Restitution de locaux par le locataire dans un état non conforme à ses obligations : quel est le montant des dommages-intérêts ?
Publié le :
28/08/2024
28
août
août
08
2024
La fin des rapports contractuels entre un bailleur et un locataire commercial est souvent source de conflit. Le bailleur espère récupérer son bien en bon état.Le locataire, quant à lui, espère récupérer son dépôt de garantie sans aucune imputation d’éventuels travaux de remise en état.
Comment la Cour de cassation apprécie-t-elle le montant des sommes que peut conserver le bailleur afin de remettre le bien en état ?
La Cour de cassation a rendu trois arrêt le même jour en date du 27 juin 2024 pour permettre de mieux cerner la problématique (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 27 juin 2024, n° 22-10.298 ; n° 22-21.272 et n° 22-24.502)Suffit-il de constater la non-restitution du local en bon état tel que prévu dans le bail, pour justifier de l’allocation de dommages-intérêts au profit du bailleur ?
La jurisprudence a d’abord été fluctuante.
Dans un arrêt publié le 30 janvier 2022 (n° 00.15.784), la Cour de cassation avait estimé que si les locaux n’étaient pas rendus en bon état et conformément aux clauses contractuelles, le bailleur avait droit à une indemnité, peu importe si celui-ci avait ou pas effectué les réparations ou s’il justifiait d’un préjudice.
Cette jurisprudence a fait couler beaucoup d’encre.
On vise ici l’hypothèse d’un bailleur qui récupère son bien en mauvais état et qui, pour une raison indéterminée, le cède sans subir véritablement de préjudice sur la valeur du bien et sans effectuer les travaux.
Dans un second arrêt rendu cette fois-ci en assemblée plénière le 3 décembre 2003 (n° 02-18.033), la Cour de cassation a procédé à un revirement.
Elle a affirmé que des dommages-intérêts ne pouvaient être alloués que s’il était constaté l’existence d’un préjudice d’ordre contractuel.
Dès lors qu’un bailleur reloue les locaux à un locataire qui les a réaménagés sans que ce bailleur n’ait contribué ou déboursé quoi que ce soit pour effectuer des travaux, celui-ci n’a pas subi de préjudice et ne doit pas recevoir réparation.
C’est cette jurisprudence qui date de 2003 que la Cour de cassation a conforté par trois arrêts du 27 juin 2023.
Il faut rappeler que l’article 1732 du Code civil instaure une présomption simple de faute du locataire.
Il lui appartient de démontrer qu’il restitue le bien en bon état ou conformément à ce que prévoit le contrat.
L’article 1732 n’instaure pas de présomption d’existence de préjudice.
De même, l’article 1231-2 du Code civil pose le principe de réparation intégrale du préjudice en estimant que les dommages-intérêts dus au créancier doivent correspondre à la perte qu’il a faite et au gain dont il a été privé.
Dans la majorité des cas, le bailleur subit effectivement un préjudice qui correspond au coût de la remise en état des locaux, voire un préjudice d’immobilisation de son bien ou un préjudice de moins-value à la revente ou à la relocation compte tenu de l’état des locaux.
Si effectivement le bailleur n’assume pas le coût des travaux de remise en état dont il demande l’indemnisation, le juge doit évaluer le préjudice au jour où il statue et n’indemniser le bailleur que du préjudice qu’il subit.
Ainsi, le préjudice doit être calculé par le juge en prenant en compte les circonstances postérieures à la libération des locaux, telles que la relocation, la vente ou la démolition.
Il n’y a pas d’allocation automatique de dommages-intérêts.
Cette jurisprudence de 2003, confortée par celles de 2024, est totalement dans la logique du droit commun de la réparation en matière de responsabilité civile et il faut donc s’en féliciter.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
MEDINA Jean-Luc
Avocat Associé
CDMF avocats , Membres du conseil d'administration
GRENOBLE (38)
Historique
-
Appréciation du caractère apparent du désordre à la réception et garantie décennale : la rigueur se confirme !
Publié le : 11/09/2024 11 septembre sept. 09 2024Particuliers / Patrimoine / ConstructionEntreprises / Gestion de l'entreprise / Construction ImmobilierIl est constant que le maître d’ouvrage ne peut pas rechercher la responsabilité décennale du constructeur au titre d’un désordre qui était apparent à la r...
-
Bail commercial : Droit de préférence et vente judiciaire
Publié le : 02/09/2024 02 septembre sept. 09 2024Entreprises / Gestion de l'entreprise / Construction ImmobilierPar un arrêt du 13 juin 2024 (n°23-13.728), la troisième chambre de la Cour de cassation a jugé que le droit de préférence du locataire commercial ne s’app...
-
Avocat Construction - Rennes
Publié le : 02/09/2024 02 septembre sept. 09 2024Offres d'emploi EUROJURISLe cabinet d'avocats ANTARIUS AVOCATS recrute un(e) avocat(e) en droit immobilier pour son cabinet de Rennes. Pratique de la matière appréciée (c...
-
Assurance construction : activités déclarées et activités accessoires
Publié le : 02/09/2024 02 septembre sept. 09 2024Particuliers / Patrimoine / ConstructionEntreprises / Gestion de l'entreprise / Construction ImmobilierLes propriétaires d’une maison d’habitation ont confié à une entreprise la fourniture et l’installation d’un poêle à bois, qui a sous-traité la pose du con...
-
Restitution de locaux par le locataire dans un état non conforme à ses obligations : quel est le montant des dommages-intérêts ?
Publié le : 28/08/2024 28 août août 08 2024Entreprises / Gestion de l'entreprise / Construction ImmobilierLa fin des rapports contractuels entre un bailleur et un locataire commercial est souvent source de conflit. Le bailleur espère récupérer son bien en bon é...
-
Irrégularité d’une méthode de notation des offres basée sur les rangs de classement
Publié le : 22/08/2024 22 août août 08 2024Collectivités / Marchés publics / Procédure de passationLa liberté dont disposent les acheteurs et les autorités concédantes en matière de méthode de notation des offres dans le cadre de la passation des contrat...
-
Précisions du Conseil d’État sur la prescription de l’action en garantie décennale
Publié le : 21/08/2024 21 août août 08 2024Collectivités / Contentieux / Tribunal administratif/ Procédure administrativeDans un arrêt du 7 juin 2024 Communauté de communes des Pays du Sel et du Vermois (n° 472662), le Conseil d’État a apporté des précisions sur le régime de...