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La rupture conventionnelle dans la fonction publique : mode d’emploi

Publié le : 03/02/2020 03 février févr. 02 2020

Avec plus de 400.000 ruptures conventionnelles enregistrées chaque année dans le secteur privé, les employeurs et agents publics attendaient depuis onze ans la transposition dans le secteur public d’une sortie à l’amiable des relations de travail.
Cette séparation d’un commun accord est désormais possible pour les fonctionnaires et contractuels en CDI des trois versants de la fonction publique via l’expérimentation d’un dispositif de rupture conventionnelle applicable du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2025.
 
L’article 72 de la loi  n°2019-828 de transformation de la fonction publique permet ainsi à l’administration et au fonctionnaire de « convenir en commun des conditions de la cessation définitive des fonctions, qui entrainent radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire ».
 
Cette rupture conventionnelle, fortement inspirée de la procédure existante depuis 2008 dans le secteur privé, permet enfin aux agents publics de négocier leur cessation de fonction, tout en touchant une indemnité de départ et en pouvant bénéficier d’une assurance chômage, comme le prévoit le IV de l’article 72 de la loi précitée.
 
Ce nouvel outil juridique s’avère précieux et innovant en droit de la fonction publique, et permet un départ négocié assorti de garantie pour l’agent public, en évitant les longs contentieux à l’issue incertaine en matière de licenciement et révocation.
 
Les deux décrets d’application relatifs à la procédure et au montant de l’indemnité de rupture conventionnelle ont finalement été publiés au journal officiel du 1er janvier 2020 et ont ainsi livré le mode d’emploi de ce divorce à l’amiable. 
 

Qui peut signer une rupture conventionnelle ?

La rupture conventionnelle est ouverte aux fonctionnaires titulaires de la fonction publique d’Etat, territoriale et hospitalière, aux agents contractuels bénéficiaires d’un contrat à durée indéterminée dans les trois fonctions publiques, ainsi qu’aux ouvriers de l’Etat et aux praticiens en contrat à durée indéterminée des établissements publics de santé.
 
En revanche, la rupture conventionnelle ne s’applique pas aux fonctionnaires stagiaires, aux fonctionnaires ayant atteint l’âge légal de la retraire et justifiant d’une durée d’assurance suffisante pour obtenir la liquidation d’une pension de retraite au pourcentage maximal, ni aux fonctionnaires détachés en qualité d’agents contractuels.
 
Par ailleurs, les textes n'imposent pas que l'agent soit en position d'activité pour signer une rupture conventionnelle, et une analyse de la jurisprudence judiciaire laisse constater que les ruptures de salariés en arrêt maladie, congé maternité sont permises par la Cour de cassation (sauf si le salarié démontre un vice du consentement).

Quelle est la procédure à suivre pour conclure une rupture conventionnelle ?

La procédure de la rupture conventionnelle peut être engagée à l’initiative de l’agent ou de l’administration et ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.
 
- L’article 2 du décret n°2019-1593 du 31 décembre 2019 prévoit que le demandeur informe l’autre partie par lettre RAR ou remise en main propre de son souhait de conclure une rupture conventionnelle.
 
Si la demande émane de l’agent, ce dernier peut adresser sa demande au service des ressources humaines ou à l’autorité investie du pouvoir de nomination. Si elle émane en revanche de l’employeur, il est conseillé de s’assurer en amont du libre consentement de l’agent et de le mentionner sur le courrier.
 
A la réception de la lettre de rupture conventionnelle, un entretien relatif à cette demande doit être organisé au terme d’un délai minimum de dix jours francs et d’un délai maximum d’un mois, d’autres entretiens pouvant par la suite être organisés selon la volonté des parties.
 
- Au cours de cet entretien, le fonctionnaire peut, après en avoir informé l’administration, se faire assister par un conseiller désigné par une organisation syndicale représentative de son choix, ou à défaut, par un conseiller syndical de son choix.
 
Le décret précise ensuite les points sur lesquels le ou les entretiens préalables doivent principalement porter, à savoir :
 
- les motifs de la demande et le principe de la rupture conventionnelle
- la fixation de la date de la cessation définitive des fonctions
- le montant envisagé de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle
- les conséquences de la cessation définitive des fonctions (notamment le bénéfice de l’assurance chômage et, l’obligation de remboursement anticipé en cas de retour dans la fonction publique et le respect des obligations déontologique prévues aux articles 25 octies et 26 de la loi du 13 juillet 1983, et relatifs à l’obligation de discrétion professionnelle et à l’obligation de saisine de la commission de déontologie appréciant la compatibilité des activités privées envisagée).
 
