Participants aux émissions de télé-réalité : des salariés, oui, mais pas des artistes- interprètes
Publié le :
04/09/2013
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Dans une décision qui a retenu l’attention, la Cour de cassation est revenue sur le statut des participants à une émission de télé-réalité, clôturant ainsi la saga des contentieux de l’émission L’Ile de la tentation.
Sur le statut des participants aux émissions de télé-réalité
Dans une décision qui a retenu l’attention (Cour de cassation, 1ère Civ., 24 avril 2013), la 1ère chambre civile de la Cour de cassation est revenue sur le statut des participants à une émission de télé-réalité, clôturant ainsi la saga des contentieux de l’émission L’Ile de la tentation.
Les participants à l’émission, les désormais fameux « tentateurs », obtiennent la confirmation que leur prestation relevait bien d’une relation de salariat avec la société de production (TF1) et devait donc être régie par les dispositions du Code du travail : sur ce point, peu de surprise puisque la 1ère Chambre civile ne fait en réalité que reprendre la position déjà adoptée dans le passé par la Chambre sociale de la Cour de Cassation (arrêt du 3 juin 2009).
Le milieu professionnel, en particulier les sociétés de production d’émissions de télé-réalité, n’y verra donc qu’une confirmation de ce qu’il savait depuis 2009 : celui-ci a d’ailleurs largement modifié ses pratiques depuis cette date en faisant signer des contrats de travail aux participants. Avec cette nouvelle décision du 24 avril 2013 de la Cour de Cassation, il serait donc, en l’état d’une jurisprudence qui a peu de chance de s’inverser, gravement imprudent d’essayer de produire une telle émission en faisant l’impasse sur la signature de contrats de travail adaptés aux participants à l’émission.
Mais les tentateurs n’étaient pas rassasiés et réclamaient aussi l’application à leur profit du statut d’artiste-interprète au sens du droit de la propriété intellectuelle (1), ce qui pouvait effectivement leur faire espérer, au-delà de leur désormais acquise qualité de salarié, des droits et rémunérations supplémentaires intéressants.
Cette question n’avait pas encore été jugée, en tout cas devant la plus haute juridiction civile française.
C’est désormais chose faite, et c’est d’ailleurs l’intérêt principal de la décision, puisque la Cour tranche, cette fois en la défaveur des participants, et leur dénie la qualité d’artiste-interprète, justifiant sa position par le fait « que les participants à l'émission en cause n'avaient aucun rôle à jouer ni aucun texte à dire, qu'il ne leur était demandé que d'être eux-mêmes et d'exprimer leurs réactions face aux situations auxquelles ils étaient confrontés et que le caractère artificiel de ces situations et de leur enchaînem ent ne suffisait pas à leur donner la qualité d'acteurs. »
Les participants à l’émission soutenaient pourtant qu’il existait une bible « prévoyant le déroulement des journées et la succession d’activités filmées imposées, de mises en scènes dûment répétées », et que le tournage était « sans rapport avec le déroulement habituel de leur vie personnelle ».
Cette décision porte la marque d’une vision assez restrictive de la qualité d’artiste-interprète et d’une volonté de la Cour de Cassation de restreindre l’accès au statut, car s’il est bien connu que le statut d’artiste interprète repose sur l’apport d’une « contribution originale et personnelle » à travers l’interprétation (Cass.1ère Civ.6 juillet 1999), la qualité d’artiste-interprète était surtout niée lorsque la personne agissait « exclusivement dans la réalité de son activité » (voir par exemple, Cass. 1ère Civ, 13 novembre 2008, Etre et Avoir, à propos de l’instituteur filmé dans sa classe).
Or ce n’était le cas ici.
La Cour de Cassation va donc plus loin en expliquant que « le caractère artificiel [des] situations et de leur enchaînement ne suffisait pas à leur donner la qualité d'acteurs » : autrement dit, l’interprétation ne peut être reconnue, pour la Cour de Cassation, lorsqu’il s’agit de filmer une réalité, même artificiellement agencée, la Cour semblant ainsi réserver le statut aux œuvres de pure fiction.
Index:
(1) Pour rappel, le Code de la propriété intellectuelle définit l’artiste-interprète, à l’article L 212-1, comme « la personne qui représente, chante, récite, déclame, joue ou exécute de toute autre manière une œuvre littéraire ou artistique. »
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © Sergey Nivens - Fotolia.com
Auteur
HERPE François
Avocat Associé
CORNET, VINCENT, SEGUREL PARIS, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
PARIS (75)
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