L’employeur engage sa responsabilité pénale en cas de visite médicale d’embauche non effectuée
Publié le :
06/04/2016
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Le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail (Article R. 4624-10 du code du travail).Cette visite médicale doit être organisée le plus rapidement possible car elle permet de vérifier l’aptitude du salarié à son poste de travail et préserver ainsi sa santé et sa sécurité.
La chambre sociale de la Cour de cassation a depuis longtemps jugé que le manquement de l’employeur, quel qu’en soit la raison, cause nécessairement un préjudice au salarié dont il peut solliciter l’indemnisation (Cass. Soc., 5 octobre 2010, n° n°09-40913 ; Cass Soc., 12 février 2014, n°12-26241).
De ce fait, le salarié n’a pas à démontrer qu’il subit un préjudice et peut se contenter de prouver l’absence de visite médicale.
Cette obligation dont le manquement est sévèrement sanctionné découle en effet directement de l’obligation générale de sécurité de résultat qui incombe à chaque employeur :
« Ne pas organiser les visites médicales constitue un manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité de résultat susceptible de justifier la prise d’acte de la rupture ou la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié » (Cass. Soc., 22 septembre 2011, n° 10-13568).
Or, l'employeur qui ne satisfait pas à son obligation générale de sécurité de résultat engage sa responsabilité civile et le cas échéant sa responsabilité pénale lorsqu’une infraction aux règles de sécurité est caractérisée (Art. L. 4741-1 : punie d'une amende autant de fois qu'il y a de salariés dans l'entreprise concernés par l'infraction).
En outre, l’article R. 4745-3 dispose que le fait d'embaucher un salarié sans faire procéder à cet examen médical constitue une infraction réprimée par une contravention de 5e classe.
Dès lors, il était inévitable que la Chambre criminelle se range derrière la position de la chambre sociale et juge que l’employeur est tenu d’organiser la visite médicale d’embauche et également de veiller à ce que la visite médicale soit bien assurée par le service de santé au travail, même pour les salariés recrutés pour une courte durée. A défaut, il engage sa responsabilité pénale (Cass. Soc., 12 janvier 2016, n°14-87.695).
L’intérêt de cet arrêt ne repose pas tant sur l’engagement de la responsabilité pénale de l’employeur (légalement prévue) que sur l’absence quasi-totale de moyen d’exonération.
En effet, pour tenter de s’exonérer de sa responsabilité, l’employeur faisait valoir devant la Cour de cassation qu’il avait procédé aux déclarations uniques d’embauche et par ce biais aux demandes d’examen médical d’embauche et a donc respecté les obligations légales et réglementaires mises à sa charge ; et qu’il ne saurait être tenu pour responsable de l’absence de diligence du service de santé au travail pour convoquer les salariés avant la fin de la période d’essai.
La Cour de cassation a rejeté cette argumentation et a rappelé que l’employeur est tenu, certes, d’organiser la visite médicale mais également de s’assurer de son effectivité.
L’article R 4624-12 du code du travail restreint, en effet, les dérogations à l’obligation d’organiser cette visite médicale à des cas très particuliers :
« Sauf si le médecin du travail l’estime nécessaire ou lorsque le salarié en fait la demande, un nouvel examen médical d’embauche n’est pas obligatoire lorsque les conditions suivantes sont réunies :
1° Le salarié est appelé à occuper un emploi identique présentant les mêmes risques d’exposition ;
2° Le médecin du travail intéressé est en possession de la fiche d’aptitude établie en application de l’article R. 4624-47 ;
3° Aucune inaptitude n’a été reconnue lors du dernier examen médical intervenu au cours :
a) Soit des vingt-quatre mois précédents lorsque le salarié est à nouveau embauché par le même employeur ;
b) Soit des douze derniers mois lorsque le salarié change d’entreprise. »
Et l’article D. 4625-22 ajoute :
« Un examen médical d'embauche est obligatoire pour les salariés saisonniers recrutés pour une durée au moins égale à quarante-cinq jours de travail effectif sauf en ce qui concerne les salariés recrutés pour un emploi équivalent à ceux précédemment occupés si aucune inaptitude n'a été reconnue lors du dernier examen médical intervenu au cours des vingt-quatre mois précédents.
Pour les salariés saisonniers recrutés pour une durée inférieure à quarante-cinq jours, le service de santé au travail organise des actions de formation et de prévention. Ces actions peuvent être communes à plusieurs entreprises. »
Si la chambre répressive a relevé que les contrats d’hôtes en cause dans l’arrêt évoqué étaient parfaitement similaires aux contrats saisonniers, ils ne pouvaient faire l’objet d’une exonération car les conditions pour une dispense de peine n’étaient pas réunies.
Ainsi, hors les cas spécifiques légalement prévus, l’employeur devra faire preuve d’une vigilance accrue pour ne pas voir sa responsabilité pénale engagée. En effet, ni la défaillance du service de santé, ni la courte durée des contrats de travail, ni même le refus du salarié de se présenter à la visite (Cass. Crim., 4 mai 1976, Morel) n’auront pour effet d’exonérer l’employeur de sa responsabilité.
Cette solution est indéniablement préjudiciable à l’employeur qui doit atteindre un résultat dont la réalisation ne dépend pas uniquement de lui…
Ceci étant, en cas de défaillance, l’employeur pourra toujours engager la responsabilité civile contractuelle de du service de santé ainsi que l’a déjà jugé la Cour de cassation :
« Mais attendu qu'ayant constaté que l'association n'avait procédé qu'à un seul des examens médicaux périodiques et n'avait pas respecté le délai de visite annuelle pour quatre des salariés, puis exactement relevé que la situation résultant de ces défaillances d'un service de santé au travail dans l'exécution de sa mission constituait une infraction pénale commise par l'employeur, qui se trouvait également confronté à un déficit d'informations déterminantes pour l'accomplissement des actions de prévention et le respect des obligations qui lui, a pu en déduire que la société avait subi un préjudice en rapport avec l'insuffisance des examens médicaux et de la surveillance des salariés imputable à l'association, préjudice qu'elle a souverainement évalué à une somme égale au montant de la cotisation annuelle due par l'adhérente, justifiant ainsi légalement sa décision ; » (Cass. 1ère Civ., 19 décembre 2013, n°12-25 056).
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © Chlorophylle - Fotolia.com
Auteur
ANTOINE Alain
Avocat Associé
Alain ANTOINE
SAINT-PAUL (974)
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