Clarification du statut du transporteur qui sous-traite les opérations de transport
Publié le :
24/02/2023
24
février
févr.
02
2023
Dans une décision du 14 décembre 2022 (°21-14.438), la Cour de cassation a eu l’occasion de clarifier le statut du transporteur, qui avait sous-traité des opérations de transport à un autre opérateur, et notamment les limitations de responsabilité qui s’appliquaient.En l’occurrence, la société Gemey Maybelline Garnier, avait confié à la société Schenker France l’acheminement en France de ses produits cosmétiques.
La société Schenker a cependant, et comme cela est courant, sous-traité ce transport à la société de transport Marolleau. Cette dernière a pris en charge les marchandises, mais a laissé en stationnement la remorque qui contenait les marchandises dans un entrepôt, pendant tout un week-end, en vue de la livraison qui aurait dû intervenir le lundi matin.
Le lundi matin, la remorque avait disparu. Elle a été retrouvée vide quelques jours plus tard.
La société Gemey a été indemnisée par son assureur. Celui-ci a par la suite engagé la responsabilité des sociétés Schenker et Marolleau.
Le Tribunal de Commerce de Nanterre avait qualifié le rôle de la société Schenker en tant que commissionnaire de transport, en considérant qu’elle avait librement organisé le transport. Le Tribunal avait par ailleurs jugé que Schenker avait mis en place des modalités de transport inappropriées et n’avait pas informé son sous-traitant des conditions de sécurité requises. Le Tribunal a donc jugé que Schenker avait manqué à ses obligations de commissionnaire de transport, et qu’en agissant ainsi Schenker avait commis une faute personnelle inexcusable qui engageait sa propre responsabilité, sans qu’une limitation de responsabilité contractuelle ne puisse être opposée.
Schenker avait interjeté appel de cette décision.
La Cour d’appel de Versailles a infirmé partiellement le jugement. Celle-ci a en effet dans un premier temps exclu la faute inexcusable de la société Schenker, de sorte qu’il convenait dès lors de faire application des plafonds de responsabilité contractuels. A ce titre, la Cour a retenu la qualité de commissionnaire de transport de la société Schenker, mais considérant sa qualité de transporteur, elle lui a fait bénéficier des limites d’indemnisation stipulées au cahier des charges signé avec Gemey, lesquelles étaient pourtant calquées sur celles applicables au transporteur au titre du contrat type de transport, limitant dès lors l’indemnité à 35.643,10 € (au lieu des 412.799,62 € qui avaient été alloués en première instance).
La Cour de cassation est venue clarifier cette situation :
Elle rappelle les dispositions de l’article L.3224-1 du code des transports, selon lesquelles lorsqu’un transporteur fait appel à des sous-traitants pour la réalisation des opérations de transport, il supporte les responsabilités prévues pour les commissionnaires de transport (à savoir en cas de faute personnelle et en garantie des substitués). Dans ce cas, et cela constitue la suite logique, les limitations de responsabilité appliquées sont celles applicables au commissionnaire de transport, et non plus celles applicables au transporteur.En conclusions, la règle posée par la Cour est relativement simple et relève du bon sens : un transporteur qui a sous-traité les opérations de transport, doit désormais être considéré comme un commissionnaire, avec les responsabilités et limitations de responsabilité qui en résultent.
La Cour de cassation a par ailleurs considéré que la Cour d’appel n’avait pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en mettant hors de cause le transporteur, tout en relevant qu’une surveillance permanente de l’entrepôt, ainsi qu’une clôture efficace auraient retardé l’entrée des malfaiteurs sur le parking, permis l’intervention des forces de l’ordre et l’interception du chargement, empêchant ainsi le dommage de se réaliser.
Il appartiendra dès lors à la Cour de renvoi de se positionner sur la part de responsabilité du transporteur dans le dommage subi.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
RAES Marion
Avocate Collaboratrice
CORNET VINCENT SEGUREL LILLE
LILLE (59)
Historique
-
La requalification pénale des faits : pas sans l’accord du prévenu !
Publié le : 02/03/2023 02 mars mars 03 2023Particuliers / Civil / Pénal / Procédure pénaleC’est une décision classique mais essentielle dans son principe que la chambre criminelle a rendu le 10 janvier 2023 (n°20-85.968). Dans le cadre d’un « l...
-
Éolien et domaine public : modalités de contestation d'une convention d'occupation du domaine public routier
Publié le : 02/03/2023 02 mars mars 03 2023Collectivités / Environnement / EnvironnementDans un arrêt rendu le 2 février 2023 sous le numéro 22 LY 00 917, la cour administrative d'appel de Lyon est venue apporter sa contribution à l'examen des...
-
Agent immobilier : pas d’amende pour l’intermédiaire AirBnb
Publié le : 01/03/2023 01 mars mars 03 2023Entreprises / Gestion de l'entreprise / Construction ImmobilierCertaines municipalités ont fait le choix de lutter contre le développement des locations meublées de courte durée. Elles entendent notamment soumettre les...
-
Vente de fichiers clients et RGPD : quelles sont les règles à respecter ?
Publié le : 27/02/2023 27 février févr. 02 2023Entreprises / Marketing et ventes / Publicité/ marketingUne peur bleue a frappé certains clients de la société Camaïeu lorsque, dans le cadre de la liquidation judiciaire de cette dernière, la vente aux enchères...
-
Construction : Prescription : point de départ de l’action entre constructeurs
Publié le : 27/02/2023 27 février févr. 02 2023Entreprises / Gestion de l'entreprise / Construction ImmobilierLa condamnation in solidum d’un constructeur, qui permet au maître de l’ouvrage de lui réclamer la réparation de l’intégralité de son préjudice alors même...
-
Harcèlement moral : l’absence de faits avérés de harcèlement ne prive pas le salarié de faire valoir la violation de l’employeur à son obligation de prévention du harcèlement
Publié le : 27/02/2023 27 février févr. 02 2023Entreprises / Ressources humaines / Discipline et licenciementDans son arrêt du 23 novembre 2022 n°21-18951, la Cour de Cassation précise que « l’obligation de prévention du harcèlement moral, qui résulte de l’article...
-
Clarification du statut du transporteur qui sous-traite les opérations de transport
Publié le : 24/02/2023 24 février févr. 02 2023Entreprises / Gestion de l'entreprise / Gestion des risques et sécuritéDans une décision du 14 décembre 2022 (°21-14.438), la Cour de cassation a eu l’occasion de clarifier le statut du transporteur, qui avait sous-traité des...