Qu'en est-il de la rémunération de l’agent immobilier évincé de la vente alors qu’il avait présenté le bien aux acquéreurs ?
Publié le :
12/12/2017
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2017
Acheteurs : le simple fait de rechercher une économie en contractant directement avec les vendeurs dans le but de payer un prix moindre ne peut engager leur responsabilité.
Les faits de l’espèce sont simples, une agence immobilière reçoit un mandat non exclusif de vente pour un bien, les « frais d’agence » sont à la charge du couple vendeur.
L’agent immobilier consciencieux présente à des acquéreurs ledit bien qui leur plait et pour lequel ils font une offre d’achat écrite en deçà du mandat. Les propriétaires, contactés au téléphone par l’agence, et sans connaitre l’identité de l’émetteur de l’offre, refusent.
Le bon de visite signé par les offrants ne comporte aucune clause qui obligerait ces derniers à acquérir le bien obligatoirement et expressément par son intermédiaire.
Quelque jours après, les potentiels acquéreurs entrent alors directement en contact avec les acquéreurs et passent un sous seing devant Notaire en direct avec les vendeurs à un prix proche mais sans commission d’agence.
Au moment où ils signent la promesse d’achat, les vendeurs ignorent totalement que ce sont les mêmes acquéreurs à qui l’agence avait présenté le bien.
Ce n’est que postérieurement à la signature de la promesse d’achat que l’agence adresse l’offre écrite en RAR aux vendeurs qui apprennent alors seulement l’identité des rédacteurs de l’offre.
L’agence demande aux vendeurs à réitérer l’acte en sa présence. Ce qui est refusé.
L’agent immobilier assigne alors les vendeurs sur la responsabilité contractuelle en vertu du mandat rédigé ainsi qu’il suit :
"De condition expresse et à titre de condition essentielle sans laquelle le mandataire n'aurait pas accepté la présente mission, le mandant s'interdit pendant la durée du mandat et pendant une période de 12 mois suivant son expiration, de traiter directement avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ou ayant visité les locaux avec lui ...
En cas de non respect des obligations énoncées ci-avant ... il (le mandant) s'engage à verser expressément au mandataire, en vertu des articles 1142 et 1152 du code civil, une indemnité compensatrice forfaitaire égale au montant de la rémunération prévue au recto ".
Elle assigne également les acquéreurs mais sur la responsabilité délictuelle.
L’agence demande leur condamnation conjointe et solidaire du montant de la commission outre dommages intérêts et art 700.
Elle obtient condamnation solidaire avec exécution provisoire du paiement de sa commission et un article 700 en 1ère instance.
Les vendeurs font appel.
La décision est infirmée par le Cour d’appel de PAU qui déboute l’agence de toutes ses demandes et la condamne à régler un article 700 aux vendeurs et aux acquéreurs.
La Cour écarte la responsabilité des vendeurs qui, ignorant l’identité des visiteurs de leur biens, ont agi de bonne foi en acceptant une offre en direct de ces mêmes visiteurs.
L’agence forme un pourvoi.
Mais se désiste ensuite de son pourvoi à l’égard des vendeurs, poursuivant contre les acquéreurs sur la responsabilité délictuelle.
La Cour de Cassation dans un arrêt du 6 décembre 2017 rejette le pourvoi, c’est à juste titre que la Cour d’appel a refusé d’engager la responsabilité délictuelle des acquéreurs, énonçant que le simple fait de rechercher une économie en contractant directement avec les vendeurs dans le but de payer un prix moindre ne peut engager leur responsabilité.
Les choses auraient été différentes si le bon de visite avait comporté une interdiction de contracter en direct avec les vendeurs du bien ou si l’agent immobilier avait informé en temps et en heure les vendeurs de l’identité des émetteurs de l’offre.
Cass, 1ière Civ, 6 décembre 2017, 16-15.249 :
Mais attendu qu’après avoir retenu qu’aucune faute ne peut être imputée aux mandants qui ignoraient, lorsqu’ils ont conclu l’acte de vente, qu’ils contractaient avec des acquéreurs ayant visité les locaux et formulé une première offre d’achat par l’entremise de l’agent immobilier, l’arrêt écarte l’existence d’une collusion entre les parties à la vente et énonce que, le seul fait d’agir dans le sens exclusif de ses propres intérêts ne suffisant pas à caractériser une faute ou une fraude aux droits d’un tiers, rien n’interdisait aux acquéreurs d’entrer directement en contact avec les mandants pour leur proposer une nouvelle offre, serait-ce dans le but de payer un prix moindre, notamment du fait de l’absence de commission d’agence ; que la cour d’appel a pu en déduire que la responsabilité délictuelle des acquéreurs n’était pas engagée.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © Fabio Balbi
Auteur
MICHELOT Nicolas
Avocat Associé
ALQUIE - membre du GIE AVA , Membres du Bureau
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