La clause de hardship (imprévision) dans les contrats commerciaux internationaux

La clause de hardship (imprévision) dans les contrats commerciaux internationaux

Publié le : 30/08/2016 30 août août 08 2016

Le concept d’imprévision désigne un changement de circonstances économiques qui, s’il n’empêche nullement les parties de satisfaire à leurs obligations contractuelles, a toutefois comme conséquence de réduire fortement la rentabilité de l’exécution contractuelle pour l’une des parties – voire de générer un coût d’exécution pour cette partie, qui en réalité perd de l’argent à exécuter le contrat.À titre liminaire, il est intéressant de rappeler la définition de la « force majeure » et d’expliquer en quoi celle-ci est distincte du concept d’imprévision (hardship, en anglais).


On entend par « force majeure » un événement imprévisible qui empêche une partie d’exécuter ses obligations contractuelles ou d’exécuter celles-ci dans les délais, mais constitue pour autant un motif d’inexécution ou de retard acceptable.

Le concept d’imprévision désigne quant à lui un changement de circonstances économiques qui, s’il n’empêche nullement les parties de satisfaire à leurs obligations contractuelles, a toutefois comme conséquence de réduire fortement la rentabilité de l’exécution contractuelle pour l’une des parties – voire de générer un coût d’exécution pour cette partie, qui en réalité perd de l’argent à exécuter le contrat.


La réforme du droit des contrats français entrera en vigueur le 1er octobre 2016. C’est l’occasion, pour les membres du groupe de travail EUROJURIS INTERNATIONAL CONTRACTS & LITIGATION, de partager leurs expériences et de mettre à jour leurs connaissances dans ce domaine.

L’art. 1195 nouveau du Code civil français définit l’imprévision comme suit :

« Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.

En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe. »

En droit français, cette disposition n’est pas d’ordre public, mais supplétive, ce qui signifie qu’elle s’applique à défaut d’être expressément exclue dans le contrat.

Ce type de dispositions existe également dans d’autres législations nationales :


  • En Italie, les parties peuvent prévoir une clause particulière pour définir les circonstances de l’imprévision et notamment donner des exemples de changement de circonstances économiques.
  • En Angleterre et au Pays de Galles, il est possible de prévoir le cas d’un changement imprévisible de circonstances et de stipuler que la partie tenue de fournir les biens et/ou services sera exonérée de ses obligations contractuelles si les conditions d’imprévision sont réunies.
    Dans la pratique, la distinction est ténue entre la force majeure, qui s’applique automatiquement dans certains cas, et l’insertion d’une clause d’imprévision dans le contrat. Celle-ci permet simplement d’encadrer plus précisément l’occurrence éventuelle d’un événement imprévisible.
  • En Pologne, l’art. 3531 du Code civil introduit le concept de liberté des cocontractants : les parties peuvent ainsi modifier les modalités de leur relation dès lors que les stipulations contractuelles restent compatibles avec l’objet du contrat, les lois en vigueur et le principe de coexistence sociale. En conséquence, les parties sont libres d’insérer une clause de hardship dans le contrat qui les lie, dès lors que les conditions ci-dessus sont respectées.
  • La jurisprudence belge autorise les clauses de hardship. Cependant, en l’absence de clause de ce type dans le contrat, le juge n’est pas autorisé à réviser les obligations des cocontractants en cas de changement de circonstances : c’est dès lors plus difficile (mais non impossible) pour le débiteur de l’obligation de fournir le résultat auquel il est tenu.
  • La loi néerlandaise inclut une disposition relative aux événements imprévisibles (art. 6.258 DCC) et à la force majeure ; toutefois, les principes qui y sont énoncés sont interprétés de façon stricte et ont par conséquent des effets très limités.
  • La loi allemande autorise les parties à prévoir une clause d’imprévision dans le contrat, sous réserve toutefois que son application soit strictement contrôlée. Par ailleurs, s’agissant de l’exécution d’une obligation permanente, la Section 3.1.3. du code civil (BGB) autorise les cocontractants à demander l’adaptation ou la résolution du contrat lorsque les données de base à l’époque de la formation du contrat ont évolué de façon significative. Cette disposition couvre également les cas de force majeure tels qu’un changement de conditions ou circonstances économiques, politiques ou sociales.
  • Quant à la loi mexicaine, à défaut d’accord entre les parties, la partie lésée est en droit de demander au juge d’adapter la contrepartie qui lui est due de façon à tenir compte de la survenance de l’événement imprévu. Le juge statue après avoir entendu les arguments des deux parties. Toutefois, une partie peut contester le droit à résiliation sur le fondement de la clause de hardship dont se prévaut l’autre partie, ce qui ouvre la voie à une procédure contentieuse.
  • Aux Etats-Unis (loi de l’État du New Jersey), en principe, les clauses de hardship sont autorisées. Toutefois, dans la pratique, il est difficile d’établir l’imprévision lorsque l’événement déclencheur est trop vague : comment déterminer notamment si un changement de circonstances techniques, commerciales, financières ou juridiques rend l’exécution « excessivement onéreuse » ? De ce fait, la force majeure, couplée à la nécessité de privilégier la recherche d’une solution amiable ou la renégociation en cas de désaccord ou de litige, a sensiblement les mêmes effets que ceux d’une clause de hardship.
  • Au Japon, l’insertion d’une clause de hardship dans le contrat est pratique courante - et même vivement recommandée.
Comment rédiger une clause de hardship ?

Il existe certains modèles, issus notamment des principes UNIDROIT, du Règlement de la CCI, du Règlement du CMAP, ou des Principes, définitions et règles-types du droit privé européen (Cadre commun de référence / CCR ou « Principes Lando »). Il est cependant vivement recommandé de définir le plus précisément possible les cas de hardship permettant d’actionner la clause.

Il est ainsi possible d’inclure une liste – exhaustive ou non – des changements de circonstances, comme un changement de législation ou de ligne politique du pays, des conditions financières du contrat, de la relation personnelle sous forme d’intuitu personae, ou encore des évolutions technologiques.

Si l’imprévision est exclue du contrat, le rédacteur doit s’assurer que cela ne crée pas de déséquilibre entre les parties, qui serait contraire à la loi applicable.

Il convient également de définir les suites d’une mise en œuvre de la clause d’imprévision :


  • Re-négociation ou non ?
  • Intervention du juge : peut-il réviser le contrat ?
  • Tribunaux d’État ou tribunal arbitral ?


Ces différents exemples soulignent la nécessité de rédiger cette clause aussi précisément que possible.



EN CONCLUSION :

Les clauses de hardship sont courantes dans la plupart des législations nationales.

Il appartient au rédacteur de décider si la clause s’applique uniquement au vendeur – qui supporte le plus souvent le risque lié au coût des produits – ou également à l’acheteur, qui peut avoir intérêt au maintien de bonnes relations avec le vendeur.

En tout état de cause, il est indispensable d’inclure une liste exhaustive des cas permettant d’actionner la clause, et de consigner par écrit la quasi-totalité des hypothèses afin de limiter le champ d’action du juge (et ce, que les juridictions nationales ou un tribunal arbitral soi(en)t compétent(es).



Cet article a été co-écrit par les membres suivants du groupe de travail EUROJURIS INTERNATIONAL CONTRACTS & LITIGATION :


Enfin, les auteurs tiennent à exprimer leurs plus vifs remerciements à :


Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © vectorikart - Fotolia.com

Auteur

Thierry CLERC

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