
Un établissement de santé privé est-il responsable en cas de chute d’un patient de son lit ?
Publié le :
29/11/2022
29
novembre
nov.
11
2022
Une patiente âgée de plus de 83 ans a été hospitalisée dans une clinique pour y subir des examens cardiologiques. Dans la nuit, sans demander d’assistante, la patiente s’est levée pour aller aux toilettes, s’est pris les pieds dans le fil du moniteur et s’est fracturée le genou et le poignet.La patiente et ses ayants-droits ont alors assigné la clinique en responsabilité pour manquement à son obligation de surveillance et de sécurité devant les juridictions civiles.
Un établissement de santé peut-il être automatiquement condamné pour manquement à son obligation de surveillance et de sécurité en cas de chute d’un patient ?
Pour rappel, conformément à l’article 1231-1 du Code civil[1] : « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure. »Par ailleurs, l’article L1142-1 1° du Code de la santé publique dispose que la responsabilité des établissements de santé ou de leurs préposés ne peut être mise en œuvre qu’en cas de faute.
Lorsqu’un patient est hospitalisé au sein d’une clinique, il signe un contrat prévoyant les obligations de l’établissement liées aux prestations d’hébergement.
A cet égard, l’établissement de santé n’est tenu en principe qu’à une obligation de sécurité de moyen et ne pourra voir sa responsabilité engagée qu’en cas de faute et la charge de la preuve incombe au demandeur, soit généralement au patient ou à ses ayants-droits.
En l’espèce, la clinique avait-elle commise un manquement à son obligation de surveillance ayant entraîné la chute de la patiente ?
La patiente aurait reconnu auprès des personnels soignants avoir commis une « bêtise » en voulant se lever toute seule. Les ayants droits avaient quant à eux versés aux débats un courrier de la fille de la patiente, adressé au directeur de la clinique postérieurement à la chute, faisant état d’une prétendue « maltraitance » à l’encontre de sa mère qui l’aurait conduite à se lever seule.Le Tribunal Judiciaire, tout comme la Cour d’appel de Reims, ont jugé que si la patiente était certes âgée de 83 ans, elle était valide, en pleine capacité de ses facultés mentales et physiques, ne nécessitant aucune surveillance spécifique ou la mise en place de matériel adapté ni de mesures de contention.
Par conséquent, la clinique avait satisfait à son obligation de moyen au regard des conditions d’hospitalisation de la patiente.
Les ayants-droits de la patiente ont alors formé un pourvoi en cassation en estimant que la Cour d’appel n’avait pas donné de base légale à sa décision en violation des articles 1147 du Code civil dans sa rédaction applicable au litige et à l’article L.1142-1-1 du Code de la santé publique.
Selon eux, la Cour d’appel n’aurait pas recherché si la clinique avait bien pris toutes les mesures de précaution au regard de l’appareillage médical qui entravait la liberté de mouvement de la patiente.
Par ailleurs, alors que le juge a l’obligation de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis, la Cour d’appel aurait dénaturé par omission le courrier versé aux débats par les ayants droits de la patiente.
La Cour de Cassation (Cour de cassation, Chambre civile 1, 5 octobre 2022, 21-19.009, Inédit) a rejeté le pourvoi en estimant que le moyen n’était pas fondé.
En effet, la Cour d’appel, qui n’est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire, sans aucune dénaturation, que la clinique n’avait pas commis de faute.
Par conséquent, un établissement de santé privé ne saurait être tenu responsable de la chute d’un patient si la surveillance mise en œuvre était adaptée à l’état de la patiente.
En revanche, la clinique aurait pu être condamnée si les antécédents, la pathologie ou l’état mental d’un patient aurait pu conduire la clinique à prendre des dispositions préventives, telles que par exemple la mise en place de barrières de lit, afin d’éviter toute chute[2].
Toutefois, il convient de rappeler que certains patients tentent d’enjamber les barrières de lit ce qui peut aggraver les conséquences d’une éventuelle chute.
Enfin, les mesures de contention, qui peuvent être considérées comme attentatoires à la dignité et à la liberté du patient, ne doivent être mises en place que lorsqu’une surveillance accrue du patient s’impose à l’établissement de santé.
Cet article n'engage que son auteur.
Index :
[1] Anciennement article 1147 du Code civil
[2] Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 4 mai 2017, n° 16/02216 ou Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 2 juillet 2014, 13-19.093
Auteur

VUCHER-BONDET Aurélie
Avocate Associée
CORNET, VINCENT, SEGUREL PARIS
PARIS (75)
Historique
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