Irrégularité de l'offre et moyen tendant à l'irrégularité de la procédure
Publié le :
02/05/2012
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Le Conseil d'Etat dans son arrêt du 12 mars 2012, n° 353826, a dû connaitre d'une situation assez similaire à celle qui lui avait été précédemment soumise le 27 octobre 2011 dans son arrêt Préfet des Bouches du Rhône, n° 350935.
Marchés publics: irrégularité de l'offre et de la procédureEn effet, il s'agissait une fois encore de connaitre de la légalité d'une procédure de passation d'appel d'offre, considérant que l'offre du requérant avait été jugée irrégulière mais que ce dernier invoquait une faute du pouvoir adjudicateur lors de la notation.
La Société VYP Affichage et Communication avait candidaté à un appel d'offre de la Commune de Villiers sur Marne, portant sur la fourniture, l'installation, l'entretien et l'exploitation commerciale de mobiliers urbains publicitaires et non publicitaires. Suite à l'analyse des offres le pouvoir adjudicateur a déclaré l'offre de la société VYP Affichage et Communication irrégulière au motif que cette dernière avait proposé des variantes, se traduisant par la présentation de différents modèles de mobiliers. En effet, selon la Commune les variantes étaient, d'une part, interdites au regard des documents de la consultation, et d'autre part, celles présentées au cas d'espèce rendaient impossible la notation du critère esthétique.
L'attribution du marché à la société Clear Channel a donc fait l'objet d'un référé précontractuel au motif que la commune de Villiers-sur-Marne avait substantiellement modifié les critères de notation du critère du montant de la redevance. Le Conseil d'Etat casse l'ordonnance d'annulation du Tribunal Administratif de Melun, considérant que l'irrégularité de l'offre entrainait de facto l'irrecevabilité du recours puisque cette dernière ne pouvait, en tout état de cause, être classée et notée.
L'intérêt de cet arrêt réside d'une part, dans le rappel du Conseil d'Etat quant à la définition des variantes (1) et d'autre part, en l'application de jurisprudences de principe, CE 27 octobre 2011, n° 350935, Préfet des Bouches du Rhône et CE 3 octobre 2008 SMIRGEOMES, n°305420, pour déclarer le requérant irrecevable (2).
1- Sur le rappel du Conseil d'Etat de la définition d'une variante.
La société VYP Affichage et Communication (CE 12 mars 2012, n° 353826), a proposé dans son offre différents types de mobilier urbain, or la Commune a rejeté cette dernière puisque les variantes n'étaient pas admises et que, de plus, il lui était dès lors impossible de noter le critère "esthétique", l'offre de base n'étant pas identifiable parmi les différents modèles.
Le Conseil d'Etat s'intéresse donc tout d'abord à la qualité de l'offre et au fait de savoir si cette dernière doit être qualifiée d'irrégulière. Si la Haute Juridiction administrative arrive à la même conclusion que celle du pouvoir adjudicateur, son analyse n'est pas strictement identique. Ainsi, à la différence de la Commune de Villiers sur Marne, il considère au regard de l'offre remise que les différents modèles ou "design" ne peuvent être qualifiés de variantes en application de l'article 50 du code des marchés publics.
Ce dernier définit la variante comme une proposition du candidat qui répond à des exigences minimales du cahier des charges. En effet, une variante à la différence d'une option ne peut proposer une solution totalement alternative sans respecter des exigences minimales préalablement définies.
C'est d'ailleurs le rappel qu'avait déjà fait le Conseil d'Etat dans son arrêt CE 5 janvier 2011, n° 343206, Sté technologique Alpine Sécurité, "les variantes constituent des modifications, à l'initiative des candidats, de spécifications prévues dans la solution de base décrite dans les documents de la consultation".
Au cas d'espèce, le Conseil d'Etat semble donc considérer que les propositions de la société VYP Affichage et Communication ne pouvaient être analysées comme des variantes puisqu'elles n'avaient pas pour but de proposer une solution différente de la solution de base tout en respectant certaines spécifications. En effet, force est de constater que les propositions supplémentaires du candidat portaient uniquement sur l'esthétique du mobilier qui ne faisait pas l'objet de préconisations particulières mais laissé à la l'initiative du candidat.
Partant de ce postulat, le Conseil d'Etat considère qu'il ne peut s'agir de variantes mais qu'en présentant plusieurs modèles sans préciser lequel faisait partie de l'offre de base le candidat a placé le pouvoir adjudicateur dans l'impossibilité de juger l'offre. En conséquence, le problème résidait plus dans l'identification de l'offre de base que dans la violation de l'interdiction de produire des variantes.
