Les chauffeurs de VTC, salariés ou indépendants?
Publié le :
03/09/2015
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Une décision d'un juge californien nous conduit à nous interroger sur le statut des chauffeurs de VTC (en l'espèce affiliés au groupe UBER). Au départ UBER est une application informatique ou s'inscrivent des chauffeurs indépendants disposant de leur véhicule et des clients recherchant une course. UBER met un contact l'un avec l'autre et ils font affaire.
Le juge fédéral du district nord de Californie a décidé, mardi 1er septembre, de permettre une class action, par quatre chauffeurs contestant leur statut de travailleur indépendant, estimant qu’ils sont assimilés à des salariés.
Il s'agit d'une procédure américaine qui n'est pas arrivée à son terme et qui ne nous intéresse pas directement. Cependant le problème mérite d'être posé au regard du droit du travail français. Car la requalification des contrats des chauffeurs VTC indépendants, intervenants à partir d'une plateforme informatique, en contrat salarié, aurait vraisemblablement la peau du système.
Revenons en France et rappelons le principe de base du droit du travail applicable sous notre longitude:
Le salarié est une personne physique qui s'engage à accomplir un travail reçu de son employeur, qui est soumis au pouvoir de l'employeur (instruction, gestion, discipline), c'est ce que l'on appelle le lien de subordination, et qui perçoit une rémunération en contrepartie.
Voyons ce que nous dit la société X, de droit européen, responsable d'un site internet mettant en liaison les clients et les chauffeurs.
Le client contacte le site X, demande un chauffeur pour une course donnée. X met un chauffeur disponible en contact avec le client. Le chauffeur tient son travail de la plateforme informatique mise en place par X. Ici il semble bien que le chauffeur ait la possibilité de ne pas prendre la course, bien que la disponibilité soit encouragée par des primes...
Le chauffeur perçoit évidemment une rémunération pour la course. Sur ce point il faut relever que c'est X qui émet la facture (le terme de "reçu" est utilisé par le contrat de partenariat X). Et plus fort c'est X qui encaisse le prix de la course pour le compte du chauffeur nous dit-on. X restitue alors le prix au chauffeur déduction faite de sa commission et de ses frais. X fixe un barème disponible sur son site. Il est vrai que selon le contrat de partenariat, le chauffeur reste libre de facturer moins, mais pas plus. Dans les faits, de la FAQ des chauffeurs aux conditions générales des clients c'est bien X qui fixe fermement le prix.
Quand à l'existence d'un lien de subordination, X s'en défend dans son contrat. Cependant il est prévu explicitement dans le contrat X que la propreté du véhicule est assurée à tout moment, qu'il doit être en bon état de marche, et qu'il doit être conforme aux normes de sécurité du secteur. Jusque là on peut concevoir que des partenaires économiques imposent certaines règles nécessaires à un bon commerce. Mais la suite est plus problématique puisque X prévoit que le chauffeur et le véhicule se conforment à tout moment aux normes de qualité fixées par X. Et X s'octroie le droit de surveiller le trajet du chauffeur par géolocalisation par l'intermédiaire de son application et d'un GPS. Il est prévu que ces données pourront servir à instruire des réclamations clients. X se réserve le droit de sanctionner de façon discrétionnaire le chauffeur en cas de non respect des règles X, sans qu'une procédure contradictoire ne soit réellement proposée (l'obligation de saisir, en anglais, la Cour Internationale d'Arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale à Amsterdam doit bien faire rire le chauffeur Corrézien!).
Et X va jusqu'à interdire au chauffeur de conserver les coordonnées du client, ce qui revient à interdire la constitution d'une clientèle pourtant élément essentiel d'un professionnel indépendant.
Ainsi la question semble bien ouverte. Incontestablement X fournit le travail au chauffeur, mais celui-ci semble pouvoir le refuser. Sans doute sur ce point faudrait-il se pencher sur les faits.
X sert aussi d'intermédiaire pour le paiement, et surtout fixe les prix.
X impose ses normes de fonctionnement aux chauffeurs à la fois dans la qualité, le type du véhicule, et dans la gestion des courses. Elle s'octroie contractuellement un pouvoir disciplinaire prévoyant une échelle de sanction.
Il existe donc en France de fortes présomptions de contrat salarié entre le chauffeur et X. D'ailleurs X n'en doute pas puisqu'il est prévu dans le contrat qu'en cas de requalification le salarié devra rembourser à X les charges sociales mises à la charge de X!
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © pixarno - Fotolia.comPour ceux qui ne se souviennent pas de ce qu'est UBER rappelons qu'il s'agit de ce service mettant en relation des chauffeurs avec véhicule prenant en charge des personnes voulant se rendre d'un point A à un point B. C'est ce service qui vient de défrayer la chronique en France par l'opposition virulente des TAXIS.
Auteur
DAURIAC Eric
Avocat Associé
DAURIAC, PAULIAT-DEFAYE, BOUCHERLE, MAGNE, Invités permanents : anciens présidents
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