La garantie de livraison à prix et délais convenus du CCMI n'est pas extensible
Publié le :
10/05/2023
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Les dispositions de la loi n° 90-1129 du 19 décembre 1990, relative aux contrats de construction de maison individuelle, dont l’article L 230-1 du code de la construction et de l’habitation précise qu’elle est d’ordre public, instituent un régime protecteur pour les maîtres de l’ouvrage.A ce titre, la garantie de livraison prévue au k de l'article L 231-2 du code de la construction et de l’habitation couvre les maîtres de l'ouvrage, à compter de la date d'ouverture du chantier, contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution des travaux prévus au contrat, à prix et délais convenus, ainsi que contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution de la fabrication, de la pose et de l'assemblage des éléments préfabriqués, en application des dispositions de l’article L 231-6.
La garantie est constituée par une caution solidaire donnée par un établissement de crédit, une société de financement ou une entreprise d'assurance agréés à cet effet.
En cas de défaillance du constructeur, dit l’article L 231-6, le garant doit prendre à sa charge :
a) Le coût des dépassements du prix convenu dès lors qu'ils sont nécessaires à l'achèvement de la construction, la garantie apportée à ce titre pouvant être assortie d'une franchise n'excédant pas 5 % du prix convenu ;
b) Les conséquences du fait du constructeur ayant abouti à un paiement anticipé ou à un supplément de prix ;
c) Les pénalités forfaitaires prévues au contrat en cas de retard de livraison excédant trente jours, le montant et le seuil minimum de ces pénalités étant fixés par décret.
La garantie de livraison cesse lorsque la réception des travaux a été constatée par écrit et, le cas échéant, à l'expiration du délai de huit jours prévu à l'article L 231-8 pour dénoncer les vices apparents ou, si des réserves ont été formulées, lorsque celles-ci ont été levées.
Dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 avril 2023 (Cass, 3ème civ, 13 avril 2023, n° 21-21.106, publié), qui est destiné à la publication, les maîtres de l’ouvrage avaient assigné le garant de livraison à prix et délais convenus à la suite d’une expertise judiciaire, du fait de la défaillance du constructeur, afin de solliciter le paiement du coût de la démolition et de la reconstruction de leur immeuble, outre l’indemnisation de différents chefs de préjudices.
La cour d’appel de Riom avait alors condamné in solidum le constructeur et le garant au paiement de sommes au titre des travaux réservés par les maîtres de l’ouvrage et des travaux connexes réalisés en pure perte, alors qu’il avait été soutenu qu’ils n’étaient pas nécessaires à l’achèvement de la construction, ainsi qu’au paiement des frais de déménagement et de location, alors qu’il avait été soutenu que le garant n’avait pas à couvrir ce type de préjudice.
Très logiquement, dans son arrêt en date du 13 avril 2023, la Cour de cassation a rappelé quelques principes essentiels.
1. L’article L 231-6 a) du code de la construction et de l’habitation dispose qu’en cas de défaillance du constructeur le garant doit prendre à sa charge « le coût des dépassements du prix convenu dès lors qu'ils sont nécessaires à l'achèvement de la construction ».
En premier lieu, la jurisprudence a déjà précisé que la notion de dépassement du prix convenu, objet de la garantie de livraison, est constituée par « la différence entre le coût réel de la construction et le prix global stipulé au contrat » (Cass, 3ème civ, 7 octobre 2008, n° 07-17.623).
L’étendue de la garantie de livraison à prix et délais convenus doit donc s’apprécier à la date à laquelle l’attestation nominative de garantie est délivrée par le garant et en considération des travaux qui sont l’objet du contrat de construction à cette date (Cass, 3ème civ, 25 janvier 2018, n° 16-27.905).
En principe donc, le garant de livraison n’est pas tenu de prendre en charge les travaux qui ont été réservés par le maître de l’ouvrage, ou bien encore les travaux qui ont pu faire l’objet d’un avenant avec le constructeur.
En second lieu, les travaux qui ne font pas partie du prix convenu, c’est-à-dire qui ne figurent pas dans le contrat de construction de maison individuelle ou dans la notice descriptive, ne peuvent pas être mis à la charge du garant de livraison à prix et délais convenus, sauf s’ils sont nécessaires à l’achèvement de la construction (Cass, 3ème civ, 27 juin 2019, n° 17-25.949).
Il en résulte donc que le coût qui doit être supporté par le garant de livraison doit nécessairement correspondre à un dépassement du prix contractuellement convenu dont il est établi qu’il est nécessaire à l’achèvement de la construction.
En l’espèce, la cour d’appel avait condamné le garant de livraison au paiement d’une somme au titre du coût de travaux de finition réservés par les maîtres de l’ouvrage et de travaux connexes qui avaient été réalisés en pure perte, au motif que le constructeur s’était montré défaillant tant dans le respect du délai de livraison que dans la levée des réserves, de sorte que le garant devait prendre en charge « toutes les réparations nécessaires » découlant de la démolition et de la reconstruction de l’immeuble.
