
Exécution forcée et promesse unilatérale de vente
Publié le :
30/05/2023
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Par arrêt rendu le 15 mars 2023, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a coordonné sa jurisprudence relative à la rétractation du promettant d’une promesse unilatérale de vente, dans le délai d’option, régie par le droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016.Le 21 juin 2012, deux sociétés avaient conclu un protocole d’accord-cadre qui avait pour objet l’entrée au capital d’une filiale de l’autre société, notamment par le biais d’une promesse unilatérale portant sur la cession de droits sociaux.
Le délai d’option de 6 mois commençait à courir à compter de la tenue de l’assemblée générale approuvant les comptes le 31 décembre 2015.
Le 8 mars 2016, alors que courait le délai d’option conventionnellement prévu, le promettant s’est rétracté de la promesse.
Le 28 juin 2016, le bénéficiaire a notifié à la société son intention de lever l’option, sans succès.
Le bénéficiaire a dès lors assigné le promettant en exécution forcée de la promesse et en allocation de dommages et intérêts.
Les juges du fond ont rejeté la demande d’exécution forcée et la demande de dommages et intérêts, soutenant que conformément au droit antérieur à la réforme du droit des contrats, la rétractation du promettant exclut toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir, signant ainsi l’impossibilité de faire droit à la demande de réalisation forcée de la vente.
Le bénéficiaire de la promesse s’est pourvu en cassation en 2021, laissant ainsi la possibilité à la Chambre commerciale de revirer sa jurisprudence.
En effet, en l’état de l’ancien article 1134 du Code civil, la Cour de cassation jugeait que la levée de l’option par le bénéficiaire d’une promesse unilatérale de vente postérieurement à la rétractation du promettant excluait toute rencontre des volontés de sorte que la réalisation forcée de la vente ne pouvait être ordonnée.
A l’inverse, le nouvel article 1124 du Code civil prévoit que la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis.
C’est l’article 9 de l’Ordonnance du 10 février 2016 qui tranche l’application de la réforme dans le temps en précisant que les contrats souscrits antérieurement au 1er octobre 2016 restent régis par le droit ancien et donc par la jurisprudence ancienne.
Pourtant, par son arrêt du 15 mars 2023 (n°21-20.399), la Chambre commerciale casse l’arrêt d’appel au visa de l’ancien article 1134 du Code civil.
Elle rappelle d’abord la jurisprudence établie avant l’ordonnance de 2016 ; puis souligne que l’offre et la promesse sont distinctes ce qui doit justifier une différence de régime. Elle rappelle enfin la solution issue de l’ordonnance avec l’article 1124 nouveau du Code civil pour juger que :
Il apparaît nécessaire, compte tenu de l’évolution du droit des obligations, de modifier la jurisprudence de la Cour pour juger, désormais, à l’instar de la troisième chambre civile, que le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès cette promesse et ne peut pas se rétracter, même avant l’ouverture du délai d’option ouvert au bénéficiaire sauf stipulation contraire.
Désormais, les promesses unilatérales relevant du droit antérieur à l’ordonnance du 16 février 2016 sont susceptibles d’exécution forcée.
La rétractation du promettant n’a aucun effet, y compris lorsqu’elle intervient avant que le délai d’option n’ait commencé à courir.
La Cour a également pris position sur l’application dans le temps de ce revirement de jurisprudence en précisant que le revirement n’était pas imprévisible au jour où le pourvoi a été formé car une « très grande majorité de la doctrine l’appelait de ses vœux bien avant la conclusion (de la promesse donnant lieu au contentieux) et la réforme du droit des contrats ». Le revirement consacré par la présente décision n’a donc pas pour effet de priver, même rétroactivement le promettant de son droit à un procès équitable. Il y a donc lieu d’appliquer à la présente espèce le principe selon lequel la révocation de la promesse avant l’expiration du délai laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis ».
La Chambre commerciale de la Cour de cassation s’aligne ainsi sur la jurisprudence de la 3ème chambre civile.
En résumé, quelle que soit la date de conclusion des promesses unilatérales de vente, antérieure ou postérieure à la réforme du droit des contrats, le promettant ne peut plus se rétracter dans le délai d’option : en vertu de l’article 1124 alinéa 3 du Code civil pour les promesses conclues depuis le 1er octobre 2016 ; et sur le fondement de la jurisprudence harmonisée de la Cour de cassation pour les promesses conclues avant le 1er octobre 2016.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

Judith LEWERTOWSKI
Avocate
CORNET, VINCENT, SEGUREL PARIS
PARIS (75)
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