L'acheteur public doit exiger les justificatifs permettant de vérifier l'exactitude des caractéristiques techniques de l'offre des candidats
Publié le :
08/03/2016
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Le candidat à un marché public doit-il produire des justificatifs permettant de vérifier l'exactitude des informations techniques qu'il donne à l'appui de son offre ?Dans une décision rendue le 9 novembre 2015, société Autocars de l'Ile de Beauté, n° 392785, le Conseil d'Etat apporte une réponse de principe à cette interrogation :
Il appartient à l'acheteur public d'exiger les justificatifs des informations techniques données par les candidats à peine d'annulation de la procédure pour violation des obligations de publicité et de mise en concurrence.
A L'ORIGINE DE CETTE DECISION :
Dans cette affaire, le département de la Corse-du-Sud avait lancé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de la passation d'un marché, divisé en cent trente-deux lots, ayant pour objet l'exploitation d'un service de transport scolaire.
Un des candidats évincés de l'attribution de deux de ces lots avait sollicité et obtenu devant le Tribunal administratif de Bastia l'annulation des procédures en formant un référé pré-contractuel.
Nous ne nous attarderons pas sur les motifs retenus pour l'annulation de la procédure relative au premier lot, n°127, qui se rapportent à la qualification d'"offre inacceptable" et qui n'apportent en la matière rien de nouveau.
En revanche, les motifs retenus pour l'annulation de la procédure relative au second lot litigieux, n° 132, apportent une précision déterminante et attendue en matière de commande publique que ce soit pour l'acheteur public ou pour les candidats.
Dans cette affaire, pour l'attribution de ce second lot, n° 132, le Département de la Corse du Sud avait invité les candidats à préciser, dans leur mémoire technique, si les véhicules utilisés pour l'exécution du marché seraient stationnés ou non dans un lieu couvert.
Juridiquement, cette caractéristique constituait donc un sous-critère du critère de la valeur technique de l'offre.
Or, aucun justificatif permettant de contrôler l'exactitude matérielle de la réponse apportée par le candidat n'était sollicité par le Département, que ce soit dans le règlement de consultation ou par tout autre document de la consultation, et à l'évidence aucun justificatif n'avait été fourni par le candidat retenu.
Autrement dit, les candidats pouvaient librement déclarer remplir ce sous-critère sans qu'aucune garantie ne soit apportée quant à l'exactitude matérielle de cette déclaration.
Stigmatisant une violation des obligations de publicité et de mise en concurrence qui s'imposent à l'acheteur public, le Tribunal administratif de Bastia avait par conséquent annulé cette procédure, décision contestée devant le Conseil d'Etat par l'attributaire des deux lots litigieux.
L'ACHETEUR PUBLIC DOIT EXIGER LA PRODUCTION DES JUSTIFICATIFS :
Dans un considérant de principe, le Conseil d'Etat confirme le juge des référés et fixe sa jurisprudence :
"Considérant que lorsque, pour fixer un critère d'attribution du marché, le pouvoir adjudicateur prévoit que la valeur des offres sera examinée au regard d'une caractéristique technique déterminée, il lui incombe d'exiger la production de justificatifs lui permettant de vérifier l'exactitude des informations données par les candidats"
En d'autres termes, l'acheteur public ne peut pas se contenter de simples déclarations des candidats.
S'il fixe des sous-critères techniques, il doit exiger des candidats l'ensemble des justificatifs lui permettant de vérifier matériellement si les offres correspondent effectivement aux critères d'attributions.
A défaut, la procédure est entachée d'irrégularité et encours une annulation pure et simple.
UNE APPLICATION EVIDENTE ET INDISPENSABLE DU PRINCIPE D'EGALITE DE TRAITEMENT :
Cette jurisprudence vient sanctionner une pratique souvent rencontrée ces dernières années et consistant, pour les acheteurs publics, à attribuer le marché aux candidats ayant le meilleur "mémoire technique" alors même qu'aucune garantie n'est apportée par le candidat quant à l'exactitude matérielle des informations qu'il fournit dans son offre.
Cette décision constitue ainsi une application évidente, indispensable et malgré tout attendue du principe d'égalité de traitement des candidats.
Rappelons que ce principe d'égalité de traitement est un des grands principes communautaires pour lequel la Cour de Justice de l'Union Européenne jugeait déjà en 2003 :
"Le principe d'égalité de traitement implique une obligation de transparence afin de permettre de vérifier son respect, laquelle consiste notamment à garantir le contrôle de l'impartialité des procédures d'adjudication […]
Or, l'évaluation des différentes offres dans l'objectivité et la transparence présuppose que le pouvoir adjudicateur, se fondant sur des informations et justificatifs fournis par les soumissionnaires, soit en mesure de vérifier effectivement si les offres de ces derniers correspondent aux critères d'attribution. […]
Il y a dès lors lieu de constater qu'un critère d'attribution qui n'est pas assorti d'exigences permettant un contrôle effectif de l'exactitude des informations fournies par les soumissionnaires est contraire aux principes du droit communautaire en matière de marché public."
(CJCE, 4 déc. 2003, EVNAG et Wien Storm Gmbh contre Republik österreich, aff. C-448/01)
CE QU'IL FAUT EN RETENIR
L'acheteur public qui prévoit dans sa consultation que la valeur des offres sera examinée au regard d'une caractéristique technique déterminée doit obligatoirement exiger la production des justificatifs lui permettant de vérifier l'exactitude des informations qui seront données par les candidats.
A défaut, si rien n'est prévu dans le règlement de consultation ou dans tout autre document de la consultation, la procédure sera considérée comme méconnaissant le principe d'égalité de traitement des candidats et son annulation pourra être recherchée par la voie d'un référé pré-contractuel, notamment.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © Texelart - Fotolia.com
Auteur
ROUSSE Christian
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