Une plainte déposée contre Samsung par des associations : la valeur obligatoire de la RSE en question
Publié le :
11/03/2013
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Récemment une plainte a été déposée contre la société Samsung, sous les auspices d'associations françaises de consommateurs, qui pose la question de la portée normative de la RSE. Cette plainte est une véritable première en Europe.
Portée normative de la RSE : hard law ou soft law?Dans une conférence récente donnée à la Maison des arts et métiers, Xavier FONTANET ancien PDG d'Essilor, affirmait sans ambages qu'il était presque devenu une nécessité pour une entreprise de respecter la RSE dans nos économies mondialisées, cependant il fallait que la RSE vienne du coeur insistant ainsi sur le volet humain de la norme. Une plainte déposée le 26 février notamment par l'association Sherpa et l'ONG Peuples solidaires pose pour la première fois la question de la portée normative des chartes RSE rédigées par les grandes entreprises. Quelle est leur opposabilité c'est à cette question que devra répondre le Tribunal de Grande Instance de Bobigny.
►La responsabilité sociale des entreprises: leurre ou réalité?
On a vu fleurir sur les sites des multinationales des chartes de bonne conduite, néanmoins le caractère obligatoire de ces chartes s'est posé avec acuité. La charge sémantique du terme obligatoire est alors en question. Bien plus qu'une question sémantique sur l'acception du terme obligatoire c'est bien le respect des droits de l'homme dans des les pays émergents qui apparait de manière latente. Si la charte de bonne conduite contenant des principes éthiques est obligatoire pour les entreprises occidentales du point de vue des consommateurs finaux, l'est-elle sur le plan juridique?
William Bourdon, avocat et président de Sherpa l'une des associations à l'initiative de cette plainte n'en est pas à son premier coup d'éclat. Il s'est illustré dans des affaires plus anciennes et récentes lors du procès pétrole contre nourriture. En l'espèce, les associations Sherpa, Peuples solidaires et Indecosa-CGT ont déposé cette nouvelle plainte sur le fondement des pratiques commerciales trompeuses (article L121-1 du Code de la consommation transposant la directive n°2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales). En effet, Samsung a publié un code de bonne conduite dans lequel est proscrit le travail infantile et les horaires de travail pléthoriques. La société Samsung a d'ores et déjà démenti les accusations des associations de consommateurs françaises. Ces dernières versent au soutien de leurs prétentions une enquête menée en 2012 par une ONG basée à New York, China Labor Watch. L'ONG a démontré que la main d'oeuvre infantile était une réalité dans les usines de la société sud-coréenne et que la surcharge horaire était aussi de mise. ► Samsung aujourd'hui, Apple demain?
Si les associations Sherpa, Peuples solidaires et Indecosa-CGT sortent victorieuses de cette plainte des entreprises comme Apple qui emploie des salariés en Chine via son sous-traitant Foxconn, pourront craindre que la focale ne se place sur eux (article Courrier International). Foxconn a attiré l'attention de la communauté internationale en raison des conditions de travail de ses employés. De nombreux suicides ont été décomptés en raison des horaires de travail abusifs, de la nature aliénante de l'emploi ainsi que de la présence de main-d'oeuvre infantile et des rémunérations outrageusement basses.
La marque à la pomme a elle aussi des codes de bonne conduite limitant la charge horaire des travailleurs à 60 heures par semaine. L'an dernier, auditée par la Fair Labor Association à sa demande, Apple était sortie sans coup férir de l'audit. D'aucuns critiquent les représentants de cette organisation américaine parmi lesquels figurent d'éminents employés de multinationales telles que Nike et Adidas. Nonobstant, suite au rapport de la FLA, le sous-traitant taïwanais est en train de mettre en place des élections des représentants du personnel. Une première en Chine dans cette entreprise qui représente le plus gros pourvoyeur d'emplois du pays dans le secteur privé (Financial Times, "Foxconn plans Chinese Union Vote", 3 février 2013).
►La mort annoncée de l'écoblanchiment?
Cette plainte déposée devant le TGI de Bobigny pourrait avoir des déflagrations non négligeables sur la mise en oeuvre de la RSE au sein des grandes entreprises françaises et des multinationales qui disposaient de chartes RSE. Moult d'entre elles freineront aujourd'hui des quatre fers avant de mettre en place de tels dispositifs, ce sont alors les consommateurs qui pâtiront de ce conservatisme. Il est fini le temps où les codes de bonne conduite ressemblaient à s'y méprendre aux chartes octroyées, de beaux textes dont la teneur était inappliquée. Les commentateurs se font les fossoyeurs du greenwashing ou écoblanchiment (Le Cercle Les Echos, "C'en est fini des codes de conduite "fils de pub", 1er mars 2013) cet anglicisme qui signifie que le développement durable n'est qu'un voeux pieux. Cette plainte annonce donc un véritable changement de paradigme qui conférera un avantage comparatif certain aux entreprises véritablement responsables sur le plan humain et environnemental.
POUR ALLER PLUS LOIN:Eurojuris, "Faire rimer PME avec RSE, compte-rendu de la conférence "quelle RSE pour les PME?", 17 février 2013
Dossier de presse du 26 février 2013, dépôt de plainte contre Samsung pour pratique commerciale trompeuse par Sherpa, Peuples solidaires et Indecosa-CGT
Courrier International, "Affaire Foxconn-Apple sous pression", 27 février 2012
Courrier International, "Chez Foxconn, une ouverture en trompe-l'oeil", 11 février 2013
Le Monde, "Samsung attaqué en justice sur les "conditions de travail indignes chez ses sous-traitants chinois", 26 février 2013
Chloé RAMA, Eurojuris France
Cet article n'engage que son auteur.