Une augmentation importante des rémunérations de co-gérants de SARL peut-elle constituer un abus de majorité ?
Publié le :
20/03/2020
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Dans un arrêt rendu le 15 janvier 2020, la Cour de cassation considère que la décision d’augmentation de la rémunération des gérants d’une SARL peut être constitutive d’un abus de majorité s’il s’avère qu’elle est contraire à l’intérêt social et prise dans l’unique but de favoriser les intérêts des associés cogérants.
Quels étaient les faits ?
La SARL Maintenance industrie avait pour associés cogérants M. V..., M. F... et M... P..., qui détenaient chacun un tiers des parts de la société. M... P... est décédé le 2 novembre 2011, en laissant pour lui succéder Mme G... P... et M. R... P... (les consorts P...). Invoquant un abus de majorité, les consorts P... ont assigné la société et MM. V... et F..., devenus seuls cogérants, en annulation de I ‘assemblée générale du 3 mars 2012 ayant décidé d'augmenter la rémunération des deux gérants et en remboursement des sommes indûment perçues.En l’espèce, les Consorts P exposaient que la rémunération globale des trois gérants étaient auparavant de 85 000 euros, soit 28 332 euros par gérant, et que la rémunération globale était passée à 268 716 euros pour les deux gérants restant, soit 104 852 euros pour chaque gérant ayant assuré l’année entière, puis, lors de l’exercice suivant, à un total de 211 732 euros, soit 105 686 euros pour chacun des deux gérants. Dans le même temps, le résultat comptable de la société tombait à 375 euros du fait de la hausse des traitements et charges sociales des gérants contre 164 374 euros auparavant, et il n’y avait plus de distribution de dividendes, ce qui était pourtant la politique antérieure de la société.
Pour la cour d’appel, il n’y avait pas d’abus de majorité, la situation de l’entreprise n’ayant pas été mise en péril par la hausse des rémunérations des gérants et le niveau de celle-ci ne lui paraissait pas excessive au regard de l’activité de la société.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis et estime que la hausse substantielle et soudaine de la rémunération des gérants ne s’expliquait pas par une modification de l’activité de la société tandis que la baisse du résultat comptable qui en était la conséquence et la fin de la politique de distribution des dividendes ne permettait pas d’exclure « que cette décision ait été prise contrairement à l'intérêt social et dans l'unique but de favoriser les intérêts des deux associés cogérants ».
Elle ajoute que, « les décisions des actionnaires ne doivent être motivées que par l'intérêt social de l'entreprise et non par des intérêts purement personnels ; que l'abus de majorité est caractérisé par la non-conformité de la décision avec l'objet et les intérêts de la société et l'avantage qui en est retiré par la majorité dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment des membres de la minorité ».
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
Christophe Delahousse
Avocat
Cabinet Chuffart Delahousse, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
ARRAS (62)