L'arrêt Expedia de la CJUE: une entente anticoncurrentielle méritant l'attention
Publié le :
07/03/2013
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Le 13 décembre dernier, la CJUE répondait à une question préjudicielle posée par la Cour de cassation quant à la valeur contraignante de la communication de minimis.
Eclairage sur la valeur de la communication de minimis de la Commission Selon l'article 101 (1) du TFUE :"sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'association d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché intérieur".
Un arrêt récent de la CJUE est venu préciser que l'article 101(1) trouvait son plein effet même lorsque l'accord n'atteignait pas les seuils fixés dans la communication de minimis à condition qu'une restriction sensible de la concurrence s'en ressente.
Les faits:
Expedia et la SNCF étaient accusées d'entente anticoncurrentielle pour avoir créé une filiale nommée GL Expedia ayant pour objet la vente dématérialisée de billets et de services de voyage. L'Autorité de la Concurrence avait alors sanctionné tant Expedia que la SNCF sur le fondement de l'article 101 TFUE aux termes d'une décision rendue le 5 février 2009. La Cour d'Appel de Paris a rejeté purement et simplement l'appel interjeté contre la décision de l'Autorité de la Concurrence.
Expedia avait formé un pourvoi devant la Cour de cassation contre l'arrêt de la Cour d'Appel rendu le 23 février 2010 par la Cour d'Appel de Paris. La Cour de cassation a alors posé une question préjudicielle à la CJUE sur la question de savoir si la communication de minimis avait une valeur contraignante ou pas. Expedia arguait que les parts de marché combinées des deux entreprises étaient en deçà des seuils fixés par la communication de minimis du 13 décembre 2001.
Solution:
►La "de minimis rule" ne lie pas les Etats membres: La de minimis rule est une communication qui cantonne les pouvoirs de la Commission européenne qui date du 13 décembre 2001 (de minimis). Cette dernière fixe un seuil en deçà duquel les accords ne résultent pas en une restriction de la concurrence en raison des parts de marché cumulées des parties en cause. La communication de minimis développe donc une approche à la fois économique et pragmatique. Avec l'arrêt Expedia du 13 décembre 2012, la CJUE a souligné cependant que la communication de minimis ne liait pas les Etats membres suivant ainsi les conclusions de l'avocat général Madame Juliane Kokott. Il suffit que l'accord résulte en une restriction sensible de la concurrence pour qu'il soit répréhensible quand bien même les seuils de la de minimis rule ne seraient pas atteints. Selon les mots de la CJUE:"Les articles 101, paragraphe 1, TFUE et 3, paragraphe 2, du règlement (CE) n°1/2003 du Conseil , du 16 décembre 2002, relatif à la mise en oeuvre des règles de la concurrence prévues aux articles 1 [CE] et 82 [CE], doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à ce qu'une autorité nationale de concurrence applique l'article 101, paragraphe 1, TFUE à un accord entre entreprises qui est susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres, mais qui n'atteint pas les seuils fixés par la Commission européenne dans sa communication concernant les accords d'importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, [CE] (de minimis), pourvu que cet accord constitue une restriction sensible de la concurrence au sens de cette disposition". Rappelons que ces seuils sont différents et tiennent compte de la situation concurrentielle des parties:-le seuil est fixé à 10% des parts de marché combinées en cas d'accords horizontaux, i.e entre concurrents-le seuil est fixé à 15% des parts de marché combinées en cas d'accords verticaux, i.e entre non concurrents L'article 4 de ladite communication de minimis précise par ailleurs qu'elle n'a pas valeur obligatoire. Cela fait d'elle une sorte de soft law des pratiques anticoncurrentielles qui a une force unificatrice indéniable (terme adopté par Catherine Vincent).Portée:
D'aucuns affirment qu'il résulte de cette décision une certaine insécurité juridique. Les entreprises dont les parts de marché combinées n'excèdent pas les seuils de la communication de minimis ne sont pas à l'abri d'une sanction de la part d'une autorité de la concurrence nationale. La situation serait alors pour le moins paradoxale puisqu'une entente condamnée par les autorités nationales de la concurrence pourrait ne pas l'être par la Commission. Cette décision de la CJUE Expedia oeuvre cependant pour un traitement des affaires les plus sensibles par la Commission avec des ententes touchant des parts de marché plus importantes selon Alain Rozano. Et Catherine Vincent de conclure :"voilà bien le danger inhérent à ce type de documents : leur valeur n'est pas clairement identifiée alors qu'ils comportent, (...), des effets juridiques incontestables. Les juges de l'Union doivent l'admettre afin de les contrôler. A défaut, l'indétermination congénitale de la force de ces instruments menace la sécurité juridique des entreprises".
SOURCES:CJUE, 2ème chambre, affaire C-226/11 13 décembre 2012 Expedia
Bulletin rapide de droit des affaires 24/12, Francis Lefevre, "Ententes illicites: accords d'importance mineure".
Village de la Justice, "Entente anticoncurrentielle : risque de sanction par les autorités nationales", par Grit Karg Rechtanswältin et Stephan Lesage-Mathieu, avocat
LegalNews, "CJUE: affaire SNCF contre Expedia",4 mars 2013
Dalloz, "La Communication de minimis : un acte, a minima, doté d'une force obligatoire", Catherine Vincent
Chloé RAMA, Eurojuris France
Cet article n'engage que son auteur.
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