Football, violences et l'interdiction de déplacement des supporters de clubs de football
Publié le :
21/01/2014
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L’année 2013, dans les stades de football français, a été émaillée de plusieurs incidents notoires, notamment lors de derbys impliquant les clubs de l’AS SAINT ETIENNE et l’OLYMPIQUE LYONNAIS, ou encore entre l’AS SAINT ETIENNE et l’OGC NICE.
L'interdiction de déplacement des supporters de clubs de footballFace à ces incidents, le Ministre de l’Intérieur, Monsieur Manuel VALLS, adoptait un arrêté en date du 30 octobre 2013 portant interdiction de déplacement des supporters du club de football de l’OLYMPIQUE LYONNAIS lors de la rencontre du dimanche 10 novembre 2013, avec l’AS SAINT ETIENNE.
Le Ministre de l’Intérieur s’appuyait sur les dispositions de l’article L. 332-16-1 du code du sport, lui octroyant la faculté d’interdire les déplacements individuels ou collectifs de personnes se prévalant de la qualité de supporters d’une équipe.
Dans le même temps, Madame le Préfet de la Loire adoptait un arrêté en date du 22 octobre 2013, cette fois-ci sur le fondement des dispositions de l’article L. 332-16-2 du code du sport, lui permettant de restreindre la liberté d’aller et venir des personnes se prévalant de la qualité de supporters d’une équipe sur les lieux d’une manifestation sportive.
Les deux arrêtés ont été examinés par le Conseil d’Etat sur recours de l’OLYMPIQUE LYONNAIS et de diverses associations de supporters.
Par son ordonnance du 8 novembre 2013, le Conseil d’Etat rejette pour l’essentiel, ces recours.
C’est la deuxième fois qu’il statue ainsi sur de telles interdictions de déplacements (cf CE, 29 mars 2013, n°367274), mais cette seconde décision est beaucoup plus motivée que la précédente.
On rappellera que ces dispositions du code du sport sont issues de l’article 60 de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure en date du 14 mars 2011.
Le Conseil Constitutionnel, par une décision en date du 10 mars 2011 (n° 2011-625) n’avait pas censuré ce dispositif qui renforce les pouvoirs de police administrative en cas de grands rassemblements de personnes à l’occasion de manifestations sportives.
Il avait indiqué qu’il appartiendra simplement au Ministre et au Préfet de définir, à partir de critères objectifs et avec précision, les personnes ou catégories de personnes faisant l’objet d’une mesure de restriction de déplacements, de justifier ces mesures par la nécessité de sauvegarder l’ordre public et de ne pas porter une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir.
Sous ces réserves d’interprétation et parce qu’une interdiction peut toujours être contestée devant le juge administratif, notamment dans le cadre d’un référé liberté, le Conseil Constitutionnel avait donc estimé que la loi assurait une conciliation qui n’était pas manifestement déséquilibrée entre le respect de la liberté d’aller et venir et la sauvegarde de l’ordre public.
Les arrêtés querellés devant le Conseil d’Etat portaient indubitablement atteintes à trois libertés fondamentales (liberté d’aller et venir, liberté de réunion, liberté d’expression), particulièrement protégées dans une société démocratique.
Conformément à sa jurisprudence, mais également aux préconisations mêmes des dispositions de l’article L.332-16-1 du code du sport, les restrictions auxdites libertés doivent être limitées dans le temps, être motivées par des circonstances précises, et être proportionnées aux risques et troubles envisagés.
Pour valider l’arrêté adopté par le Ministre de l’Intérieur, le Conseil d’Etat a examiné avec circonspection les circonstances particulières, ainsi même que les diligences accomplies par l’Administration.
Il a fait un triple constat.
En premier lieu, plusieurs auteurs des actes violents ayant émaillé l’année 2013 n’avaient pu être identifiés, de sorte que le Conseil d’Etat en déduit que les mesures de restriction individuelle d’accès aux enceintes sportives n’étaient pas de nature à éviter la survenance de futurs troubles.
Dans un second temps, le Conseil d’Etat considère que les actes violents sont susceptibles de se produire, certes aux abords du stade GEOFFROY GUICHARD de SAINT ETIENNE, mais également en tous points des trajets aller/retour des supporters lyonnais entre LYON et SAINT ETIENNE, de sorte que le déploiement de forces de Police aux abords du stade n’était pas suffisant.
Enfin, le Conseil d’Etat considère que les éventuels actes de violences émanant des supporters « ultra » stéphanois, viseraient toute personne se prévalant de la qualité de supporter de l’OLYMPIQUE LYONNAIS ou se comportant comme tel.
A partir de ce triple constat, le Juge des référés du Conseil d’Etat indique que les interdictions posées par les deux arrêtés contestés ne sont pas entachées d’une disproportion qui leur confèrerait le caractère d’une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir, la liberté de réunion et la liberté d’expression.
Nul doute que ces arrêtés d’interdiction et cette jurisprudence du Conseil d’Etat ne sont qu’un début.
Le Ministre de l’Intérieur et la Ministre des Sports, Madame FOURNEYRON réunissaient, le 14 janvier 2014 à PARIS, les principaux acteurs du football, afin d’envisager des nouvelles pistes d’action pour éradiquer les comportements violents n’ayant aucune place dans un stade de football.
A évidemment été abordée la jurisprudence du Conseil d’Etat et l’interdiction des déplacements de supporters.
Monsieur VALLS a indiqué qu’il se refusait à une interdiction généralisée à tous les clubs de l’interdiction des déplacements et qu’il jugerait au cas par cas, là où les interdictions se justifient.
Cette démonstration de fermeté, mais également de dialogue, est sans doute également due à l’échéance dans deux ans de l’EURO 2016 qui se déroulera en FRANCE.
Il s’agit, pour les différents intervenants, d’ici là, d’anéantir purement et simplement cette violence, dont on rappellera malheureusement qu’elle n’émane que de quelques énergumènes, mais dont les actions retentissent sur tous les amateurs du ballon rond.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © creativedoxfoto - Fotolia.com
Auteur
GESLAIN Anne
Avocate Associée
DU PARC - MONNET - DIJON
DIJON (21)
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