Les droits de l'homme, pourquoi toujours ?

Publié le : 01/10/2006 01 octobre oct. 10 2006

Tiraillé entre les forces de la nature et celles de la liberté, l’homme aspire à une exigence fondamentale : « du seul fait qu’il est un être humain, quelque chose lui est dû : un respect, un égard, quelque chose qui sauvegarde ses chances de faire de lui même ce qu’il est capable de devenir ; la reconnaissance d’une dignité qu’il revendique parce qu’il est seul à viser consciemment son futur ».

PrécisionsTiraillé entre les forces de la nature et celles de la liberté, l’homme aspire à une exigence fondamentale : « du seul fait qu’il est un être humain, quelque chose lui est dû : un respect, un égard, quelque chose qui sauvegarde ses chances de faire de lui même ce qu’il est capable de devenir ; la reconnaissance d’une dignité qu’il revendique parce qu’il est seul à viser consciemment son futur » .

Les droits de l’homme procèdent ainsi de la quête d’une « liberté responsable » se manifestant par une exigence absolue, pouvant aller parfois, pour celui qui ne se voit pas reconnaître sa liberté et sa dignité d’homme, jusqu’au choix de la mort.

Dans ce sens, le professeur René Cassin avait souligné, en 1965, la nature de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme des Nations Unies adoptée dans l'après guerre qui « ne se présente pas uniquement comme la protestation nécessaire et positive de la conscience humaine en riposte des atrocités d’une ampleur inouïe. Elle est aussi, c’est ce qui fait sa force durable, l’expression des aspirations élémentaires, permanentes de l’ensemble de l’humanité : celles sans doute des êtres déjà parvenus à un certain niveau de vie, de culture et d’exigences, mais aussi celles des centaines de millions d’êtres humains encore accablés par l’oppression, la misère, l’ignorance et commençant à prendre conscience des conditions nécessaires à leur dignité collective ou individuelle » .

A l'heure où le monde semble à nouveau plongé dans des guerres qui de tous bords sont le fruit d'un obscurantisme oublié, l'universalité des droits de l'homme s'offre comme un repère intangible.

Si avant tout, les grands textes de droit international des droits de l’homme font de l’être humain leur objet premier et consacrent par là l’égalité de droit entre les hommes et le principe de non discrimination , la véritable universalité qui découle du corps de ces textes vient du fait qu’ils permettent d’établir une violation aussi bien lorsqu’on refuse à un individu le droit de s’affranchir (liberté d’aller et venir, liberté d’expression, de penser…) que lorsqu’on l’empêche d’adhérer au contexte et aux données concrètes de sa vie (liberté d'association, liberté religieuse, droits culturels et liguistiques, droit de propriété, droits économiques et sociaux, droit à un environnement sain…).

Ainsi depuis leur émergence dans leur forme moderne avec la Déclaration universelle du 10 décembre 1948, les droits de l'homme ont acquis par leur développement une universalité effective en associant libertés formelles et droits réels , en s'orientant vers une approche intégrée appréhendant l'individu dans son environnement sociétal , en garantissant les droits collectifs (minorités, peuples autochtones, groupes vulnérables), jusqu'à une reconnaissance de la diversité culturelle, concept à travers lequel le droit envisage désormais les différences dans leur valeur positive et la richesse qu'elles incarnent; quoi de plus nécessaire en ces temps…

S'étonnera-t-on si quelques jours après l'adoption de la Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle, en 2000, un certain 11 septembre devait couper court, à travers le monde, à 50 ans d'évolution et de mise en œuvre des normes internationales des droits de l'homme…Le mépris du droit ne profite qu'à ceux qui vivent de la haine mais aussi du pillage.

C'est parce que chacun dans son altérité s'y retrouve, que le corps des instruments internationaux de droits de l'homme offre une grille de lecture face au chaos et aux discours manipulateurs dont le but n'est autre que de précipiter les hommes les uns contre les autres. A la lueur des droits humains l'obscurantisme ni les lumières n'appartiennent à une culture en propre.

A un autre degré, c'est aussi parce que les droits de l'homme s'inscrivent contre la logique immuable d'un pouvoir aux formes changeantes que leur développement est une nécessité permanente.

L’objet même de la proclamation internationale des droits de l’homme, depuis la Charte des Droits de l'homme des Nations Unies jusqu'à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme, est de conférer des droits spécifiques, individuels et collectifs, aux êtres humains dans l’ordre juridique international afin d'offrir à ces derniers une norme de référence et de protection servant tout à la fois de jalon et de garantie face aux dérives du pouvoir quelles qu'en soit les formes et les sources.

Ce constat est évident au sein d'Etats totalitaires; mais la forme démocratique d'un Etat n'est pas non plus une garantie à elle seule. Dans de nombreux pays pourtant démocratiques, les difficultés de groupes vulnérables ou minoritaires viennent du fait que la majorité peut imposer par la contrainte ses intérêts à la minorité, de sorte que la démocratie peut devenir une sorte de jeu du « droit du plus fort » déjà critiqué par Platon (Politique, 1er livre) et Aristote (Politique, IV, 4, 1292a 15 sq) et que l’on doit aussi se protéger, comme le dit Mill (On Liberty), contre la « tyrannie de la majorité ». L'histoire a aussi montré que le jeu démocratique peut conduire à l'émergence de systèmes niant les droits de l'homme.

De même, le déclin de l'Etat de Droit constaté aujourd'hui en tous les points du globe , le phénomène d'érosion de l'Etat dans un contexte de mondialisation et le déplacement progressif des sphères de pouvoir du politique vers l'économique font aussi naître la nécessité d'une réflexion permanente sur l'évolution des droits de l'homme, réflexion qui occupe aujourd'hui, une place centrale au sein des instances compétentes autour de thématiques nouvelles comme la bonne gouvernance, les règles de bonne conduite des sociétés transnationales, la lutte contre la corruption, etc.

Mais dans ce décor en perpétuelle mutation, les textes de base constituent toujours l'étalon de référence qui permet de jauger les décalages pouvant exister entre les conditions nécessaires à la dignité collective ou individuelle des êtres humains et ce que le monde leur offre.

Pour autant, au-delà des grands principes, dans la pratique et la mise en œuvre des droits de l'homme, il n'y a et il n'y aura jamais aucun acquis et la barrière que peuvent constituer les droits fondamentaux n'existe et n'existera que tant que ces droits seront défendus, l'avocat étant ici l'ultime garant.

Ce que nos pères constituant avaient exprimé reste intangible: « l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements » (Préambule de la Déclaration de 1789).

Pour pouvoir répondre à cette charge, il importe tout autant d'être attentif à l'ensemble des développemnts du droit international et européen des droits de l'homme que d'être à l'écoute des évolutions de la société et du monde afin de constituer une barrière à même de prévenir et d'anticiper toute atteinte potentielle à la dignité humaine.


Jérôme BOUQUET-ELKAIM,
Avocat






Cet article n'engage que son auteur.

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