Qui est redevable de la taxe foncière sur les propriétés bâties quand l’immeuble est donné à bail emphytéotique administratif à une société concessionnaire d’un service public ?
Publié le :
13/06/2024
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Dans un arrêt « SAS SMA Environnement » n° 449460 en date du 11 mars 2022, le Conseil d’État est venu répondre à la question jusqu’alors inédite relative à la personne du redevable de la taxe foncière sur les propriétés bâties, dans l’hypothèse où l’immeuble est donné à bail emphytéotique administratif à une société concessionnaire d’un service public.L’article 1400 du Code général des impôts semblait pourtant clair, qui rappelle dans un premier temps le principe de l’imposition du propriétaire actuel d’une propriété bâtie ou non, mais l’aménage ensuite d’un certain nombre d’exceptions en prévoyant au cas particulier que lorsqu’un immeuble est loué par bail emphytéotique, la taxe foncière est établie au nom de l’emphytéote.
Deux interrogations avaient cependant pu naître à cet égard, tirées notamment de la pratique jurisprudentielle du Conseil d’État lui-même.
La première fait écho à l’arrêt « Commune de Douai » n° 342788, rendu par la juridiction le 21 décembre 2012, et revient à déterminer si ce dernier avait pu affecter les règles fiscales applicables.
Le Conseil d’État y avait en effet affirmé que dans le cadre d’une délégation de service public mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l’acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l’ensemble de ces biens dits de retour appartient dès leur réalisation ou leur acquisition à la personne publique dans le silence de la convention.
Il est par ailleurs acquis que le délégataire ne peut acquérir la propriété que des biens de reprise, à savoir ceux qui ne lui ont pas été remis par l’autorité délégante au moment de contracter et qui ne demeurent pas indispensables à l’exécution du service public concédé.
Fallait-il donc opérer une distinction fiscale entre les biens de reprise, indiscutablement imposables au niveau de l’emphytéote, et les biens de retour acquis ou édifiés par l’emphytéote sur l’immeuble objet du bail ?
Au cas d’espèce le Conseil d’État reprend la motivation déployée dans l’arrêt « Commune de Douai » pour en conclure que c’est à tort que le tribunal a retenu que l’emphytéote devait être regardé comme le redevable de la taxe foncière alors que les biens qu’il a édifiés sur le domaine public et qui sont nécessaires au fonctionnement du service public sont, par application des règles de la domanialité publique, la propriété de la personne publique délégante, qui donc est celle qui par principe doit acquitter l’impôt en qualité de propriétaire.
En se prononçant ainsi, le Conseil d’État écarte par ailleurs les conclusions du Rapporteur public qui dans cette affaire avait suggéré de retenir que pendant toute la durée du bail emphytéotique l’emphytéote soit le redevable de l’impôt foncier dans son intégralité, tant pour les biens mis à sa disposition par l’autorité concédante que pour ceux dont il ferait l’acquisition ou qu’il édifierait lui-même sur le bien objet du bail et qui seraient nécessaires au fonctionnement du service public.
Et la juridiction de répondre ensuite à la seconde interrogation soulevée par ce litige, relative aux conséquences de l’absence de publication du bail emphytéotique au fichier immobilier.
Car en effet les règles de la domanialité publique qui rendent la collectivité propriétaire des biens édifiés sur son domaine public doivent en principe être mises en échec - sur le plan fiscal – par les dispositions de l’article 1400 du Code général des impôts qui prévoient l’assujettissement de l’emphytéote et non pas du propriétaire dans l’hypothèse où un bail emphytéotique aurait été passé.
Ainsi que le rappelle cependant le Conseil d’État, l’article 1402 dudit Code prévoit qu’aucune modification à la situation juridique d’un immeuble ne peut faire l’objet d’une mutation si l’acte la constatant n’a pas été préalablement publié au fichier immobilier, l’article 1403 ajoutant ensuite que tant que la mutation cadastrale n’a pas été faite, l’ancien propriétaire continue à être imposé au rôle.
Elle en déduit logiquement qu’il résulte de ces dispositions que sont seulement opposables à l’administration fiscale, pour la détermination du redevable légal de la taxe foncière, les modifications apportées aux droits du dernier propriétaire apparent tel qu’il figure au fichier immobilier.
Elle en conclut au cas d’espèce qu’en l’absence de publication du bail emphytéotique en cause au fichier immobilier, l’emphytéote ne saurait être regardé comme le redevable légal de la taxe foncière.
Il s’en évince que la publication de l’acte aurait, en revanche, permis à l’autorité concédante de déléguer à l’emphytéote la charge intégrale du paiement de l’impôt foncier.
Tout potentiel emphytéote sera tenté de s’interroger subsidiairement sur le fait de savoir si la formalité de publication par laquelle le poids intégral de la charge de la taxe foncière lui est transmis est obligatoire.
Au demeurant, elle l’est. Est parfaitement clair à cet égard l’article 28 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière : sont obligatoirement publiés au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles tous actes portant bail pour une durée de plus de douze années, en ce donc compris les baux emphytéotiques dont la durée ne saurait être inférieure à dix-huit ans.
La doctrine administrative, par ailleurs, le rappelle au point n° 40 de son instruction BOI-ENR-JOMI-30.
Sur le plan civil, l’article 30 du décret ci-dessus visé dispose que les actes qui n’auraient pas été publiés sont inopposables aux tiers qui, sur le même immeuble, auraient acquis du même auteur des droits concurrents en vertu d’actes pour leur part publiés.
Par son arrêt du 11 mars 2022, le Conseil d’État en tire les logiques conséquences fiscales.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
Bastien CONTAT
Avocat
1927 AVOCATS - Poitiers
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