars 2020. Sa commission des lois a adopté le projet de loi avec des modifications du texte adopté par le Sénat, suivant les préconisations formulées dans le rapport présenté par Madame Marie Guévenoux.
La chambre des députés a adopté le 21 mars 2020 le projet de loi modifié. Par suite des divergences textuelle, la commission mixte paritaire a été saisi le dimanche 22 mars 2020 et adopté un texte commun le même jour. Philippe Bas qui a présidé la commission mixte paritaire ayant abouti à un accord a explicité le contenu du texte commun adopté le même jour par les deux assemblées :
« Nous avons voulu faire en sorte que l'état d'urgence sanitaire se déploie en toute efficacité, mais sans déroger au droit commun au-delà des exigences du combat contre le Covid-19.
Le Sénat a un grand motif de satisfaction : nous n'avons pas à inscrire dans notre droit un régime dérogatoire permanent, susceptible d'être utilisé à l'avenir contre d'autres fléaux sanitaires. Le régime de l'état d'urgence sanitaire reste temporaire ; au-delà d'un an, le Parlement devra se prononcer à nouveau.
Deuxième motif de satisfaction : des pouvoirs importants sont accordés au Gouvernement, mais pas les pleins pouvoirs. Il fallait donner au Gouvernement la possibilité de restreindre la liberté d'aller et de venir, la liberté de réunion, liberté d'entreprendre.
La loi de 1955, qui permet de déclarer l'état d'urgence pour des motifs de sécurité, énumère les mesures susceptibles d'être prises dans la lutte le terrorisme - périmètre de sécurité, assignation à résidence, fermeture de lieux de cultes salafistes, perquisitions... Le Sénat a voulu un dispositif limitatif analogue pour l'état d'urgence sanitaire.
L'Assemblée nationale n'ayant pas pleinement partagé cette position, il fallait trouver un compromis : donner au Gouvernement les marges de manœuvre nécessaires pour être efficace mais éviter qu'il ne porte trop fortement atteinte à nos libertés. Nous avons donc, en CMP, exclu que le Gouvernement puisse prendre des mesures hors de la liste qui portent atteinte à la liberté d'aller et venir et à la liberté de réunion, mais accepté des mesures limitant la liberté d'entreprendre.
Quand la Nation s'organise en temps de guerre, elle déroge aux règles de la libre concurrence et des marchés publics pour produire armes et munitions. Dans la lutte contre le Covid-19, la situation est analogue : il faut produire des masques, des respirateurs artificiels, des tests, des médicaments, voire des vaccins. Nous avons néanmoins exigé que de telles mesures soient prises par décret du Premier ministre, et non par simple arrêté du ministre de la Santé, et déférées au Conseil d'État, qui se prononcera en urgence, selon la procédure du référé. »
La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a été publiée au Journal Officiel du mardi 24 mars 2020. Il comporte 22 articles par rapport au projet de loi qui en comportait 11 article, soit une augmentation de 11 articles supplémentaires prouvant l’efficacité du travail parlementaire. Seuls les articles 1 à 8 traitent de l’état d’urgence sanitaire.
Nous nous proposons d’étudier l’état d’urgence sanitaire en abordant en premier lieu les conditions poser pour y recourir (I). En deuxième lieu, nous aborderons les mesures qui peuvent être prises dans le cadre de ce régime dérogatoire et exceptionnel (II).
Auteur
Patrick LINGIBÉ
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