Revirement jurisprudentiel en matière d’action individuelle concernant la propriété ou la jouissance d’un lot ?

Publié le : 10/05/2016 10 mai mai 05 2016

L’article 15 al.2 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que « tout copropriétaire peut (…) exercer seul les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot, à charge d’en informer le syndic ».Ainsi, l’article 51 du décret du 17 mars 1967 prévoit que la « copie de toute assignation délivrée par un copropriétaire » dans le cadre de l’action visée à l’article 15 al.2, doit être « adressée par l’huissier au syndic par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ».

L’objectif de ce texte est avant tout d’informer le syndicat de l’existence d’une procédure engagée individuellement par un copropriétaire afin qu’il puisse juger de l’opportunité de s’y associer éventuellement en y intervenant volontairement.

Or, la cour de cassation avait toujours considéré que l’inaccomplissement de cette formalité n’entraînait pas l’irrecevabilité de l’action engagée individuellement par le copropriétaire (1).


L’arrêt du 14 janvier 2016 (Civ 3ème, 14 janvier 2016 – n° 14-25.538) présentement commenté pourrait, à ce titre, être interprété comme constituant un revirement jurisprudentiel…

En l’espèce, un copropriétaire avait réalisé, sans aucune autorisation de l’assemblée générale, des travaux modificatifs de la toiture et de la façade de la copropriété.

Devant l’inertie du syndicat de copropriétaires, qui n’entendait manifestement pas réagir à cette atteinte flagrante portée aux parties communes, un autre copropriétaire a pris l’initiative d’engager la procédure pour solliciter la remise en état de ces travaux irréguliers.

Aux termes d’un arrêt en date du 13 août 2014, la cour d’appel de DOUAI a estimé que son action était irrecevable, aux motifs qu’il ne démontrait pas en avoir informé l’administrateur provisoire de la copropriété, et qu’il ne justifiait pas, de surcroît, d’un préjudice personnel distinct de celui éprouvé par la collectivité des copropriétaires.

L’absence de démonstration d’un préjudice personnel ne pouvait, à l’évidence, convaincre la cour de cassation, puisqu’il est aujourd’hui établi que chaque copropriétaire a le droit d’exiger le respect du règlement de copropriété ou la cessation d’une atteinte aux parties communes par un autre copropriétaire, sans être astreint à démontrer qu’il subirait un préjudice distinct de celui subi par la collectivité des membres du syndicat (2).

La cour de cassation a donc logiquement censuré la décision de la cour d’appel.

Mais, alors qu’elle aurait pu parfaitement s’en tenir à cette constatation, elle a cru devoir ajouter que l’administrateur provisoire de la copropriété avait, en l’espèce, été informé de l’action engagée individuellement par le copropriétaire demandeur…

Est-ce à dire que l’action engagée par ce copropriétaire aurait été irrecevable dans le cas contraire ?



Le fait que la cour de cassation ait fait référence à l’obligation d’information du syndic prévue par l’article 15 al.2 de la loi du 10 juillet 1965 est d’autant plus surprenant qu’il s’agissait ici, non d’une action « concernant la propriété ou la jouissance » d’un lot de copropriété (comme cela aurait par exemple été le cas si le copropriétaire avait entendu faire cesser un trouble à la jouissance de ses parties privatives ou d’une partie commune à usage privatif), mais d’une action en cessation sanctionnant une atteinte portée à des parties communes.

Ce type d’action, consistant à demander la remise en état des parties communes, ne nécessitait donc pas que le syndic en soit informé dans les conditions des articles 15 al.2 de la loi du 10 juillet 1965 et 51 du décret du 17 mars 1967.

En réalité, sa recevabilité était normalement subordonnée à la mise en cause du syndicat (3), ce que le copropriétaire demandeur avait, en l’espèce, omis de faire… !



Index:

1. Civ 3ème, 26.11.1975 ; Civ 3ème, 30.03.1978 ; Civ 3ème, 28.11.1978 ; Civ 3ème, 28.01.1981 ; CA Paris, pôle 4, 2e ch., 17.09.2012

2. Civ 3ème, 17.10.12, n° 11-18.439

3. Civ 3ème, 30.06.2009, n° 08-14.908 ; CA Paris, pôle 4, 2e ch., 03.04.2013, n° 11/20385.



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Olivier Le Moal - Fotolia.com

Auteur

MASSON Marien
Juriste
CDMF avocats , Membres du conseil d'administration
GRENOBLE (38)
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