Les droits successoraux de l'enfant adultérin
Publié le :
05/03/2013
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La CEDH dans un arrêt du 7 février affirme que la différence de traitement d'un enfant adultérin sollicitant une part de l'héritage maternel consiste en une violation combinée de l'article 14 de la CESDH et de l'article 1er du protocole 1.
L'arrêt de la CEDH Fabris c. France du 7 février 2013L'arrêt
C'est par un arrêt de sa Grande chambre (7 février 2013), que la Cour européenne des Droits de l'Homme a condamné la France pour violation de l'article 14 de la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales (interdiction de la discrimination), combiné avec l'article 1 du Protocole n° 1 (protection de la propriété) de la même Convention, estimant que le refus d'accorder à un enfant adultérin les droits successoraux auxquels il pouvait prétendre en vertu d'une nouvelle loi était injustifié.
La Cour estime que le but légitime de protection des droits successoraux du demi-frère et de la demi-sœur du requérant ne prévalait pas sur la prétention du requérant d'obtenir une part de l'héritage de sa mère et que la différence de traitement à son égard était discriminatoire, n'ayant pas de justification objective et raisonnableCe qui a été sanctionné ...Ce n'est pas la discrimination - cela l'avait été avant avec l'arrêt Mazurek cité infra - mais les mesures transitoires que la France avait cru devoir prendre à la suite de ce dernier arrêt. Dans l'affaire ayant fait l'objet de l'arrêt du 7 février, le requérant alléguait avoir subi, dans le cadre de la succession de sa mère, une discrimination fondée sur la naissance dû à son statut d'enfant adultérin. Il sollicitait le bénéfice, dans le cadre de sa demande de réduction de la donation-partage et d'une part réservataire égale à celle des donataires, enfants légitimes, des dispositions transitoires de la loi n° 2011-1135 du 3 décembre 2001, accordant aux enfants adultérins des droits successoraux identiques à ceux des enfants légitimes, loi adoptée à la suite de l'arrêt Mazurek (CEDH, 1er févr. 2000, Mazurek C/ France).La Cour de cassation (1e civ., 14 nov. 2007, n° 06-13.806) avait estimé qu'en application des dispositions transitoires de la loi du 3 décembre 2001 les nouveaux droits successoraux des enfants adultérins n'étaient applicables qu'aux successions ouvertes et non encore partagées avant le 4 décembre 2001 ; or, en l'espèce (Fabris), le partage successoral s'était réalisé par le décès de la mère du requérant en 1994, soit avant le 4 décembre 2001. La Cour européenne de Strasbourg condamne la France (arrêt CEDH, 7 févr. 2013, FABRIS c/ FRANCE, 16574/08), après avoir relevé que c'est uniquement en considération du caractère adultérin de sa filiation que le requérant s'est vu refuser le droit de demander la réduction de la donation-partage faite par sa mère. La Cour retient que sans ce motif discriminatoire le requérant aurait eu un droit sur cette valeur patrimoniale. Pour considérer que la loi du 3 décembre 2001 est applicable, les juges européens estiment que la filiation du requérant était établie au moment de la survenance du partage de la succession en 1994 ; elle en tire la conséquence que les intérêts patrimoniaux du requérant entrent dans le champ d'application de l'article 1 du Protocole n° 1 et du droit au respect des biens qu'il garantit. (Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.) Mais alors à quoi se fier ?Par un arrêt précédent (21 juill. 2011), même affaire, mais émanant de la 5e section de la Cour européenne, cette dite Cour avait jugé que, dans la mesure où le partage successoral a été réalisé avant le 4 décembre 2001, toute action en justice tendant à le remettre en cause est irrecevable. L'atteinte aux droits successoraux de l'enfant né hors mariage est proportionnée au but légitime poursuivi, à savoir la protection de la sécurité juridique et celle des droits acquis de longue date par les enfants nés dans le mariage. L'interprétation donnée par les juges nationaux des dispositions légales n'apparaît pas comme déraisonnable, arbitraire ou en flagrante contradiction avec l'interdiction de discrimination et les principes sous-jacents à la Convention.Cette décision (21 juill. 2011) avait fait l'objet d'un communiqué, en fait une mise au point, de la part de la Cour. La décision était motivée par le fait que l'interprétation faite par la cour d'appel et la Cour de cassation des dispositions légales applicables au litige en cause n'apparaissait pas comme étant déraisonnable, arbitraire ou en flagrante contradiction avec l'interdiction de discrimination établie à l'article 14 et plus largement avec les principes sous-jacents à la Convention.Avec le risque de simplifier à l'extrême, on pourrait conclure en disant que l'arrêt de juillet 2011 voyait les mesures transitoires françaises par rapport à l'article 14 de la Convention (La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation) et que l'arrêt du 7 février 2013 s'attachait au respect du principe ci-dessus rappelé émanant de l'article 1 du Protocole additionnel N° 1.Et les praticiens dans tout cela !Il semble bien qu'il n'y ait qu'une position tenable, celle de retenir que la discrimination entre enfants dont un enfant adultérin (ou plusieurs) est interdite, dès lors que la filiation de ces derniers était établie au moment du partage, sauf si les copartageants ignoraient l'existence de l'enfant adultérin au moment du partage (ce n'était pas le cas dans l'affaire Fabris).En conséquence, un seul principe, celui de l'égalité entre les enfants quelle que soit la nature de leur filiation et ainsi sortie des mesures transitoires ...Déjà entre l'arrêt Mazurek et le second arrêt Fabris, tous les enfants étaient égaux mais certains l'étaient moins que d'autres. C'est fini.OFFICE NOTARIAL DE BAILLARGUES Cet article n'engage que son auteur.
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