Le Conseil d'Etat applique donc strictement la définition de la notion de variantes (CE 28 juillet 1999, Institut Français de Recherche Scientifique pour le Développement de la Coopération et Sté SOCEA, BJCP, 2000, n° 8 p 29) dans un premier temps, avant de s'intéresser à la question de savoir si l'irrégularité de l'offre prévaut ou non sur l'irrégularité de la notation d'un critère.
2 - Sur l'application des jurisprudences antérieures "préfet des Bouches du Rhône" et "Smirgeomes".
Force est de constater qu'on ne peut s'empêcher de faire le parallèle avec l'arrêt du 27 octobre 2011, n° 350935, dans lequel les Juges du Palais Royal avait déjà jugé :
"Qu'il résulte de ces dispositions qu'une offre dont l'acte d'engagement n'est pas, avant la date limite de remise des offres, signé par une personne dûment mandatée ou habilitée à engager l'entreprise candidate, est irrégulière et doit être éliminée comme telle avant même d'être examinée".
Ainsi, le Conseil d'Etat avait déjà jugé qu'une offre irrégulière en sa forme, considérant qu'il s'agissait de l'incompétence du signataire de l'acte d'engagement, n'a pas à être évaluée en application des critères de notation.
Le Conseil d'Etat distingue entre la régularité de l'offre et la notation de celle-ci en application des critères définis dans le règlement de la consultation. Dès lors, si une offre peut être valablement notée en application des critères, il n'en demeure pas moins qu'elle peut être déclarée irrecevable. Mais les praticiens de la commande publique étaient déjà au fait de cette situation, la pratique amenant souvent les pouvoirs adjudicateurs à s'interroger de la sorte.
L'arrêt "Préfet des Bouches du Rhône" (CE 27 octobre 2011, n° 305935) apportait comme véritable innovation la chronologie de l'appréciation de l'offre, en indiquant la nécessité d'analyser dans un premier temps la régularité de celle-ci puis dans un second temps sa notation.
Le cas de la société VYP Affichage et Communication pouvait donc prêter à confusion puisque le pouvoir adjudicateur avait, aux dires du requérant, lui aussi commis une faute. En effet, le requérant arguait du fait que la Commune de Villiers sur Marne avait en cours d'analyse modifié les critères permettant la notation du critère relatif à la redevance.
La question était donc de savoir laquelle des deux irrégularités, entre celle de l'offre et celle de la notation devait prévaloir sur l'autre.
Force est de constater que le Conseil d'Etat en jugeant que la Société VYP Affichage et Communication n'est pas recevable à contester la procédure de passation, considérant l'irrégularité de son offre, on peut se poser la question de savoir qu'elle jurisprudence il a fait prévaloir, celle du CE 27 octobre 2011 Préfet des Bouches du Rhône, n° 305935 ou celle du CE 3 octobre 2008 SMIRGEOMES, n° 305420.
Ainsi, on peut sans difficulté apprécier le cas d'espèce au regard de l'arrêt Préfet des Bouches du Rhône du 27 octobre 2011, n° 350935, qui établit donc une chronologie entre l'analyse de la régularité de l'offre et la notation de celle-ci. Mais on peut aussi y voir une application de la fameuse jurisprudence CE 3 octobre 2008, n° 305420, SMIRGEOMES, selon laquelle un concurrent évincé n'est recevable qu'à la condition d'avoir été lésée ou risqué d'être lésé par l'irrégularité de la procédure de passation.
Au cas d'espèce, le Conseil d'Etat reprend expressément les termes de l'arrêt SMIRGEOMES pour juger qu'à la supposée établie la modification des critères de notation du critère relatif à la redevance ne pouvait léser le candidat, considérant qu'en tout état de cause son offre n'était pas régulière. Si l'on s'en tient aux termes de l'arrêt ce dernier semble donc faire une simple application de la jurisprudence SMIRGEOMES. L'application de cette dernière possède comme avantage d'éteindre tout débat sur l'importance de la chronologie imposée par l'arrêt Préfet des Bouches du Rhône, en effet, peu importe que l'irrégularité de l'offre ou de la procédure de notation soit soulevée en premier, puisqu'en tout état de cause le requérant n'est pas recevable à agir considérant qu'il ne pourra obtenir le marché en l'état de son offre.
MADOULE Damien
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © antoinemonat- Fotolia.com
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