Problème de voisinage

Régime de l’action entre colotis : personnelle ou réelle ?

Publié le : 16/05/2022 16 mai mai 05 2022

Lotir c’est partager une unité foncière unique en plusieurs unités appelées lots. Pour le fonctionnement de cet ensemble dit lotissement des règles doivent être appliquées.
D’abord une autorisation administrative de lotir puis un règlement interne qui n’est pas un règlement de copropriété mais un cahier des charges.

Donc un volet administratif dont la contestation ressort du droit public et des juridictions administratives et un volet civil dont la contestation ressort du droit privé et des juridictions civiles.

Ce dernier aspect soulève encore le point de savoir si une action entre les colotis propriétaires de biens issus de la division est une action contre la personne visée ou contre l’entorse au droit réel qu’elle commet.

Un arrêt de la 3° chambre civile de la Cour de cassation du 6 avril 2022 (n° 21-13891 publié au Bulletin) tranche de manière claire en faveur de la deuxième hypothèse.

Mais ce serait réducteur d’en rester là car la solution de la nature de l’action dépend de l’objet de la réclamation motif de l’action en justice ; et cette action peut être double.

En l’espèce un propriétaire dans un lotissement reproche à son voisin d’avoir construit en limite de leurs propriétés un bâtiment à usage de garage à vélo et d’appentis en violation du cahier des charges.

Il requiert la démolition de l’ouvrage et des dommages-intérêts.

Le voisin argue de la prescription de l’action qu’il considère comme personnelle donc soumise au délai de 5 ans.

La Cour d’appel au visa de l’article 2224 du code civil déboute le demandeur en raison de la survenue de la prescription quinquennale.

La Cour de cassation casse au visa de l’article 2227 qui institue une prescription trentenaire pour les actions réelles immobilières.

En effet elle juge – à juste titre – que : « L'action tendant à obtenir la démolition d'une construction édifiée en violation d'une charge réelle grevant un lot au profit des autres lots en vertu d'une stipulation du cahier des charges d'un lotissement est une action réelle immobilière soumise à la prescription trentenaire. »

Par contre comme le demandeur sollicite réparation de son préjudice elle énonce par ailleurs que : « L'action en réparation du préjudice personnel que prétend avoir subi le propriétaire d'un lot en raison de la violation des stipulations du cahier des charges est une action personnelle soumise à la prescription quinquennale. »

En cela la Cour de cassation confirme sa jurisprudence retenant la prescription trentenaire pour toute action d’un coloti fondée sur la violation d’une clause du cahier des charges d’un lotissement (Cass. civ. 3, 28 janvier 2014, n°12-24453, 12 janv. 2005, n° 03-17.194, 20 déc. 2000, n° 99-14.372 et bien d’autres antérieurs : à ce sujet voir Dalloz Actualité : « Nature de l’action en démolition d’une construction contraire au cahier des charges d’un lotissement » par Camille Dreveau, Maître de Conférences à Tours).

S’en tenir là serait insuffisant car encore faut-il que la clause du cahier des charges entraine un droit réel comme une servitude (pour une servitude non aedificandi voir ordonnance CME CA Aix-en-Provence, 08-06-2021, n° 20/10157) et tout coloti a le droit de demander la démolition de la construction édifiée en contravention avec la clause du cahier des charges, sans même justifier d’un préjudice (Chambre civile 3, 12 février 2008, 06-20.185,lapidaire).
Mais le demandeur peut aussi demander des dommages-intérêts en raison du préjudice que lui cause la violation de la clause instituant un droit réel comme une construction illicite.

A ce moment-là il exerce une action personnelle contre le fauteur de trouble et la prescription y applicable est celle de l’article 224 du code civil soit cinq ans.


Cet article n'engage que son auteur.
 

Auteur

PROVANSAL Alain
Avocat Honoraire
PROVANSAL AVOCATS ASSOCIES
MARSEILLE (13)
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