- Quinze jours francs au moins après le dernier entretien, la signature de la convention de rupture conventionnelle peut intervenir.
 
La convention fixe notamment le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle et la date de la cessation définitive des fonctions, qui ne peut intervenir au plus tôt qu’un jour franc après la fin du délai de rétractation.
 
Cette convention de rupture est établie selon un modèle fixé par arrêté ministériel et est conservé dans le dossier individuel de l’agent.
 
Chacune des deux parties dispose d’un droit de rétractation, lequel s’exerce dans un délai de quinze jours francs qui commence à courir un jour franc après la date de la signature de la convention de rupture conventionnelle et prend la forme de l’envoi d’une lettre RAR ou remise en mains propres contre signature.
 
En l’absence de rétractation des parties dans ce délai, le fonctionnaire est radié des cadres à la date de cessation définitive de fonction convenue dans la convention de rupture, aucune procédure d’homologation n’étant nécessaire comme c’est le cas pour les salariés de droit privé. 
 

Comment est calculé le montant de l’indemnité de rupture ?

Le décret n°2019-1596 du 31 décembre 2019 est venu préciser le calcul de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, en fixant notamment un montant plancher selon l’ancienneté de l’agent et un montant plafond, qui n’existe pas dans le privé, afin de limiter le coût de cette mesure pour les administrations.
 
Ainsi, le montant de l’indemnité ne peut être inférieur au montant suivant ;
 
- 1/4 de mois de rémunération brute par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans ;
- 2/5 de mois de rémunération brute par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans et jusqu’à quinze ans ;
- Un 1/2 mois de rémunération brute par année d’ancienneté à partir de quinze ans et jusqu’à vingt ans ;
- 3/5 de mois de rémunération brute par année d’ancienneté à partir de vingt ans jusqu’à vingt-quatre ans.
 
Par ailleurs, le montant de l’indemnité ne peut être supérieur à un 1/12ème de la rémunération brute annuelle par année d’ancienneté dans la limite de vingt-quatre ans d’ancienneté. 
 

Quelles sont les conséquences pour l’agent de la signature d’une convention de rupture conventionnelle ?

La rupture conventionnelle entraîne la radiation des cadres et la perte de la qualité de fonctionnaire.
 
Les agents ont le droit aux allocations chômage s’ils en remplissent les conditions d’attribution.
 
Enfin, un dispositif anti-abus a été prévu par le législateur : si l’agent est à nouveau recruté au sein de la fonction publique dont il dépendait (Etat, territoriale ou hospitalière) au cours des six ans qui suivent la rupture conventionnelle, il devra rembourser intégralement à l’administration qui le recrute les sommes perçues au titre de l’indemnité de rupture conventionnelle, dans un délai maximal de deux ans qui suit le recrutement.
 
Au sein de la fonction publique territoriale, cette obligation s’entend d’un recrutement dans la même collectivité ou dans l’établissement public de coopération intercommunale dont la collectivité est membre.
 
Pour s’assurer du respect de ces dispositions, l’article 8 du décret n°2019-1593 prévoit que préalablement à leur recrutement, les candidats retenus pour occuper un emploi au sein d’une administration doivent automatiquement adresser à l’autorité de recrutement une attestation sur l’honneur qu’ils n’ont pas bénéficié, durant les six années précédant le recrutement, d’une indemnité spécifique de rupture conventionnelle soumise à l’obligation de remboursement. 

 
En conclusion, l’expérimentation de la rupture conventionnelle dans la fonction publique devrait susciter un vif intérêt dans la gestions des ressources humaines publiques, dès lors qu’elle permet enfin de mettre un terme de manière concertée à une relation de travail qui ne satisfait plus les parties, en évitant à l’administration de devoir mettre en place des montages juridiques complexes ou à l’agent de démissionner sans pouvoir bénéficier d’aucune garantie.

 
Cet article n'engage que son auteur.
 
 

Auteur

DANDON Cécile
Avocate Associée
DU PARC - MONNET - DIJON
DIJON (21)
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