Le couperet de la caution professionnelle
Publié le :
19/05/2023
19
mai
mai
05
2023
Le Code de la consommation contient diverses règles très protectrices de l’individu qui signe un acte de cautionnement.Notamment, il s’agit de celles soumettant le cautionnement à des règles de forme très strictes, leur non-respect étant sanctionné par la nullité de l’engagement. Également, il s’agit de celles permettant d’annihiler un cautionnement s’il est disproportionné aux revenus et patrimoine de la caution.
Ces règles protectrices ne s’appliquent pas aux cautions professionnelles qui ne peuvent donc pas les invoquer dans la mesure où elles sont considérées comme « averties ».
Si la caution personnelle est alors obligée de donner sa garantie en cas de manquement du débiteur principal, quid des moyens que ce même débiteur principal pourrait opposer à la caution qui le poursuit après avoir payé à sa place ?
Dans cette affaire, une banque a consenti un prêt immobilier à un couple. Ce prêt a été garanti par le cautionnement consenti par la compagnie européenne de garanties et caution. À la suite de la défaillance des emprunteurs, la caution a désintéressé la banque puis assigné les emprunteurs en remboursement des sommes payées par elle. C’est alors que les emprunteurs ont formé une demande reconventionnelle en dommages et intérêts, contestant les conditions d’octroi du crédit.La cour d’appel de Lyon (CA Lyon, 15 juin 2021, n° 20/01099) a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par les emprunteurs et les a condamnés à verser une certaine somme à la caution.
Les emprunteurs ont donc formé un pourvoi en cassation, mais leur pourvoi est rejeté au motif que « Une société de caution est en droit de se fier aux informations qui lui ont été communiquées par la banque dispensatrice de crédit, sans être tenue de vérifier leur exactitude ni de procéder à des recherches complémentaires ».
En l’espèce, les renseignements financiers communiqués à la caution qui indiquaient que l'emprunteur disposait de ressources suffisantes pour honorer les mensualités du prêt étaient corroborés par la fiche d'information signée par les emprunteurs, figurant dans le dossier de l'offre de prêt, peu important que cette fiche soit postérieure à l'octroi du cautionnement dans la mesure où elle était concordante avec les éléments en possession de la caution.
En conséquence, la cour de cassation juge « qu’ayant retenu que les informations communiquées par la banque à la société de caution ne faisaient pas apparaître que le prêt sollicité par les emprunteurs était inadapté à leurs capacités financières, une cour d'appel en déduit exactement que ces derniers échouaient à établir une faute de la caution professionnelle de nature à générer à leur profit une créance de dommages-intérêts ».
Au premier abord, on peut considérer qu’une telle décision équilibre les moyens d’action de la caution professionnelle, qui, si elle ne peut opposer au créancier aucun des moyens que la caution non avisée pourrait opposer, ne peut par effet miroir, se voir opposer par le débiteur principal, aucun des moyens que ce dernier aurait pu opposer au créancier.
Cette décision est toutefois critiquable en ce qu’elle crée une contradiction : Comment en effet une caution professionnelle réputée « avertie » devrait être légitime à se contenter aveuglément des renseignements donnés par le créancier principal ?
Il est certain que les débiteurs contesteront cet état actuel du droit et continueront à contester les demandes formées par des cautions aussi serviles vis-à-vis des renseignements fournis par les créanciers….
Au final, on retiendra que le débiteur principal est au final tenu de façon plus irrémédiable au cas de cautionnement professionnel, qu’au cas de cautionnement personnel, à moins qu’il n’attaque directement le créancier principal en nullité de ses engagements.
Comme toujours, la meilleure défense reste d’attaque !
A propos de l’arrêt rendu par la Cour de Cassation le 5 Avril 2023 (Cass. com., 5 avr. 2023, n° 21-21.184)
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
Philippe PRESSECQ
Historique
-
Opposition irrégulière à injonction de payer : le délai d’opposition d’un mois est interrompu
Publié le : 29/03/2024 29 mars mars 03 2024Entreprises / Finances / Banque et financeAux termes d’un arrêt du 18 janvier 2024 publié au bulletin, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi n°21-23.033) consacre le fait que l’op...
-
Formalisme de la mention manuscrite sur la durée du cautionnement
Publié le : 31/01/2024 31 janvier janv. 01 2024Particuliers / Consommation / Contrats de vente / PrêtsEntreprises / Finances / Banque et financeUne Cour de cassation droite dans ses bottes pour les contrats signés avant le 1er janvier 2022, en dépit d’une réforme du droit des sûretés abolitionniste a...
-
L’appréciation de la disproportion d’un cautionnement au regard des facultés de remboursement de la caution
Publié le : 25/10/2023 25 octobre oct. 10 2023Entreprises / Finances / Banque et financeDe nouveau la Cour de Cassation a eu à se prononcer sur le point de savoir si le banquier peut se prévaloir d’une fiche de renseignements sur le patrimoine...
-
Le couperet de la caution professionnelle
Publié le : 19/05/2023 19 mai mai 05 2023Entreprises / Finances / Banque et financeLe Code de la consommation contient diverses règles très protectrices de l’individu qui signe un acte de cautionnement. Notamment, il s’agit de celles so...
-
Veille en matière de caution professionnelle : Les arrêts de la Haute Cour de Novembre 2022
Publié le : 03/01/2023 03 janvier janv. 01 2023Entreprises / Finances / Banque et financeAu mois de novembre dernier, la Cour de cassation a rendu deux arrêts inédits, non publiés, qui présentent un intérêt particulier pour les cautions profess...
-
Prêt et devoir de mise en garde du banquier : rappel du point de départ du délai de prescription
Publié le : 12/12/2022 12 décembre déc. 12 2022Particuliers / Consommation / Contrats de vente / PrêtsEntreprises / Finances / Banque et financeLa Cour de cassation vient confirmer une jurisprudence réduisant les moyens de défense de l’emprunteur défaillant s’agissant de sa demande reconventionnell...
-
Cautionnement : manquement au devoir de mise en garde de la banque et appréciation de la proportionnalité
Publié le : 14/11/2022 14 novembre nov. 11 2022Entreprises / Finances / Banque et financePar un arrêt de la première chambre civile, du 28 septembre 2022, la Cour de cassation est venue préciser que lorsqu'une caution invoque un manquement de...