L’arrêt est cassé, dès lors que la cour d’appel n’a pas précisé en quoi « les coûts mis à la charge du garant correspondaient à un dépassement du prix convenu nécessaire à l’achèvement de la construction », et c’est bien cette notion de « coût nécessaire à l’achèvement de la construction » qui est essentielle.
2. Par ailleurs, l’article L 231-6 du code de la construction et de l’habitation énumère ce qui constitue l’assiette de prise en charge du garant de livraison à prix et délais convenus.
L’intervention du garant de livraison étant intimement liée à la notion d’achèvement, la Cour de cassation précise dans son arrêt du 13 avril 2023 que le garant ne peut pas être tenu de prendre à sa charge les dommages intérêts qui sont dus par le constructeur en réparation des préjudices qui sont distincts du coût de l’achèvement de l’ouvrage.
On sait en effet que, par un arrêt en date du 27 janvier 2015 (Cass, 3ème civ, 27 janvier 2015, n° 13-23.948), la Cour de cassation a indiqué que la condamnation du constructeur au paiement des pénalités contractuelles de retard n’était pas exclusive d’une condamnation distincte au paiement de dommages intérêts au titre de frais de location, frais de déplacement, préjudice de jouissance, préjudice moral ou perte de crédit d’impôts qu’elles n’ont pas nécessairement vocation à indemniser.
En l’espèce, l’arrêt de la cour d’appel est cassé pour avoir condamné le garant de livraison, in solidum avec le constructeur, au paiement d’une indemnité au titre des frais de déménagement et de location des maîtres de l’ouvrage, au motif que « la garantie de livraison n’a pas vocation à couvrir ce type de préjudices » au regard des dispositions de l’article L 231-6 du code de la construction et de l’habitation, ce qui est parfaitement exact.
La décision est donc tout à fait classique et permet ainsi à la Cour de cassation de rappeler que l’assiette d’intervention du garant de livraison est strictement définie par l’article L 231-6 a) - b) et c) du code de la construction et de l’habitation, au titre d’un cautionnement solidaire, qui n’a pas vocation à être étendu au-delà de ce que la loi dispose.
3. Enfin, dans son arrêt du 13 avril 2023, la Cour de cassation opère un contrôle sur le caractère décennal des désordres constatés, conduisant à la nécessité de procéder à la démolition et à la reconstruction de l’immeuble.
A cet égard, la cour d’appel avait considéré que cette nécessité procédait d’une inexécution défectueuse et non conforme au contrat et qu’il n’était pas établi que les désordres étaient de nature décennale, au sens des dispositions de l’article 1792 du code civil, nonobstant l’existence de défauts affectant la structure.
Dans son arrêt du 6 juillet 2021, la cour d’appel de Riom s’était donc montrée particulièrement sévère à l’égard du garant de livraison, puisque le privant à cet égard de tout recours en garantie à l’encontre de l’assureur décennal, alors que dans un arrêt en date du 18 mars 2021, la Cour de cassation avait indiqué que l’erreur d’implantation, faisant courir le risque actuel de démolition de l’ouvrage, caractérisait l’existence d’un désordre rendant l’ouvrage impropre à sa destination (Cass, 3ème civ, 18 mars 2021, 19-21.078).
En l’espèce, pour casser l’arrêt d’appel, également sur ce troisième moyen, la Cour de cassation a considéré qu’en ayant retenu que la maison était « complètement bancale et de guingois », et qu’elle ne pouvait être réparée sans être démolie puis reconstruite, la Cour de cassation a considéré qu’il était ainsi justifié de l’existence de désordres de nature décennale.
Le fait est qu’en cassant l’arrêt d’appel, la Cour de cassation trouve ici l’occasion de rappeler que si le garant de livraison est amené à mobiliser sa garantie pour prendre en charge les travaux nécessaires à l’achèvement de l’ouvrage, notamment s’il s’agit de reprendre des désordres de nature décennale, il peut toujours exercer un recours subrogatoire à l’encontre de l’assureur dommages ouvrage, qui est alors redevable à son égard sur le fondement des articles 1792 du code civil et L 242-1 alinéa 10 du code des assurances.
A cet égard, il sera observé que le maître de l’ouvrage peut avoir intérêt à solliciter directement l’assureur dommages ouvrage, par une déclaration de sinistre, en procédant en amont à une analyse des désordres constatés, dès lors qu’en application des dispositions de l’article L 231-6 du code de la construction et de l’habitation, le garant de livraison à prix et délais convenus, qui assume le coût des dépassements du prix convenu s’ils sont nécessaires à l’achèvement de la construction, peut être amené à appliquer une franchise d’un montant qui ne peut pas dépasser 5 % du prix convenu.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
Ludovic GAUVIN
Avocat Associé
ANTARIUS AVOCATS ANGERS, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
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