Seul le bailleur personne physique est dispensé de reloger le locataire âgé
Cassation, 3ème Civ, 7 juillet 2016 n°14-29148
Le litige porté devant la Cour de Cassation concernait une contestation de congé donné par un bailleur, SCI familiale, à son locataire, une personne âgée de pus de 70 ans et aux ressources faibles.
L’article 15 III de la loi du 6 juillet 1989 prévoyait, avant la réforme de la loi ALUR, que « le bailleur ne peut s’opposer au renouvellement du contrat en donnant congé dans les conditions définies au paragraphe I, à l’égard de tout locataire âgé de plus de 70 ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à une fois et demie le montant annuel du salaire minimum de croissance, sans qu’un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités lui soit offert. »
L’affaire ayant été initiée avant la promulgation de la loi ALUR, elle est régie par ces anciennes dispositions, mais la réforme de la Loi ALUR n’y a apporté comme modification que la baisse de l’âge plancher à 65 ans.
Le bailleur se retrouve donc dans l’obligation classique de relogement de la personne âgée de 65 ou 70 ans selon la loi applicable.
Que l’on se place dans le cadre de l’ancien droit ou de la réforme de la Loi ALUR, le sens de cet arrêt de Cassation ne change néanmoins pas puisqu’il concerne une disposition resté inchangée à savoir celle permettant au bailleur, personne physique, de pouvoir s’exonérer de cette obligation de relogement, si celui-ci dépasse également un âge plancher, à savoir 60 ans dans l’ancien droit et 65 ans depuis la loi ALUR.
Dans le cas d’espèce, le locataire, ayant dépassé l’âge de 70 ans au moment du congé, s’est plaint de n’avoir pas bénéficié d’une proposition de relogement de la part de son bailleur et sollicitait donc à ce titre la nullité des congés délivrés.
Les congés sont annulés et la Cour d’Appel confirme ces annulations, l’affaire se retrouvant donc devant la Cour de Cassation.
La Cour d’Appel, appliquant l’article 15 III qui énonce que « les dispositions de l’alinéa précédent ne sont pas applicables lorsque le bailleur est une personne physique âgée de plus de 65 (70 ans sous l’ancien droit) » considérait que la SCI, étant une personne morale, ne pouvait pas bénéficier de l’exonération de l’obligation de relogement uniquement ouverte aux bailleurs personne physique, et, de ce fait, confirmait la décision de première instance ayant annulé les congés sur ce motif.
Fort logiquement, la SCI bailleresse faisait alors valoir l’article 13 de la loi du 6juillet 1989 qui précise que « Les dispositions de l'article 11 et de l'article 15 peuvent être invoquées :
a) Lorsque le bailleur est une société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu'au quatrième degré inclus, par la société au profit de l'un des associés ;
b) Lorsque le logement est en indivision, par tout membre de l'indivision. »
Répondant à cet argument, la Cour d’Appel soulevait qu’en tout état de cause, le congé avait été fait au bénéfice d’un des associés de la SCI familiale âgé de 35 ans, et que prétendre devant les Juges que la présence d’un associé de 65 ans permettait d’exonérer du relogement était un détournement des dispositions légales.
La Cour de Cassation balaie tout débat de ce type et se tient à une lecture stricto sensu de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 : « la bailleresse personne morale, ne pouvait se prévaloir au profit de l’un de ses associés de la dispense d’offre de relogement réservée par l’article 15 III au bailleur personne physique. »
Peu importe donc l’âge des associés ou si l’un des associés, âgé de plus de 65 ans, entendrait bénéficier du congé de reprise, la Cour de Cassation considère que l’exigence faite par l’article 15 III du bailleur personne physique empêche de facto une SCI d’en bénéficier.
En conséquence, si l’article 13 de la loi du 6 juillet 1989 autorise parfaitement une SCI familiale de bénéficier des dispositions générales, concernant les congés, définies par l’article 15, et, de ce fait, permet à la SCI familiale d’échapper au statut de bailleur professionnel, elle ne peut néanmoins pas se prévaloir des avantages expressément offerts à la personne physique, et ce, même si un ou tous ses associés rempliraient les critères d’âge demandés.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
BROGINI Benoît
Historique
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