Suspension du permis de conduire : le préfet doit respecter le contradictoire
Publié le :
06/02/2018
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2018
Le préfet qui entend prendre, après expiration du délai de 72 heures de la rétention conservatoire du permis, une décision de suspension de permis de conduire doit préalablement informer le conducteur de son intention et lui offrir la possibilité de présenter des observations, soit par écrit, soit oralement, sur cette mesure.
Les faits à l’origine de cette affaire :
Interpellé alors qu'il circulait à 127 km/h sur une voie limitée à 80 km/h, un conducteur s’est immédiatement vu retenir sont permis de conduire pour une durée de 72 heures tel que prévu par l’article L. 224-2 du code de la route en cas de dépassement de 40 km/h ou plus de la vitesse maximale autorisée.Dans le délai de 72 heures de cette rétention prononcée à titre conservatoire, le préfet a décidé de suspendre le permis de l'intéressé pour une durée de trois mois en raison de l'excès de vitesse commis.
3 jours plus tard, aux vues des résultats d'analyses médicales révélant que l’intéressé conduisait sous l'emprise de stupéfiants, le préfet décidé de porter à six mois la durée de cette suspension.
Contestant ces deux décisions du préfet, l’intéressé a obtenu du Tribunal administratif de Besançon l’annulation de la seconde de ces décisions, le Tribunal estimant que le préfet n’était pas compétent pour prendre, au-delà du délai de 72 heures, la décision de porter la suspension du permis à 6 mois.
Saisi d’un pourvoi formé par le repentant de l’Etat, le Conseil d’Etat désapprouve les premiers juge et tranche l’affaire au fond.
Le préfet peut prononcer une suspension de permis au-delà du délai de 72 heures de la rétention conservatoire :
Le Conseil d’état rappelle tout d’abord que si les analyses médicales effectuées sur le contrevenant révèlent la conduite sous l’emprise de stupéfiants, le préfet peut parfaitement en application des dispositions de l‘article L. 235-1 du Code de la route suspendre le permis de conduire pour une durée de 6 mois et qu’il n’est aucunement enfermé dans le délai de 72 heures qui court à compter de la rétention du permis pour prononcer cette sanction.Le jugement est ainsi annulé pour erreur de droit.
Le préfet doit néanmoins respecter un minimum de contradictoire préalable pour prendre sa décision :
Réglant l’affaire au fond, la haute juridiction commence par rappeler une série de principes de droit commun résultant des articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l’administration qui imposent le respect d’une procédure contradictoire pour la prise des décisions individuelles qui doivent être motivées, spécialement s’agissant de décisions défavorables.
La suspension du permis de conduire est une décision défavorable qui doit être motivée
Le Conseil d’Etat considère effectivement que la décision par laquelle un préfet suspend un permis de conduire en exerçant la compétence qui lui est dévolue pour ce faire par l'article L. 224-7 du code de la route est une décision individuelle défavorable qui doit être motivée en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.Poursuivant, la Haute juridiction observe que depuis la suppression par la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit des dispositions de l'article L. 224-8 du code de la route, qui prévoyaient que la suspension prononcée par le préfet en application de l'article L. 224-7 intervenait après avis d'une commission spéciale devant laquelle le conducteur ou son représentant pouvait présenter sa défense, aucune disposition ne fixe de modalités particulières pour le recueil des observations du conducteur.
L’intéressé doit préalablement être informé et mis en mesure de présenter des observations
Le droit ayant horreur du vide, les juges de la rue Montpensier considèrent alors, ce qui fait toute la portée de cet arrêt : « qu'en l'absence d'une procédure contradictoire particulière organisée par les textes, le préfet doit se conformer aux dispositions issues des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration en informant le conducteur de son intention de suspendre son permis de conduire et de la possibilité qui lui est offerte de présenter des observations dans les conditions prévues par ces dispositions ».
Autrement dit, le préfet ne peut prendre sa décision sans avoir préalablement mis à même le conducteur de se défendre et de s’exprimer notamment sur les conséquences que pourraient avoir sur lui une telle décision de suspendre son permis de conduire.
Sauf en cas d’urgence…
La Haute juridiction rappelle toutefois que le préfet peut se dispenser de cette formalité en raison d'une situation d'urgence s'il apparaît, eu égard au comportement du conducteur, que le fait de différer la suspension de son permis pendant le temps nécessaire à l'accomplissement de la procédure contradictoire créerait des risques graves pour lui-même ou pour les tiers.Dans le cas d’espèce soumis au Conseil d’Etat, le conducteur n’avait pas été informé de la volonté du préfet de prolonger la suspension à 6 mois et par conséquent mis en mesure de présenter des observations sur cette décision sans qu’aucune urgence ni risque grave ne permette au préfet de se dispenser de ce contradictoire préalable.
Ce qu’il faut en retenir :
Le préfet qui entend prendre, après expiration du délai de 72 heures de la rétention conservatoire du permis, une décision de suspension de permis de conduire doit préalablement informer le conducteur de son intention et lui offrir la possibilité de présenter des observations, soit par écrit, soit oralement, sur cette mesure.Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo: © Richard Villalon - Fotolia.com
Auteur
ROUSSE Christian
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