La gestion du domaine public supporte-t-elle les servitudes conventionnelles de droit privé ?
Publié le :
01/04/2020
01
avril
avr.
04
2020
Il est intéressant de regarder les jurisprudences parfois plus anciennes qui commentent des dispositions antérieures du droit de la domanialité publique.
C'est le cas de cette décision du conseil d'État du 14 décembre 2011 rendue sous le numéro 337 824 aux termes de laquelle la commune de Marcillac la Croisille, située dans le département de la Corrèze, a vu la requête de l'un de ses administrés rejetée.
Il s'agissait du propriétaire d'un château jouxtant la place de la mairie de la commune qui revendiquait la démolition de deux murets érigés en vue de l'aménagement de cette place.
Il rappelait qu'une servitude "non aedificandi" (interdiction de construire) illimitée dans le temps avait été consentie par la commune dans l'acte de vente de la parcelle correspondant à la place de la mairie signée le 1er mai 1880 avec le grand-père du propriétaire actuel du château.
Demandant la démolition de ce mur, le propriétaire du château, descendant dudit grand-père, avait vu sa demande rejetée par la commune, refus qu'il avait déféré au tribunal administratif de Limoges puis à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Cette dernière avait confirmé le jugement du tribunal administratif de Limoges rejetant la requête.
Le conseil d'État livre une analyse fort intéressante en tant qu'elle est centrée sur les dispositions antérieures à l'entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques.
Il conclut qu'antérieurement à la date d'entrée en vigueur de ce code, dont on rappelle qu'il s'agit du 1er juillet 2006, il résultait des principes de la domanialité publique que les servitudes conventionnelle de droit privé pouvaient être maintenues sur une parcelle appartenant au domaine public à la double condition d'avoir été consentie antérieurement à l'incorporation de cette parcelle dans le domaine public et d'être compatible avec son affectation.Ces règles, issues des "principes de la domanialité publique" interdisent qu'il puisse être consenti sur une dépendance du domaine public une servitude conventionnelle de droit privé.
Le Conseil d'Etat statue régulièrement sur ces sujets, et notamment dans une décision éclairante mentionnée dans les tables du recueil LEBON en date du 26 février 2016 sous le numéro 383 935, la servitude de passage revendiquée étant " en tout état de cause, incompatible avec l'affectation de la dépendance du domaine public qu'elle grèverait au service public de l'éducation, dès lors, d'une part, que son usage risquerait de perturber le déroulement des activités pédagogiques, d'autre part, qu'elle ferait peser un risque sur la sécurité de l'établissement en rendant difficile le contrôle des flux entrants et sortants du lycée ; "
Le conseil d'État, ayant rappelé l'état antérieur du droit et les principes de la domanialité publique, examine alors la compatibilité de l'existence de cette servitude conventionnelle de droit privée avec l'affectation du domaine public.
L'article L 2121-1 du code général de la propriété des personnes publiques rappelle cette notion d'affectation du domaine public, et l'obligation qui est faite de la respecter dans l'utilisation et l'occupation du domaine public.
En omettant de rechercher cette compatibilité la cour d'appel avait commis une erreur de droit.
Le conseil d'État considère, à l'examen précis de la servitude de 1881 que cette dernière n'avait d'autre objet que d'interdire de masquer la vue du château ou d'en rendre l'accès plus difficile.
Et il considère, son mètre à la main, que les murets édifiés, d'une hauteur de 50 cm, disposés en face de la propriété ne peuvent avoir pour effet de masquer la vue. Il ajoute que la distance de 6 mètres qui sépare les murets du portail d'entrée du château n'en gênent pas l'accès.
Ainsi, il n'y a ni gêne sur la vue ni gêne sur l'accès au château, la servitude conventionnelle de droit privé consentie sur le domaine public n'ayant de la sorte pas été méconnue.
Lecture intéressante car historique et pratique, qui montre que plusieurs décennies après leur constitution, les servitudes conventionnelles de droit privée consenties par acte authentique avant le 1er juillet 2006 gardent toute leur pertinence, même sur le domaine public, lorsqu'elles sont bien rédigées.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
DROUINEAU Thomas
Avocat
1927 AVOCATS - Poitiers
POITIERS (86)
Historique
-
Covid 19 : la suspension des redevances d'occupation domaniale, une aide possible ?
Publié le : 02/04/2020 02 avril avr. 04 2020Collectivités / Finances locales / Fiscalité/ Gestion de fait/ Chambre des ComptesCoronavirusLe maire de la commune de LORGUES, dans le VAR, a pris la décision de dispenser tous les commerçants qui s'acquittent de la redevance d'occupation du domai...
-
Covid-19 et loyers commerciaux : quelles mesures en faveur des entreprises ?
Publié le : 02/04/2020 02 avril avr. 04 2020Entreprises / Gestion de l'entreprise / Construction ImmobilierCoronavirusDans son allocution du 16 mars 2020, le Président de la République déclarait que, durant la période d’état d’urgence sanitaire, «les factures d’eau, de gaz...
-
La gestion du domaine public supporte-t-elle les servitudes conventionnelles de droit privé ?
Publié le : 01/04/2020 01 avril avr. 04 2020Collectivités / Urbanisme / Ouvrages et travaux publics/ConstructionIl est intéressant de regarder les jurisprudences parfois plus anciennes qui commentent des dispositions antérieures du droit de la domanialité publique....
-
Quels sont les impacts du coronavirus sur le marché immobilier ?
Publié le : 01/04/2020 01 avril avr. 04 2020Particuliers / Patrimoine / Immobilier / LogementCoronavirusDans ce contexte de crise sanitaire sans précédent, le secteur de l’immobilier comme presque toutes les activités non vitales du pays , est mis en pause....
-
Covid-19 : que contient le décret du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées ?
Publié le : 01/04/2020 01 avril avr. 04 2020Entreprises / Finances / Banque et financeCoronavirusL’État, les Régions et les collectivités territoriales ont mis en place un fonds de solidarité pour aider les plus petites entreprises les plus touchées pa...
-
L’organisation du vote des comptes administratifs des syndicats intercommunaux, pour assurer le respect du délai du 31 juillet 2020
Publié le : 01/04/2020 01 avril avr. 04 2020Collectivités / Finances locales / Fiscalité/ Gestion de fait/ Chambre des ComptesCoronavirusL'article L. 1612-20 du code général des collectivités territoriales, dispose que : « I. – Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux établ...
-
Covid-19 : quelles sont les conditions d'exercice du droit de retrait dans la fonction publique territoriale ?
Publié le : 01/04/2020 01 avril avr. 04 2020Collectivités / Services publics / Fonction publique / Personnel administratifCoronavirusL'article 5-1 du décret n° 85-603 du 10 juin 1985, relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans...